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Quatre scénarios pour le Moyen-Orient

et la cinquième révolution en route? L'analyse magistrale de Massimo Introvigne. (27/2/2011)

De ces quatre scenarios, on verra que le dernier - le meilleur - est aussi le moins probable.
Quant à la cinquième révolution (on ne peut qu'essayer de deviner celles qui sont identifiées comme les 4 premières), elle a à voir avec le Camp des Saints.

Texte ici: http://www.labussolaquotidiana.it/...
Ma traduction.

Islam, une «troisième voie» ni laïciste ni fondamentaliste

Massimo Introvigne, La Bussola Quotidiana
26-02-2011
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Face au bouleversement qui a touché de nombreux pays musulmans d'Afrique et d'Asie - commencé en Tunisie et en Egypte, et qui a maintenant son épicentre en Libye - on est frappé par la désorientation des spécialistes internationaux, qui depuis des années étudiaient ces pays. Les plus honnêtes admettent qu'ils n'ont en aucune manière prévu ce qui se passe actuellement. S'ils avaient dû citer deux exemples de régimes stables dans le monde islamique, ils auraient mentionné la Libye et la Tunisie. Interrogés prsonnellement par l'auteur de ces lignes, les sociologues de longue haleine du monde arabe affirment qu'ils ne sont pas en mesure de dresser une carte des forces opposées à Kadhafi en Libye et ceux qui prétendent l'être mentent.

La micro-analyse est donc en grande partie impossible, et le spécialiste correct est celui qui ne prétend pas savoir ce qu'il ne sait pas. Entre autres choses, une tentation récurrente est de traduire dans les termes occidentaux de partis politiques ce qui, en Afrique, et en Asie, est ethnique et tribal. En Libye - pour ce que nous comprenons - les vraies lignes de division sont entre tribus, mais la notion même de tribu est de plus en plus controversée parmi les ethnologues et les sociologues.

La macro-analyse est encore plus insuffisante, et les médias nous présentent tous les jours des exemples de simplifications manifestement fausses. Nous pouvons laisser tomber, comme simple folklore, les tribunes journalistiques et télévisées italiennes, qui adoptent le critère simple et provincial selon lequel les "méchants" sont toujours les "amis de Berlusconi". Mais il y a aussi des sources plus autorisées qui ne semblent pas mieux inspirées lorsqu'elles exaltent les "jeunes démocrates" qui, grâce à Facebook ou Twitter, se seraient organisées pour chasser les "vieux dictateurs". Et plus d'un diplomate admet, en privé, qu'il est décourageant d'entendre ce discours comme seule analyse proposée par Barack Obama, démontrant combien l'administration américaine actuelle, toute repliée sur ses problèmes internes, a beaucoup de difficultés à jouer un rôle important sur la scène internationale dont elle ne semble pas toujours apprécier la complexité.
Même en l'absence de micro-analyse complète et convaincante de certains scénarios locaux, la macro-analyse peut, toutefois tenter d'identifier la signification sous-jacente de ce qui se passe. La tentative, cependant, exige une patience inconnue à de nombreux journalistes et des politiciens. Comme d'habitude, il faut en effet partir de l'histoire.

Comme l'a souligné Benoît XVI lors de son voyage en Afrique en 2008, l'Europe a exporté en Afrique et en Asie, avant tout, la force civilisatrice de l'Evangile et du christianisme, dont elle ne devrait pas avoir honte, ni s'excuser. Les excuses, pourtant, sont nécessaires parce que dans les malles des Européens, les Lumières n'ont pas tardé à voyager, avec l'idée d'un nationalisme à base ethnique, le socialisme et le communisme. Ces produits d'exportation européenne ont fait d'énormes dégats dans d'autres continents.

Dans les pays à majorité musulmane, les idées importées d'Europe ont rencontré une crise de l'islam, qui, depuis la fin du XVIIe siècle, ne conquérait plus de nouvelles terres mais voyait de vastes régions musulmanes tomber sous la domination des puissances coloniales. A cette crise théologique inexplicable - parce que le Coran et les hadiths du Prophète ne promettaient aux musulmans que des victoires, ils ne prédisaient pas de défaites - l'islam répondit de deux manières. Certains pensèrent que les musulmans étaient vaincus parce qu'ils étaient trop occidentalisés et avaient voulu imiter l'Europe, abandonnant les coutumes strictes des rustres mais invincibles premières générations du désert. Ainsi naquit le mouvement musulman traditionaliste, et ce n'est qu'en rencontrant les idées et les modèles politiques occidentaux qu'il s'organisa politiquement au XXe siècle comme fondamentalisme.

D'autres, au contraire, pensaient que l'islam perdait la bataille non pas parce qu'il était trop occidentalisé, mais parce qu'il l'était trop peu. Ceux qui adoptèrent cette analyse se mirent à importer de plus en plus les idées occidentales dans les pays islamiques: d'abord les Lumières et le laïcisme, puis le socialisme, très vite conjugués à des formes de nationalisme "conçues" à l'imitation de l'Occident. Le choc entre la tradition - par la suite appelé fondamentalisme - et le nationalisme, décliné de différentes manières selon les pays, domine toute l'histoire des régions à majorité musulmane, depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours.

Quand, après la Seconde Guerre mondiale a commencé le processus de décolonisation, les pays occidentaux et l'Union soviétique favorisèrent consciemment les nationalistes - qui étaient laïques et socialistes - contre les fondamentalistes, considérés comme beaucoup plus éloignés de tout modèle occidental, qu'il soit capitaliste ou communiste.

Dès lors que le personnel politique nationaliste avait coupé la plupart des racines avec ses traditions morales et religieuses, les remplaçant par des idéologies plutôt postiches, il n'est pas surprenant que, parmi les nationalistes qui arrivèrent au pouvoir, il se trouvât en abondance des dictateurs sans scrupules, corrompus et rapaces. Mais l'Occident tout entier - et pas seulement l'Italie, et certainement pas seulement Berlusconi, puisque le processus remonte à 1948 - les favorisa, pensant qu'ils étaient moins dangereux que les fondamentalistes. La diplomatie du Saint-Siège elle-même, qui connaissait bien, grâce aux évêques locaux, les tares des régimes nationalistes, a toujours avancé avec beaucoup de prudence, car elle savait que de tels régimes garantissaient aux minorités chrétienne non pas pas une véritable liberté religieuse, mais au moins la survie physique, beaucoup moins assurée en cas de victoire des fondamentalistes.

Cette ligne fut suivie pendant des décennies, à la fois par les États-Unis et l'Europe, et par l'Union soviétique; elle porta et maintint au pouvoir presque partout un personnel politique nationaliste de qualité exécrable. Des exception partielles sont les monarchies qui ont une légitimité traditionnelle commes celles du Maroc et de la Jordanie. Deux autres monarchies traditionnelles nées sur des bases tribales dans des pays qui n'ont jamais été des colonies, l'Afghanistan et l'Arabie saoudite, ont essayé de se fermer à tout politique et idéologique d'influence occidentale. L'Union soviétique, pour des raisons géopolitiques, se chargea de détruire la monarchie en Afghanistan, avec des conséquences désastreuses pour les Afghans et, finalement, pour les Soviétiques eux-même. Les Saoudiens ont résisté parce qu'ils ont sur leur territoire les lieux saints de l'islam et la plus grande réserve de pétrole de la planète.

Les choses changèrent en partie après la victoire des fondamentalistes en Iran en 1979 - longtemps considérée, toutefois, comme une anomalie chiite - et surtout après le 11 Septembre 2001.
George W. Bush se convainquit que les régimes laïques nationalistes ne marchaient pas, parce qu'ils n'avaient pas pu empêcher le 11 septembre, et il se proposa de les remplacer, où il le pouvait, non pas avec les fondamentalistes, mais avec une «troisième voie», islamique et conservatrice, et en même temps hostile au terrorisme et techniquement non fondamentaliste, dont les modèles étaient les positions d'au moins une partie des dirigeants des monarchies du Maroc et de la Jordanie, et la Turquie d'Erdogan. La stratégie n'était pas folle, et nous assistons aujourd'hui aux Etats-Unis à sa réhabilitation large et paradoxale, face aux bévues d'Obama. Toutefois, elle s'est enlisée dans les marais des guerres sans fin en Afghanistan et en Irak et les difficultés d'identifier, dans de nombreux pays, ceux qui pourraient incarner cette «troisième voie». Elle n'a jamais été appréciée par l'Union européenne, qui préférait les vieux dictateurs nationalistes, ni par le Parti démocrate aux États-Unis, que la liquida dès qu'il revint au pouvoir avec Obama, quitte à la redécouvrir ces derniers jours.

Le noyau de vérité de la position de Bush était que les régimes nationalistes étaient de toutes façons destinés à être dépassés par leur nature corrompue et impopulaire, et par l'impétueux réveil mondial de l'islam. Il valait mieux gouverner la "exit strategy" de ces régimes, plutôt que la subir.

Ceux qui soutenaient que dans des pays comme la Libye, la Tunisie, l'Egypte, les régimes nationalistes laïques étaient solides comme le roc, de sorte que la "doctrine Bush" était dangereuse et prématurée, avaient tort. Ces régimes impopulaires ont survécu dans des périodes de relative stabilité économique. La crise économique internationale a rendu les protestations ingérables.

Cette analyse, bien entendu, ne résout aucun problème. Soutenir que les régimes nationalistes laïques sont à bout de course ne signifie pas prévoir ce qui prendra leur place. Il y a au moins quatre scénarios, et le même scénario ne se déroulera pas nécessairement dans tous les pays impliqués.

Le premier scénario, de cauchemar en particulier pour les minorités chrétiennes, est une victoire de l'intégrisme islamique dans sa forme la plus rigide. Il existe un réel danger en Egypte, malgré les sourires de certains membres du monde fondamentaliste, dont il vaudrait mieux se méfier. C'est un scénario moins probable dans d'autres pays.

Le deuxième scénario est "guépardesque" [ndt allusion au roman Le Guépard, de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, dont Visconti a tiré un film célèbre. Le roman prend pour cadre les tourments révolutionnaires du Risorgimento, et, là aussi, le passage d'un ordre ancien à un ordre nouveau; le neveu du prince, le cynique Tancrède, dit à ce dernier « Crois-moi mon petit oncle, si nous ne nous en mêlons pas, ils vont nous fabriquer une république », qu'on peut résumer ainsi: entrons dans le mouvement de peur que celui-ci ne nous dépasse et ainsi nous pourrons le diriger à notre guise]
, où tout change pour que tout reste comme avant. Un général nationaliste corrompu déposé, un autre arrive. Cela arrivera certainement quelque part, mais ce sera seulement une façon de reporter le problème.

Le troisième scénario - le rêve de la Banque mondiale et d'autres institutions internationales - est qu'arrivent au pouvoir des technocrates, de préférence avec une expérience dans l'Organisation des Nations Unies, pas très intéressés par les valeurs traditionnelles, mais beaucoup par les valeurs de la bourse. Un figure comme l'égyptien El Baradei incarne ces rêves, mais de nombreux problèmes subsistent quant au consensus populaire que les joies présumées de la technocratie parviendront vraiment à s'assurer à moyen et long terme.

Le quatrième scénario - le meilleur - c'est qu'émergent des personnalités fortement enracinées dans les traditions locales, mais déclinées sur le mode conservateurs, et non pas fondamentalistes. C'était le cœur de la «Doctrine Bush», laquelle, toutefois, pour être récupérée dans une version révisée et peut-être améliorée, suppose déjà l'acceptation par l'Europe de dirigeants barbus avec femmes voilées, à condition qu'ils soient éloignés du terrorisme et ouverts aux droits des minorités et au dialogue; sans compter le fait que de tels dirigeants - s'ils existent quelque part - on n'en voit pas même à l'horizon le plus lointain dans d'autres pays.

Pendant ce temps, comme ces quatre scénarios s'opposent, une émigration de proportions bibliques est susceptible de se diriger vers l'Europe, ce qui signifie tout d'abord vers l'Italie. Le penseur catholique brésilien Plinio Corrêa de Oliveira (ndt: sa notice wikipedia en français est assez maigre) (1908-1995) est surtout connu pour son analyse du processus de déchristianisation de l'Occident à travers quatre révolutions qui ont désarticulé les structures, respectivement, religieuses, politiques, économiques et familiales. Peu de gens savent qu'en 1992 Corrêa de Oliveira mentionna également "la possible invasion de l'Europe occidentale par des hordes de gens affamés venant de l'Orient et du Maghreb" (en majorité, "hordes musulmanes") et des anciens pays communistes réduit à la misère [ndt: Le Camp des Saints a été écrit en 1973! On peut penser que Plinio Corrêa de Oliveira l'avait lu] : en ce sens, "les différentes tentatives d'Albanais misérables pour entrer en Italie ont été comme un premier test de cette nouvelle «invasion barbare» en Europe."

Dans le texte du penseur brésilien, il n'y avait aucun mépris pour les immigrés en Europe, méritant plutôt de la compassion comme "de pauvres gens, pleins de faim et vides d'idées".
Mais - encore une fois à titre d'hypothèse, non seulement à vérifier, mais si possible à éviter - la confrontation entre les immigrants et un environnement européen "qui, à certains égards, pourrait être classé comme supercivilisé et, à d'autres, comme pourri" pourrait dégénérer, prévient-il, en «un monde d'anarchie totale, de chaos, et d'horreur, que nous ne craignons pas d'appeler Ve révolution."
Comme ont le voit - dix ans avant le 11 Septembre 2001 - la curiosité intellectuelle de Corrêa de Oliveira l'a amené à formuler des hypothèses qui, relues aujourd'hui, apparaissent d'actualité singulière.

Bien que le parcours des quatre premières Révolutions ait eu eu pour cadre l'histoire de l'Occident, l'hypothétique cinquième Revolution représente l'irruption "de l'extérieur" de forces extrinsèques au processus historique de l'Occident, déclenchées par l'exportation de la part de l'Occident lui-même de ses vices, qui se sont combinés avec l'islam en un mélange explosif et maintenant reviennent comme un ennemi contre lequel nous devons prier, méditer et nous préparer au lieu de nous perdre dans des spéculations politiques myopes et des querelles de cour.

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