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Le prisonnier du Vatican

A propos de Lumière du monde, et sur le thème méconnu de l'"infaillibilté pontificale", un bel article de Phil Lawler (19/12/2010)

Alors que le livre DE Peter Seewald interrogeant Benoît XVI continue à faire couler dans certains milieux catholiques une encre acide qui me désole, j'ai trouvé cet article sur un blog américain. Je fréquente peu le web anglophone, accaparée par l'italien, et moins à l'aise en anglais, et donc je ne connais Phil Lawler que de nom. Mais j'aime bien ce qu'il écrit ici.

Texte en anglais ici.
Ma traduction:

Infaillibilité pontificale - ou, le prisonnier du Vatican
Phil Lawler
14 Décembre 2010

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Lisant Lumière du monde, le livre-interview dans lequel le pape Benoît XVI révèle tellement sur lui-même, on est souvent renvoyé au titre que le pape Grégoire le Grand préférait: Le Pontife Romain est le servus servorum Dei : le serviteur des serviteurs de Dieu.

Des commentateurs laïcs considèrent le pape comme un despote absolu, qui pourrait changer l'enseignement de l'Église, s'il le voulait, avec juste un trait de plume. Il n'en est pas ainsi.

Le pape a sans doute une autorité considérable. Mais il ne peut utiliser ce pouvoir pour faire appliquer ses propres préférences, il ne peut enseigner que ce que l'Eglise universelle enseigne - ce que l'Église a toujours enseigné.

Quand un Joseph Ratzinger au doux sourire s'est retrouvé sur la loggia de la basilique Saint-Pierre en ce jour fatidique d'avril 2005, pour être présenté au monde comme Benoît XVI, servus servorum Dei, il acceptait une tâche qui lui permettait moins de liberté que celle dont il jouissait jusque-là, et non pas davantage. Lumière du monde montre cette vérité, de manière à la fois petite et grande.

Considérons d'abord les petits - mais non négligeables - moyens par lesquels un Pontife romain a perdu sa liberté personnelle.

Dans le livre, le journaliste Peter Seewald interroge le Saint-Père sur sa vie quotidienne à l'intérieur du palais apostolique. Le Pape Benoît XVI parle de la «vie de famille» de la maison pontificale: les repas réguliers, les prières en commun, les films occasionnels regardés ensemble. Il dit:

Nous célébrons Noël ensemble, écoutons de la musique pour les fêtes, et échangeons des cadeaux.

Maintenant, arrêtons-nous un instant, et réfléchissons à ce que cela doit être pour un Pontife romain d'échanger des cadeaux de Noël avec ses plus proches collaborateurs. Bien sûr, ses secrétaires et ses gouvernantes seront comblés avec un portrait signé ou un livre dédicacé. Mais le pape se voit refuser le simple plaisir de la recherche d'un cadeau spécial. Contrairement aux gens ordinaires, il ne peut pas aller faire du shopping pour trouver quelque chose de «juste» pour un ami ou un collègue, il ne peut entrer dans un magasin sans créer une sensation. Il a peu ou pas de temps libre, qu'il pourrait dérober pour confectionner un cadeau. En fait, il n'a pas de vie privée. Il ne peut pas aller dans un magasin, il ne peut pas faire un tour en ville, il ne peut pas avoir un dîner tranquille dans son restaurant favori.

D'autres célébrités ont les mêmes problèmes, bien sûr. Mais pour le Pape - représentant d'une institution présente partout à travers le monde, avec un héritage accumulé depuis plus de 20 siècles - la pression de l'examen du public est particulièrement aiguë. Toute action publique, le moindre petit geste, pourraient être interprété à tort comme une intention du Pontife.

Prenons, par exemple, la décision du pape Benoît XVI de porter le camauro: le bonnet de laine rouge qui avait été autrefois un élément ordinaire de la garde-robe papale. Le pape Benoît l'a porté une fois, et a fait sensation; les analystes ont annoncé - avec joie ou horreur, selon leur point de vue - que le Pape signalait son intérêt pour la restauration d'un modèle obsolète de la papauté. En réalité, le Pape a dit à Seewald que ses intentions étaient beaucoup plus terre à terre:

"Je ne l'ai porté qu'une seule fois. J'avais froid, et il se trouve que j'ai la tête sensible. Et je me suis dit dit, puisque le camauro est là, alors je vais le mettre. Je voulais juste essayer de lutter contre le froid. Je ne l'ai pas remis depuis. Afin de prévenir une interprétation abusive".

Imaginez être limités dans vos choix de coiffures d'hiver, non par des considérations de taille ou de confort ou de mode, mais par la crainte que les gens, à des milliers de kilomètres, puissent interpréter votre choix comme une sorte de signal théologique profond! Tout ce que le pauvre homme voulait faire, c'était garder sa tête au chaud; à cause de sa position, ce modeste confort lui a été refusé.

Ce sont certes des problèmes mineurs, et quelqu'un qui accomplit un ministère de portée mondiale doit en accepter les inconvénients mineurs. Il existe d'autres problèmes, plus graves, qui viennent avec l'office du pape. Voyons ce bref échange de Lumière du Monde :

Seewald : Avez-vous peur d'une tentative d'assassinat?
Benoît XVI : Non

Peter Seewald est un intervieweur chevronné. En d'innombrables autres occasions, il pousse le pape - respectueusement, mais avec insistance - pour une explication plus complète de ses déclarations. Dans ce cas, et ce seul cas, il laisse tomber. Nulle part ailleurs dans Lumière du monde le Pape Benoît ne rompt une question avec une réponse aussi péremptoire, laconique. Nulle part ailleurs Seewald ne renonce à poursuivre.

Nous, en tant que lecteurs, nous ne savons pas pourquoi Seewald n'a pas insisté sur cette question. Mais il semble raisonnable de supposer que le pape a signalé, par une expression de son visage ou le ton de sa voix, que d'autres questions sur le sujet ne seraient pas bienvenues. Si oui, était-ce parce qu'il a pleine confiance dans les procédures de sécurité du Vatican? Parce qu'il a déjà mené une vie pleine et heureuse? Parce qu'il a laissé son destin dans les mains de Dieu? Nous ne savons pas. Mais il nous est rappelé que la menace d'une tentative d'assassinat pèse constamment sur le pape. (Et ainsi, nous rappelons à dire une prière rapide - juste en ce moment, ce serait bien - pour la sécurité du Saint-Père.)

Pourtant, d'autres dirigeants du monde doivent accepeter d'être scrutés, et même d'être sous la menace d'un assassinat. Ce qui rend le rôle du pape vraiment unique - ce qui laisse au Pontife une liberté moindre que celle dont il jouissait avant de monter sur le trône de Pierre - c'est la chose même que beaucoup de gens voient à tort comme la source de son pouvoir despotique: la croyance unique de l'Église catholique dans l'infaillibilité papale.

Comme tout Catholique éduqué devrait le savoir, la doctrine de l'infaillibilité papale ne veut pas dire que le pape régnant aura raison quand il prédira la météo du lendemain, ou quand il exprimera son avis sur une controverse politique en cours. Le charisme de l'infaillibilité pontificale n'est pas une sorte de pouvoir magique qui protège le pape de l'erreur chaque fois qu'il ouvre la bouche. Le pape Benoît a mis un accent spécial pour dire que ses opinions personnelles, comme elles sont mises en avant dans Lumière du monde, ne doivent pas être considérées comme l'enseignement officiel de l'Église.

Le Pape ne parle pas avec une autorité infaillible quand il parle de sa propre voix. Il ne jouit de cette autorité que quand il parle de l'Eglise. Le pape Benoît explique cette autorité - dont jouit dans une certaine mesure le prêtre - au début du livre:
La chose importante est que je ne présente pas mes idées, mais plutôt que j'essaie de penser et de vivre la foi de l'Eglise, d'agir dans l'obéissance à Son mandat.

Il y aura des moments où le mandat du Christ ne sera pas tout à fait clair, même pour ceux qui souhaitent sincèrement le connaître. Alors, quand il y a confusion ou incertitude parmi les fidèles, le Pape doit répondre à l'exhortation du Christ à saint Pierre, et "confirmer ses frères". Quand il répond à cet impératif, le Pape n'exprime pas ses propres opinions, il ne crée pas ses propres règles doctrinales. Au contraire, il éclaire par la prière ce que l'Eglise enseigne, ce que l'Église a toujours enseigné, ce qui a été cru semper et ubique par les fidèles.

Ainsi, l'essence même de l'autorité papale, c'est que ce n'est pas l'autorité d'un individu; le pape n'a pas la liberté de dire quelque chose de différent de ce que ses prédécesseurs ont dit. Le pape Benoît explique à Seewald:

Dans certaines circonstances et sous certaines conditions, le pape peut prendre des décisions définitives et obligatoires, des décisions qui clarifient ce qui est et ce qui n'est pas la foi de l'Église.
...

Ce n'est que lorsque certaines conditions sont réunies, quand la tradition a été clarifié et qu'il sait qu'il n'agit pas de façon arbitraire, que le Pape peut dire: Ceci est la foi de l'Église et le refus de ceci n'est pas la foi de l'Église.

Quand le pape parle avec autorité, il ne nous dit pas ce qu'il pense, mais ce que nous pensons, comme communauté des fidèles du Christ. Il ne nous dit pas ce que nous devons croire, mais il nous aide à clarifier ce que nous croyons, ou plutôt, pour être plus précis, ce que nous et nos ancêtres ont toujours cru, depuis l'époque où Jésus a décrit les vérités de la foi à ses disciples.

Le pape n'a pas le pouvoir d'ajouter à ce dépôt de la foi, ni de soustraire, ni de modifier. Son autorité ne s'étend qu'aussi loin qu'elle nous aide à identifier le bon chemin. Son autorité est comme celle d'un guide autochtone, qui peut guider les touristes dans la montagne non pas parce qu'il règne sur les touristes, mais parce que pendant des générations sa famille a exploré et amélioré et élargi le meilleur chemin. Les touristes peuvent choisir d'ignorer le guide, car il n'a aucun pouvoir sur eux. Mais ils le feraient à leurs risques et périls, parce qu'il connaît le chemin. De même avec le Pape, le servus servorum Dei .

Le Pape Le repas du Saint-Père avec les pauvres