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Vaticanistes, et autres spécialistes

J'ai traduit deux articles, apparemment sans lien entre eux. Un d'une vieille connaissance, John Allen, et une recension italienne de Lumière du Monde, centrée sur Peter Seewald. (8/12/2010)



Je n'ai pas tout de suite vu le lien, ce n'est qu'à la fin du second article que je l'ai perçu.
Giorgio Bernadelli, je l'ai découvert lors du voyage du Saint-Père en Terre-Sainte, il était l'envoyé spécial de Missionline (voir ici).
Il a lu Lumière du Monde, et se réjouit que le Pape ait choisi comme interlocuteur quelqu'un qui ne fait pas à proprement parler partie du sérail.
Je ne partage pas tout ce qu'il écrit, y compris sur le choix de Peter Seewald, mais beaucoup de son analyse est juste.

Les vaticanistes n'habitent pas tous à Rome, et ne fréquentent pas forcément le microcosme évoqué par Giorgio Bernadelli. C'est le cas par exemple de l'américain John Allen, influent (et très professionnel) vaticaniste américain qui tient absolument à redéfinir l'image du Pape comme il a décidé qu'il devait être pour l'histoire. Ce qui est assez irritant.

 



Eloge du non-vaticaniste

Giorgio Bernardelli 7 Décembre, 2010
http://www.vinonuovo.it/...
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Est-ce seulement un hasard que Peter Seewald - l'auteur du très beau livre-interview du Pape - ne vive pas à Rome et ne passe pas ses journées à raconter l'Église catholique?

A présent que beaucoup d'entre nous ont enfin eu la chance de le prendre en mains et ont constaté que Lumière du monde est un livre bien plus intéressant que les anticipations offertes par nos journaux, il y a une petite question qui, depuis quelques jours, me trotte dans la tête et que je voudrais porter à l'attention de tous.

Nous avons été surpris par la fraîcheur (freschezza = spontanéité) des mots de Benoît XVI. Sur ce même site (Vino Nuovo) nous avons déjà relevé plusieurs passages très intéressants. Il serait, par conséquent, tout à fait inutile que je me mette à tresser l'éloge du Pape; je voudrais simplement dire qu'après ce livre, il faudra commencer à se demander si la capacité de communiquer d'un Pape se mesure uniquement sur la base de sa capacité à crever l'écran.

Mais ce n'est pas de Benoît XVI que je veux vous parler aujourd'hui. Ce qui m'intéresse, c'est de déplacer, l'espace d'au moins un jour, le regard vers l'autre protagoniste de ce livre: Peter Seewald, le journaliste allemand auteur de cette interviewe extraordinaire.
Sans rien enlever à Ratzinger, je suis profondément convaincu qu'une bonne dose de l'efficacité de l'ouvrage tient à l'attitude avec laquelle Seewald a posé les questions.
On a beaucoup écrit sur le lien qui existait entre eux depuis longtemps, le fait qu'il soit bavarois, son parcours intérieur vécu ces dernières années. Toutes ces choses sont vraies.
Mais cela n'explique pas les deux caractéristiques, à mon avis les plus importantes des questions posées au pape par Seewald: tout d'abord, ce sont des questions vraies (et dans certains cas, même un peu gênantes). Et ce sont des questions de grande portée: elles n'enferment pas l'actualité de la foi catholique dans un milieu restreint, dans un cercle d'initiés, mais elles la font dialoguer avec les provocations, les stimuli, les objections présents chez les gens d'aujourd'hui.

J'en viens alors à ma petite question qui - je le précise maintenant - est particulièrement méchante: est-ce seulement un hasard que Peter Seewald ne vive pas à Rome et ne soit pas un vaticaniste professionnel? Ou, pour dire les choses autrement: si Benoît XVI avait choisi pour faire son livre-interview, un des journalistes qui tous les jours racontent la chronique de son pontificat, aurions-nous eu quand même entre les mains un livre aussi bon?

Je pense qu'on comprend que j'ai de sérieux doutes à ce sujet. Il n'est pas dans mes habitudes de tirer sur mes collègues et - du reste - ayant travaillé pendant de nombreuses années dans les pages d'information religieuse de L'Avvenire, je me range moi aussi parmi ceux qui ont essayé de raconter Benoît XVI.
Peut-être ce livre devrait-il être l'occasion d'un examen de conscience sur la façon de parler du Vatican. Combien de fois remplissons-nous nos lecteurs de détails sur des événements particuliers insignifiants, sans être capable de montrer l'ensemble du tableau? Combien de fois exagérons-nous dans l'emphase, présentant chaque geste et chaque mot comme historiques (alors que Benoît XVI lui-même dit très bien dans le livre qu'il existe aussi un service ordinaire du Successeur de Pierre)? Combien de fois offrons-nous à nos lecteurs des interprétations sophistiquées de l'enseignement du Pape, qui sont finalement à des années-lumière des questions des gens, et fonctionnelles seulement à nos thèses préconçues? Ne ferions-nous pas bien, nous aussi, d'essayer de regarder le Vatican avec une certaine distance, pour soupeser ce qui durera seulement un jour et ce qui restera?

Je termine par une note finale, toute italienne. Dans le livre Lumière du monde , on parle beaucoup de la question du relativisme, la question de la sauvegarde de la vie, de la promotion de la famille, du rôle éducatif des parents. Mais - on me corrigera si un passage m'a échappé - il me semble que n'apparaît pas la désormais célèbre expression "principes non négociables" (ndt: il est pourtant facile de vérifier que le Saint-Père lui-même n'hésite pas à s'en servir, mais pas dans le livre, en effet). Je ne l'ai trouvée ni dans les questions de Seewald, ni dans les réponses de Benoît XVI. J'ai trouvé - bien sûr - en abondance les raisons de cette attention, mais sans la tendance à les transformer en un mantra qui en fin de compte ne fait que réduire le magistère à une caricature. Comme si on pouvait compresser le regard de l'Eglise sur le monde en un test sur trois points. Peut-être que cette lecture d'un livre aussi beau que Lumière du monde pourrait aussi nous apprendre quelque chose.

 

Seul Benoīt XVI pourrait aller en Chine

John Allen (http://ncronline.org/... , ma traduction)
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Dans le jargon politique de notre temps, le pape Benoît XVI est incontestablement un «conservateur». Un des objectifs centraux de son pontificat est de faire revivre un fort sentiment d'identité catholique traditionnelle contre la laïcité radicale, c'est-à-dire un agenda conservateur classique.
Précisément à cause de ces références, cependant, le vieil axiome américain selon lequel « seul Nixon pourrait aller en Chine » (ndt: autrement dit seul un président de "droite", républicain, pouvait le faire sans être violemment critiqué) va à Benoît XVI comme un gant. En raison de ce que Benoît est et de ce qu'il représente, une fois de temps en temps il peut faire des choses qu’un pontife «libéral » soit n'oserait pas soit ne pourrait pas faire sans déchirer l'Eglise..
Ce point s’est à nouveau imposé avec le livre interview de Benoît par le journaliste allemand Peter Seewald, intitulé Lumière du Monde, et qui présente certains propos étonnants sur les préservatifs.

Considérons les caractéristiques suivantes définissant les conservateurs culturels de nos jours:

- Une "ligne de faucon" sur l'islam
- Eco-scepticisme
- Inflexible plaidoyer pro-vie

Là réside une ironie souvent sous-estimée: alors que Benoît XVI éprouve clairement de la sympathie pour ces trois préoccupations, à certains égards, il coupe l'herbe sous le pied aux extrémistes des deux camps (ndt: traduction peu sûre...).

1. Islam
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Dans n’importe quelle liste des moments les plus improbables du Pape, l'image de Benoît debout à côté d'un mufti à la Mosquée Bleue d'Istanbul en 2006, face au mihrab, dans un moment de prière silencieuse, devrait figurer en tête (ndt: cette interprétation de l'attitude courtoise du Saint-Père a été exploitée contre lui par ceux qui ont tout intérêt à diviser les catholiques, au même titre que ses propos récents sur le préservatif, elle ne correspond pas à la réalité, voir ici).
En tant que théologien, Benoît XVI avait exprimé des doutes quant à la possibilité-même de la prière inter-religieuse. Le fait que, d'une certaine façon, il soit ainsi "sorti de lui-même" pour une occasion aussi exceptionnelle, offrait un signal clair de son engagement pour la réconciliation avec le monde musulman.
Quand Benoît a été élu, de nombreux observateurs prédisait qu'il serait le pape du "choc des civilisations" de Samuel Huntington , ralliant l'Occident chrétien contre une menace islamique. Sa leçon de Ratisbonne en Septembre 2006 semblait aller dans cette direction, provoquant une explosion de protestations à travers le monde islamique, en faisant le lien entre la violence et Mahomet. (Dans son nouveau livre, Benoît admet qu'il n'avait pas réalisé que les gens prendraient son discours académique comme une déclaration politique.)
Pourtant, depuis Ratisbonne, Benoît XVI s'est plutôt imposé comme un grand ami de l'islam, même sans sortir les poings sur le terrorisme et la liberté religieuse. Il a rencontré les musulmans à des dizaines de reprises, a ouvert de nouveaux dialogues, et a "arraché" des voyages très réussis vers des pays musulmans (Jordanie et Turquie, ndt). Aujourd'hui, il est clair que la détente avec l'islam est la priorité inter-religieuse absolue de ce pontificat.
Au cœur de la vision de Benoît XVI, il y a ce qu'il a décrit au cours d'un voyage en mai 2009 en Jordanie comme une "alliance des civilisations" - une expression évidemment conçue comme une alternative au "Choc des civilisations". L'idée est que les chrétiens et les musulmans devraient se tenir épaule contre épaule dans la défense de valeurs communes telles que le droit à la vie, le soin des pauvres, l'opposition à la guerre et à la corruption, et un rôle fort de la religion dans la vie publique. (Le pape appelle ce dialogue "inter-culturel", par opposition à "inter-religieux".)

Dans Lumière du monde , la question est posée à Benoît XVI s'il a renoncé à la notion médiévale que les Papes sont censés sauver l'Occident contre l'islamisation.
"Aujourd'hui, nous vivons dans un monde complètement différent, dans lequel les lignes de bataille sont dessinés différemment", dit Benoît. "Dans ce monde, la laïcité radicale se situe d'un côté, et la question de Dieu, sous ses diverses formes, se situe de l'autre." (1)
Dans cette lutte, Benoît voit les chrétiens et les musulmans comme des alliés naturels.

Note: La seule croisade qu'il intéresse Benoît XVI de mener est celle contre une "dictature du relativisme", pas contre l'Islam. Si seul Nixon pouvait aller en Chine, peut-être que seul Benoît XVI peut aller à la Mecque.

2. L'environnement
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L'aile conservatrice de l'Église catholique d'aujourd'hui comprend quelques puissants éco-sceptiques (ndt: tous croisés dans ces pages).
Le Cardinal George Pell de Sydney, en Australie, par exemple, a mis en garde contre le "néo-paganisme" et a mis en doute les données scientifiques sous-jacentes au réchauffement climatique. Les écrivains catholiques italiens Antonio Gaspari et Riccardo Cascioli voient les "verts" d'aujourd'hui comme une version réchauffée des rouges d'hier - des matérialistes marxistes radicaux, sous de nouveaux habits.
Benoît XVI, cependant, n'est manifestement pas parmi eux. Son fort plaidoyer pour l'environnement l'a fait surnommer le "Pape vert".

Sedia Gestatoria

La papamobile écologique existe depuis un bout de temps, il suffirait de la dépoussiérer un peu!

Au cours des cinq dernières années, Benoît XVI a ouvertement mis en garde contre une "crise écologique", il a accepté la réalité du changement climatique, et a appelé à des changements de mode de vie dans l'Occident pour promouvoir le développement durable. Il a accordé ses actions avec ses paroles, en faisant installer des panneaux solaires au-dessus de la salle d'audience du Vatican ainsi qu'à son domicile privé de Ratisbonne (ndt: !! comme si le Pape n'avait pas autre chose à faire que de prendre ce genre de décision). Récemment, un responsable du Vatican a également déclaré que Benoît préférerait utiliser une papamobile électrique (ndt: j'imagine que c'était une boutade! Voir ci-contre une photo pleine d'humour, sur le site de Paolo Rodari...).

Benoît a consacré son message annuel pour la Journée mondiale de la Paix de cette année à la protection de la création, en faisant valoir que résoudre des menaces pour l'environnement telles que la sur-exploitation des ressources naturelles et le changement climatique est essentiel pour promouvoir la paix.

A coup sûr, la touche verte de Benoît XVI n'est pas celle de "Earth First!" ou du Sierra Club. Il voit l'écologie comme une étape vers un vaste renouveau de la loi naturelle, voulant dire qu'un code moral est écrit dans la création. Il s'inquiète aussi des courants panthéistes et néo-païens dans la pensée environnementaliste, et il rejette l'idée que l'écologie exige le contrôle (la limitation) de la population.

Cela dit, Benoît XVI a déplacé la préoccupation pour l'environnement à partir des catholiques d'avant-garde vers le centre. Dans Lumière du monde , Benoît fait valoir que l'Église peut être le "seul espoir" pour la terre, car elle peut pénétrer au-delà des systèmes et des politiques dans les consciences individuelles, là où les choix doivent être faits pour changer la façon dont les gens vivent.
(ndt: le chapitre de Lumière du Monde consacré à l'environnement m'a paru en grande partie constitué par les affiramtions de Peter Seewald)
En un mot, Benoît XVI a rendu impossible de justifier l'éco-scepticisme en se drapant dans le drapeau papal.

3. Préservatifs et Sida
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Pour mémoire, les récents commentaires de Benoît XVI sur les préservatifs ne constituent pas un renversement de doctrine de l'Eglise sur la sexualité humaine. Le point de vue catholique officiel (!!) reste que pour être pleinement morales, les relations sexuelles doivent avoir lieu dans le cadre du mariage hétérosexuel et doivent être ouvertes à une vie nouvelle.
La façon dont Benoît XVI aborde la question dans Lumière du monde semble en fait avoir moins à voir avec la théologie morale qu'avec une maturation spirituelle, suggèrant que le souci pour la vie d'autrui et pour sa santé, même s'il s'exprime par le choix douteux de mettre un préservatif, pourrait représenter un premier pas vers une prise de conscience des responsabilités.
Pourtant, même si ce n'est qu'indirectement, cette analyse semble raviver une tendance de la réflexion morale catholique codifiée par saint Alphonse de Liguori au 18ème siècle, qui s'appuie sur une pratique de longue date parmi les confesseurs, connue sous le nom de "conseiller le moindre mal". En un mot, on estime que si quelqu'un est engagé dans un comportement de l'Eglise considère comme un péché, et qu'on ne peut pas le convaincre d'arrêter, il est permis de lui conseiller au moins de minimiser les dommages.

Les mouvements pro-vie les plus intransigeants au sein de l'Eglise catholique ont résisté à toute tentative de présenter cela comme une position officielle, en partie sur la base théologique que cela pourrait brader l'idée que certains actes sont «intrinsèquement mauvais», mais aussi pour des raisons pastorales. Ils craignent que toute concession sur le préservatif, même prudemment nuancée, n'apparaisse comme un affaiblissement de la volonté de l'Église, une première étape sur une pente glissante vers l'approbation globale de contrôle des naissances.

Benoît XVI n'a pas adopté ce point de vue - sur la conviction, peut-être, que l'irrationalité occasionnelle du reste du monde n'est pas une raison pour tronquer la rationalité de la pensée catholique.

Ce faisant, le pape a également apporté un peu de réconfort aux pasteurs catholiques, aux opérateurs sanitaires et aux militants anti-sida, qui, parfois tolérent tranquillement l'utilisation du préservatif dans des situations moralement répréhensibles, et qui ont toujours été obligés de regarder par-dessus leur épaule.

Note

(1) Sur l'édition en français, voici l'échange (page 135), qui a été légèrement tronqué par Allen, pour les besoins de sa démonstration.
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Q: Il n 'y a pas si longtemps encore, les papes considéraient cependant que leur devoir était de protéger l'Europe d'une islamisation. Le Vatican suit-il sur ce plan une politique entièrement nouvelle ?

R: Non. Ce sont les situations historiques qui changent. Rappelons-nous seulement l'époque où l'empire ottoman a ébranlé les frontières de l'Europe, l'a assiégée et s'est finalement retrouvé aux portes de Vienne. Ou encore la bataille de Lépante, en 1571. En l'occurrence, il s'agissait vraiment de savoir si l'identité de l'Europe allait être préservée ou si l'Europe allait devenir une colonie. Dans cette situation, où il ne s'agissait pas seulement de l'islam, loin de là, mais de la propagation de la puissance ottomane, l'Europe devait être solidaire et défendre son histoire, sa culture, sa foi.
Nous vivons aujourd'hui dans un monde totalement différent où les lignes de front ont changé. Dans lequel on trouve d'un còté une sécularisation radicale, de l'autre côté la question de Dieu, dans toute sa diversité.
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Les nouvelles idéologies en "isme" Brūlot cathophobe préfacé par Mgr Rouet