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Le Pape défie la banalité du mal

Carlota a traduit l'analyse par José-Luis Restàn des voeux du Saint-Père au corps diplomatique. (12/1/2011)

Le défi à la banalité du mal par José Luis Restán (11 janvier 2011)
www.religionenlibertad.com
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Un discours libre et courageux, chargé de réalisme et de rationalité, ce qui n’empêche pas des passages empreints d’un évident caractère dramatique et d’une véritable passion humaine. Un discours qui dénonce le fanatisme intégriste et le nihilisme occidental comme ennemis de la paix et de la cohabitation. Mais surtout un discours qui place la liberté religieuse comme clef de voûte de l’édifice des libertés et droits fondamentaux, comme source de bonne coexistence et de vie

Les diplomates l’écoutaient, mais il n’a concédé aucun geste au public présent.
Le Pape comprend l’histoire de l’humanité comme une recherche incessante du Mystère qui a fait le monde et le coeur de l’homme, pour cela «La dimension religieuse est une caractéristique indéniable et incoercible de l’être et de l’agir de l’homme, la mesure de la réalisation de son destin et de la construction de la communauté à laquelle il appartient ».
D'où la gravité de la blessure que supposent les multiples violations, brutales ou subtiles, qui sont dirigées contre la liberté religieuse dans notre monde. Benoît XVI a assumé de cette façon la défense du noyau le plus central de ce qui est humain, et son discours est un cri appelé à résonner dans cet océan de banalité qu’est devenu généralement notre débat public.

Des paroles dures, presque métalliques, celles qu’il a adressées, pour décrire la situation du Moyen Orient, où les chrétiens (disons-le une fois de plus !) «sont des citoyens originels et authentiques, loyaux à leurs patries et s’acquittant de tous leurs devoirs nationaux. Il est naturel qu’ils puissent jouir de tous les droits de la citoyenneté, de la liberté de conscience et de culte, de la liberté dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement et dans l’usage des moyens de communication.». Et cependant ils sont l’objet d’assassinat et d’extorsion, pour qu’ils abandonnent ce qui est leur terre depuis des siècles.
Le Pape s’est adressé aux autorités, mais aussi aux « chefs religieux musulmans » pour qu’ils garantissent la sécurité et le droit de leurs concitoyens chrétiens.
Il rappelle aussi les milliers de travailleurs immigrants chrétiens dans la péninsule arabique, se faisant leur avocat pour qu’ils reçoivent l’attention pastorale qui convient, et il demande aux responsables du Pakistan d’abroger l’injuste loi contre le blasphème, convertie en fer de lance contre les minorités religieuses.
Le Pape se concède à peine un instant d’apaisement dans son discours pour rappeler avec douceur que « La vénération de Dieu promeut la fraternité et l’amour, non la haine et la division ».
Enfin malgré les menaces du régime chinois pour qu’il se maintienne à l’écart, il rappelle la dure situation des fidèles et des pasteurs de la Chine continentale, demandant à leurs autorités que « les croyants n’aient pas à opposer leur fidélité à Dieu à la loyauté envers leur patrie », et que soit garanties à la communauté catholique « la pleine autonomie d’organisation et la liberté d’accomplir sa mission ».

Mais Benoît XVI parle aussi de l’Occident, ou « l’on tend à considérer la religion, toute religion, comme un facteur sans importance, étranger à la société moderne et même déstabilisateur, et l’on cherche par divers moyens à empêcher son influence dans la vie de la société ». Le Pape dénonce les lois qui limitent le droit à l’objection de conscience, le dessein d’exiler de la vie publique fêtes et symboles religieux, particulièrement le crucifix (bien qu’il soit un symbole de valeurs universelles) comme aussi la tentation de créer un monopole d’état de l’éducation, et l’imposition de « cours d’éducation sexuelle ou civique qui transmettent une conception de la personne et de la vie prétendument neutre, mais qui en réalité reflète une anthropologie contraire à la foi et à la juste raison ».
Certains crient au scandale.

Le Pape n’esquive pas non plus le débat particulièrement révélateur en ce qui concerne la société espagnole (ndt et toutes les sociétés occidentales en général) : «les projets d’opposer au droit de la liberté religieuse des droits prétendument nouveaux, promus activement par certains secteurs de la société et même dans les législations nationales ou dans des directives internationales, mais qui sont en réalité davantage l’expression de désirs égoïstes qui ne rencontrent pas de fondement dans l’authentique nature humaine ».
Au contraire, la liberté religieuse a un rôle central dans la défense et la protection de la dignité inviolable de chaque être humain. Habermas, un philosophe laïque et de gauche reconnaissait bien que la grande théologie médiévale et l’École de Salamanque (*) étaient à l’origine de la conquête des institutions démocratiques et de l’affirmation des droits de l’homme.

Le discours est conclu dans un crescendo d’affirmation positive, en reprenant les interventions de Londres (Westminster Hall) et au siège des Nations Unies. Le Pape y rejette avec fermeté le fait que la religion constitue un facteur de perturbation ou de conflit. Au contraire l’homme qui cherche sincèrement Dieu ne peut que se sentir frère de ceux qui parcourent à côté de lui le chemin de la vie et par conséquent se sent toujours invité au pardon, à la réconciliation et à la construction laborieuse du bien commun. Et vice-versa, celui qui s’embarque avec sincérité et noblesse au service de la justice et de la paix ne pourra que s’approcher d’une façon ou d’une autre du Mystère, il ne pourra pas considérer comme ennemis les croyants, même s’il ne partage pas complètement leur patrimoine d’expérience et de valeurs. Et c’est ainsi qu’on comprend une laïcité ouverte et un dialogue vivant entre tous les chemins religieux (**).

Un discours pour l’histoire.

Notes de Carlota

(*) L’Université de Salamanque fut la première institution éducative espagnole et européenne à avoir obtenu le titre d’Université, c'est-à-dire de validité universelle de ses diplômes à travers la bulle pontificale d’Alexandre IV en 1225. Dès le XVème siècle des théologies y montrèrent que la théologie n’était pas que théorique mais pouvaient aider à la résolution des problèmes sociaux. L’actuelle école autrichienne d’économie qui propose une autre voie entre le capitalisme sans loi et le dirigisme sans droit, se rattache à l’École de Salamanque et plus récemment aux économistes classiques français comme Jean-Baptiste Say ou Frédéric Bastiat dont les théories restaient guidées dans ce sens humaniste.

(**) Le problème c’est que le mot religion n’a pas la même signification pour tous et que toutes les « religions » y compris celle des « nouveaux droits » ne se trouvent pas au même niveau dans leur cheminement vers le Mystère. C’est ce qu’un certain Occident lorsqu’il parle de « laïcité positive » refuse de reconnaître.

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