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La vallée des Caidos - suite


Il en avait été question lors de la visite du Saint-Père en Espagne. Un article paru sur le site "Religion en libertad", traduit par Carlota (14/12/2010)
L’épisode est emblématique de la situation de l’Eglise dans l’Espagne de Zapatero, dont le Saint-Père parle en ces termes dans Lumière du monde (page 155) :

C'est un pays fait d'oppositions dramatiques. Pensons par exemple à la confrontation entre la République des années 1930 et Franco; ou encore à la lutte dramatique qui se joue actuellement entre une laïcité radicale et une foi déterminée.

Carlota:


Pablo J. Ginés de Religión en Libertad (original ici) raconte une intervention du Père Abbé des Bénédictins de la Vallée des Caídos, qui se sont installés en cet endroit il y a 52 ans. Le Père Anselmo Álvarez a donné une conférence dans une paroisse madrilène et a raconté le harcèlement par l’absurde (en étant gentil) dont il a fait l’objet, mais les moines ont essayé de désamorcer au mieux les manœuvres pour défendre un patrimoine qui est celui de tous les Espagnols.
On se rappelle (cf. http://benoit-et-moi.fr/2010-III/...) qu’alors que Benoît XVI arrivait en Espagne, la basilique de la Vallée des Caídos avait été fermée au public, ce qui avait entraîné une réaction populaire, la messe étant alors célébrée à l’extérieur, et la Vallée se trouve dans une des zones les plus froides et neigeuses d’Espagne. Le porte-parole du gouvernement espagnol a annoncé récemment que la Vallée rouvrira « définitivement » le 19 décembre.

C’est un exemple réel mais qui pourrait être un magnifique cas d’école en Espagne ou ailleurs (il rappelle même certaines époques et pays !). Il a eu lieu dans notre Europe contemporaine où des élites ou présentées comme telles veulent effacer un passé et faire disparaître Dieu fait homme et crucifié, par peur d’agir (et non pas de s’agiter) dans le présent et d’envisager l’avenir. Ce n’est malheureusement pas nouveau.

 


« Je ne suis qu’un moine au service de quelque chose qui appartient à tous, car la Vallée des morts (el Valle de los Caídos) appartient à la société espagnole, qui a financé sa construction à 99% avec des apports personnels et non l’État ».
C’est ainsi que l’abbé de la Vallée des Caídos, le Père Anselmo Álvarez a commencé son explication à propos des évènements de l’année passée au cours d’une conférence absolument inhabituelle à la paroisse de La Vierge Marie, organisée à l’initiative du « Forum Apologétique Benoît XVI » et du curé de la paroisse, le Père Santiago Martín, devant une salle archicomble.

L’abbé bénédictin a tenu à préciser que « nous, les moines, nous n’avons pas besoin de la Vallée; nous y sommes arrivés en provenance de St Dominique de Silos (abbaye du nord de la Castille fondée au Xème Siècle alors que la région était tout juste reconquise sur l’occupant musulman), il y a 52 ans ; à cette époque, nous sommes venus vivre à 4 moines. Pour nous, la vie monacale n’a besoin que d’une cellule et d’une parcelle ».

Mais la Vallée est un lieu spécial. Y reposent mêlés les cadavres des victimes des deux camps de la Guerre Civiles espagnole. Construite à l’époque du franquisme, il y a beaucoup de personnalités ou d’entités de gauche qui voudraient la démanteler, ou la transformer en autre chose. Au jour d’aujourd’hui l’abbaye est une communauté de moines catholiques, et de son entretien en a la charge officiellement la direction du Patrimoine National…une entité dont l’orientation, peut être changée par le Gouvernement, par un simple changement de directeur.

Sous prétextes d’entretien et de bureaucratie, un Gouvernement peut tenter de fermer la Vallée définitivement. L’abbé, sans porter d’accusations, s’est limité à énumérer les nombreuses situations « confuses » de l’année passée, toutes avec un objet : fermer la Vallée définitivement ou en démanteler ses éléments.

La coupole qui n’était pas si compliquée

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En 2009 les moines ont proposé au Patrimoine National une réparation de la coupole centrale et de sa mosaïque. Le Patrimoine National a parlé d’un coût énorme et de la nécessité d’une longue période de fermeture du monument. Les moines ont demandé la permission de solliciter l’avis d’autres techniciens qui évaluant la situation ont trouvé une autre option pour les travaux de réfection. Le 23 novembre 2009 le nettoyage de la mosaïque a commencé et une semaine plus tard et un peu d’argent, c’était terminé.

Kafka au téléphone

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En décembre 2009 des appels de fonctionnaires à l’abbaye annonçaient que la Vallée devait fermer. Le Père Anselmo a pris contact avec le Gouvernement, qui au début ne savait rien de l’affaire, mais « une demi-heure après mon interlocuteur du Gouvernement me racontait une histoire kafkaïenne que je ne répéterai pas et qui ne servait que pour fermer la basilique. Ils ont dit qu’ils la rouvriraient après la Fête de l’Immaculée Conception (ndt dont le 9 décembre 2009) mais 8 jours après cette date elle était toujours fermée, j’en ai donc informé mes supérieurs : l’archevêque (ndt Mgr Rouco, cardinal archevêque de Madrid), le Nonce apostolique et la Secrétarie d’État du Saint Siège ».

Au bout de quelques jours, un sous-secrétaire du Gouvernement « vient me voir et me dit que la conservation de la Vallée est déplorable et qu’elle requiert une restauration complète et que la basilique doit fermer. Mais je me suis informé et j’ai vu qu’il n’y avait ni plan, ni budget, ni rien de concret sur cette restauration », explique le Père Anselmo.

Le Gouvernement lui a dit que: « ils avaient un rapport qui assurait que pour des raisons de sécurité il fallait fermer ». Mais nous, de la communauté bénédictine, nous avions notre propre rapport de l’année précédente, qui avait détecté des traces d’humidité avec leur dommage esthétique mais qui montrait qu’il n’y avait pas de risque en matière de sécurité ».

Changement de stratégie à l’encontre de la sculpture de la Passion (ndt énorme Pièta au dessus du portique d’accès à la basilique)
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« Vu que la coupole et l’intérieur ne menaçaient pas de tomber en ruine ni ne présentaient un danger pour les visiteurs”, ils sont passé au thème de la sculpture de la Pièta qui est au dessus de l’entrée ». Maintenant les autorités parlent de démanteler les 150 pièces de cette statue colossale et de la transporter dans des ateliers d’état du Patrimoine National.
Les moines ont refusé d’une façon sans équivoque. Un directeur du Patrimoine pouvait jurer et encore jurer que dès qu’elle serait restaurée la statue reprendrait sa place… Et si « d’en haut » on changeait le directeur du Patrimoine National, celui-ci s’en désintéresserait, et la sculpture disparaîtrait dans les magasins de l’administration, sans date de retour?
En outre le droit canonique oblige à demander des rapports techniques à des experts avant d’engager un processus de restauration importante. C’est ce qu’ont fait les bénédictins et les experts qu’ils ont consultés ont dit, en résumé, que restaurer, oui, mais transporter, non.

Le truc des conférences de presse
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Alors le Patrimoine National a commencé à faire diffuser par des communiqués et des conférences de presse l’information selon laquelle « la communauté bénédictine avait approuvé le déplacement » de la Pièta. L’abbé a du se consacrer à répéter auprès des médias que les moines N’AVAIENT DONNÉ AUCUN consentement et qu’ils demandaient que la réparation se fit « in situ ». Par ailleurs la technique du déplacement pouvait impliquer presque de démolir la statue, une statue qui, pour être consacrée, requérait avant une cérémonie de désacralisation.

Les moins ne sont proposés de protéger la statue avec du plexiglass et de faire construire un tunnel pour sécuriser l’entrée. Ce qu’ils n’admettaient pas c’était de fermer la Vallée pour une restauration. « Le portail de la Gloire » de la Cathédrale de Saint Jacques de Compostelle est entouré d’une structure métallique, mais par ses trois portes passent chaque jour des milliers de personnes » a expliqué l’abbé. « On ne ferme pas un monument pour en réparer une partie ». De fait, le 24 mai sont arrivés des techniciens qui croyaient qu’il y avait la permission des moines pour démanteler la scène de la Passion, et l’abbé a du dire aux responsables de l’entreprise qu’il n’y avait pas d’accord pour le faire.

Arrangement à la veille de la rencontre papale de Zapatero
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Le 10 juin 2009, le président espagnol, Rodríguez Zapatero, rendait visite au Pape, comme le prévoyait sa charge en tant que président tournant de l’Union Européenne. La veille des sources gouvernementales espagnoles assuraient aux moines, avec la médiation d’un député socialiste et d’un autre du Parti Populaire (ndt donc de l’opposition), que la proposition des bénédictins était acceptée.
Mais les semaines ont passé et le Patrimoine National ne semblait pas être au courant. De fait à la fin du mois de juin est apparue toute une équipe technique cherchant à démanteler la Passion et fermer la Vallée. Ils ont ôté dix pièces d’une partie non visible de la Passion (qu’ils ont remis en octobre). L’abbé est retourné parler à l’archevêque et au Nonce. Le démantèlement s’arrête de nouveau. À la fin juin le président du Patrimoine National de l’époque quitte son poste, « on dit qu’il a été démis pour s’être opposé à la fermeture définitive de la Vallée », et c’est vrai qu’il s’y est opposé. Avec l’actuel président du Patrimoine National nous avons de bonnes relations et à la mi-novembre il nous a proposé son nouveau projet, que nous avons accepté. Ce sont les travaux qui se sont terminés vendredi, bien que le délégué du gouvernement en charge de la sécurité, ait seulement déclaré aujourd’hui ([13 décembre] officiellement qu’il n’y avait pas de manque en matière de sécurité à la Vallée des Caídos » a expliqué l’abbé.

Le chiffon qui masque les drapeaux
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Autre anecdote de ces derniers mois qui exprime bien « l’esprit du temps » dans l’Espagne zapatériste, c’est celle des drapeaux de la mosaïque. Sur l’énorme mosaïque du plafond de la coupole de la basilique, après son nettoyage, sont apparus avec une plus grande netteté des fragments, les drapeaux du camp qui avait gagné la guerre civile : la bannière espagnole (aux deux couleurs rouge et or et non plus avec le violet de la république), la bannière de la Phalange (ndt avec les flèches et le joug) et des volontaires carlistes (ndt croix de Bourgogne c'est-à-dire de St André, rouge, souvenir de Charles Quint et de son ascendance bourguignonne, et emblème des monarchistes espagnols de la branche légitimiste). « Invoquant la Loi de la Mémoire Historique » quelqu’un a proposé d’arracher cette partie de la mosaïque, ou de la cacher avec une substance quelconque. Au final on a opté pour la mise en place d’une toile suspendue qui cache, en partie, les drapeaux. Mais maintenant tout le monde en entrant porte son regard sur cette zone que personne auparavant ne regardait ; les gens se demandent ce que la toile cache et ils le cherchent. En mars on nous a conditionné l’ouverture de la Basilique à la mise en place de cette toile : c’était la Semaine Sainte et nous avons accepté pour recevoir les fidèles pour les offices de la Semaine Sainte. Nous n’avons jamais eu autant de monde que cette année! »

(Ndt, sont aussi représentés des martyrs espagnols depuis Dioclétien, en passant pas tous ceux de l’époque de l’occupation musulmane, des moines franciscains en Afrique du Nord, les missionnaires etc.).

Le cas des 33.000 morts …qui sont bien davantage
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Dans la basilique sont conservés les dépouilles mortuaires de plus de 33 000 victimes de la guerre civile, des deux camps. Le nombre de 33 000 est l’officiel, mais l’abbé explique qu’ils sont beaucoup plus car à la fin de la guerre on avait tendance à comptabiliser les morts à la baisse et beaucoup de dépouilles sont arrivées non identifiés, en provenance de fosses communes transportées en bloc.
« Il y a dix ans nous avons fait des rechercher dans les ossuaires ; la roche de la montagne avait laissé s’infiltrer de l’eau vers les ossuaires, et avec l’humidité ils ont été abîmés, et il en résulte que c’est presque impossible d’identifier les os », a affirmé l’abbé.

Le Père Anselmo a donné comme autre détail qu’il était présent quand des experts des Associations de la Mémoire Historique sont venus. «Je peux assuré que les choses se sont faites avec délicatesse et objectivité scientifique : on n’a touché à aucun os ; ils ont seulement regardé et photographié depuis l’extérieur (ndt de nombreuses personnes craignaient que les corps soient déplacés sans autorisations des familles). Déjà en septembre une commission des associations de la Mémoire Historique « a vu qu’il n’y avait presque pas de possibilité réelle d’identifier les restes ».

Le don du silence
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Pour terminer, le Père Anselmo, a voulu réfuter ceux qui l’ont accusé d’un silence « complice », avec le Gouvernement et il a rappelé que Philippe IV d’Espagne (ndt beau-fils d’Henri IV et beau-père de Louis XIV) avait fait le commentaire suivant de la statue de Saint Bruno de Pereira, très réaliste, mais qui « ne parle pas parce qu’il est moine » (ndt statue où l’on voit le saint tenant une tête de mort dans sa main , cf.wikipedia)

« Je n’ai pas parlé car nous les moines nous avons le principe du silence, que nous utilisons pour servir Dieu et les hommes »a-t-il expliqué. Même s’il y a aussi un autre motif : « Quelle que soit la parole prononcée par nous, les médias lui donnaient des interprétations tellement absurdes que nous avons vu qu’il était préférable de ne rien leur dire ». Avec qui, oui, j’ai beaucoup parlé, « presque au coude à coude », c’est avec les personnalités impliquées, civiles ou ecclésiales, « sans taire la moindre parole nécessaire, avec fermeté et urbanité », en exprimant le point de vue de l’Église, du Droit Canonique et des lois civiles, « avec des éléments que beaucoup de responsables civils ignoraient ». Et j’ai parlé sans peur car « nous bénédictins, en nos 15 siècles d’histoire, nous sommes très libres, parce que nous n’avons d’engagement qu’avec Dieu ».

La solitude vaincue
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Enfin, le moine a admis que « jusqu’il y a un an nous nous sentions dans la solitude absolue; 20 moines perdus dans la chaîne montagneuse de Guadarrama (ndt au nord-est de Madrid, culminant à +2000m !)), face à l’État et au Gouvernement. Nous n’avions que le pouvoir de la Croix et la patience bénédictine. Vivre à côté de la Croix n’est pas indifférent, on vit avec elle le Mystère de la Croix. Aujourd’hui nous sommes accompagnés de la prière qui fait bouger les montagnes. Nous en avons besoin pour que la Vallée continue ici. Nous vous la demandons et nous comptons sur l’intercession des martyrs dont beaucoup reposent ici ».

Wikileaks et le Vatican (1) Une semaine intense pour le Pape