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Une interviewe du Cardinal Ratzinger (III)

Troisième chapitre de cette interviewe passionnante, datant de 2002, par Stephen Von Kempis. Les questions abordées deviennent très personnelles. (22/10/2010)

Les chapitres précédents sont ici:



Marie-Anne, qui traduit pour nous, m'écrit:

Voici le chapitre 3 de notre interviewe. Cette fois-ci, c'est très personnel, donc d'autant plus émouvant. Notre cardinal parle en souriant, on l'imagine fort bien, en l'écoutant, mais aussi en le lisant.

(photo ci-contre: un interviewe menée pour la Rai, par le regretté Giuseppe de Carli, voir ici: http://benoit-et-moi.fr/2010-II/...)


...

Et maintenant quelques questions plus faciles. Quels sont les traits de caractères que vous appréciez chez les autres, et que, par conséquent, vous aimeriez posséder ? Etes-vous conscient d’un de vos défauts que vous reconnaîtriez publiquement ?

– Ce que je trouve bien chez les autres, ce sont : l’ouverture sans arrière-pensée, vérité et aussi cordialité, humour et bonté. Je me trouve en affinité avec les personnes qui disposent de ces qualités que j’aimerais avoir moi aussi. Je n’ai pas l’habitude de cataloguer mes vertus mais j’aimerais pratiquer celles qu’on appelle les “vertus cardinales”, à savoir : tempérance, justice, prudence et force. Ce sont les normes vers lesquelles j’essaie de tendre, et c’est aussi par rapport à elles que je reconnais mes limites. Quant à mes défauts, mon entourage les connaît mieux que moi ; du reste, je ne voudrais pas faire ici une confession publique. Mais j’ai un défaut dont les autres peut-être ne se rendent pas aussi bien compte que moi, c’est mon goût pour la tranquillité, pour une vie retirée loin de la vie publique, dans un monde idyllique de professeur. Mais le Seigneur me rappelle à l’ordre, il me corrige pour me remettre sans cesse face à mes responsabilités.

– Quels sont vos projets d’avenir ? Vers quoi se dirige encore votre regard ?

– Depuis 25 ans, j’ai appris de ne pas faire trop de projets… Mais une chose me tient à cœur, j’aimerais bien écrire un livre sur Jésus Christ. Si je pouvais avoir suffisamment de temps pour cela, je l’accueillerais comme un vrai cadeau.

– Mais que signifie en fait la Vérité pour les hommes qui n’ont pas le regard de la Foi et auxquels pourtant manque cette foi ? Ils voudraient parvenir au ciel eux aussi. Vérité. Éternité. Vie après la mort. Ce sont des notions difficiles à imaginer et à comprendre même pour les croyants. Quels sont les ponts selon Vous, qui pourraient conduire de la Raison à la Foi?

– Bien sûr que c’est difficile si l’on veut les imaginer. Mais il y a beaucoup de choses dans la vie qu’on ne peut pas imaginer et qui pourtant existent. Nous savons bien que l’aspiration profonde de l’homme dépasse largement les quelques années qui lui sont données à vivre. Nous savons que l’Amour aspire à l’éternité et ce serait absurde si cette aspiration ne pouvait pas se réaliser.

– Mais que signifie l’Éternité ? Comment pouvons-nous l’imaginer pratiquement ?

– Il y a des réalités, comme l’amour et la vérité auxquelles nous pouvons nous attacher même au-delà de la mort. Si nous nous appuyons sur le Christ, Il nous fera traverser même la nuit ténébreuse de la mort. Et nous pouvons penser que dans l’éternité nous trouverons l’aboutissement de toutes nos aspirations d’ici-bas ; ce sera le bonheur qui ne finira pas.

– Mais, Mr le Cardinal, un but pareil, est-ce réalisable pour le commun des mortels ?

– Oui, cela devient possible si durant toute notre vie nous tenons à l’Amour. Alors, nous allons revoir ceux que nous avons aimés ici-bas ; et c’est là que nous serons vraiment chez nous ! C’est là que notre soif d’amour sera réellement étanchée.

– Mais revenons encore une fois sur la notion de Liberté, Mr le Cardinal. Dans l’Écriture nous lisons que “la Vérité nous rendra libres.” Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste le pouvoir libérateur de la Vérité ?


– Liberté ne veut pas dire que chacun peut toujours faire ce qui lui passe par la tête, mais cela veut dire qu’intérieurement l’homme vit selon ce qu’il est en vérité. Il s’agit d’une liberté intérieure, même si l’homme ne peut pas toujours faire ce qu’il veut. Imaginons que nous sommes dans un filet qui nous tient captifs ; cela veut dire qu’on ne vit pas selon ce qu’on est réellement ; qu’on ne fait pas ce qui est juste mais qu’on vit selon le paraître, ce qui est à l’opposé de la vérité. Cela nous entraînera sans cesse dans de nouvelles dépendances. Voilà l’homme qui ne veut pas se laisser guider par des normes valables, qui ne veut pas correspondre à sa propre identité. En revanche, lorsque nous suivons le Christ nous sommes libérés des fausses valeurs à tel point que même les coups de bâton de l’opinion publique ne peuvent nous atteindre vraiment. Ce qui compte pour nous, c’est de vivre en faisant ce qui est juste et bon. Là je sais que je suis sur le bon chemin, libre de toutes les autres dépendances qui ne sont que des apparences.

– Est-ce que la religion peut cohabiter avec le fanatisme ?

– Hélas, cela se produit chaque fois que le croyant s’identifie avec le Dieu dont il professe la religion. Lorsqu’on croit que Dieu va prendre en main le cours de l’histoire. Contre ce mauvais usage de la notion de Dieu il existe un remède, c’est de regarder vers le Crucifié. Voilà la vraie image de Dieu. Celui qui regarde ce Dieu qui s’est laissé tuer pour nous, ne peut plus croire aux idées fanatiques. En Le regardant ainsi, nous apprenons de Lui la vraie vie, et aussi la façon dont nous pouvons servir la paix dans le monde.

– Peut-on confondre le fanatisme avec l’aspiration à l’Absolu ?

- Certes, non.

- Mais abordons un autre sujet. La publication assez récente du document “Dominus Jesus” a provoqué l’éloigne-ment de beaucoup de fidèles de l’Église catholique. Quelle est la véritable portée de ce document ?

– C’est d’abord le courage de reconnaître que nous n’avons pas inventé Dieu. Il s’est montré lui-même tel qu’Il est pour que nous n’ayons pas la tentation de le confondre avec les faux dieux. Il nous faut donc accepter ce Visage révélé de Dieu avec humilité, mais aussi sans fausse modestie. Nous n’avons pas le droit de dire que tout est relatif, que tout se vaut, car Dieu a un caractère absolu. Par conséquent, nous ne pouvons pas agir selon le caprice du moment, suivant notre bon plaisir. Puisque Dieu nous a révélé en quoi consiste la Vérité. Il ne s’agit pas d’opposer une sorte de fanatisme face aux autres religions, mais c’est vrai que cette acceptation de Dieu fixe une limite à ma propre volnté. Elle me donne une norme grâce à laquelle une lumière pourra aussi s’infiltrer dans le monde, pour nous aider à vivre avec justesse.

– De nouveau, changement de sujet, Mr le Cardinal. L’Église ne doit pas, bien entendu, trahir la mission que le Christ lui a confiée. Mais au niveau du dialogue interreligieux, voyez-vous quelques dangers de ce côté-là ?

– Lorsque je poursuis un dialogue avec quelqu’un, je peux le comprendre plus ou moins bien, selon le cas. Si nous regardons par exemple la personne du Christ tel qu’il apparaît dans l’Évangile de Jean, il déclare la Vérité, c’est une Vérité révélée. Nous devons écouter notre interlocuteur de façon à aller aussi loin que possible avec lui dans la même direction. Mais la mission demande aussi que je me fasse comprendre par l’autre. Et je dois reconnaître d’une certaine façon les traces du Christ dans sa religion. Mais je dois constater aussi ce qui serait à corriger dans cette religion au point de vue chrétien. Donc, le dialogue est nécessaire d’abord car il fait partie du travail missionnaire, mais ensuite il y a une seconde étape qui ne fixe pas d’autre intention que de faire connaître la vérité. Le problème surgit là où l’on transforme le dialogue en idéologie jusqu’à renoncer à soi-même, comme si la vérité nous avait été déjà donnée, comme si la religion de l’autre correspondait pleinement à ma propre foi.

A suivre…



Une interviewe du Cardinal Ratzinger (II) Une interviewe du Cardinal Ratzinger (IV)