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J. Ratzinger: chacun est libre de me contredire

Je ne veux évidemment pas appeler les critiques à s'abattre sur le Saint-Père. Mais, à la veille de la parution du second volume, le moment est bien choisi pour relire la préface au 1er tome de Jésus de Nazareth (9/3/2011)

Le Pape préface son livre sur Jésus
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En novembre 2006, je m'étais risquée à traduire la préface du Tome 1, qui avait été présentée en anticipation dans l'Avvenire (cf. http://beatriceweb.eu/Blog06/.. )

C'est vraiment le moment de relire ce texte.
Le Saint-Père y explique lui-même, avec, comme c'est son habitude, une très grande clarté, le mûrissemnt de sa démarche. Bien sûr, il y a des choses nouvelles à dire sur le second tome, puisqu'il aborde le noyau même de la foi chrétienne, qui est la Résurrection. Mais on y retrouve ce qui reste totalement d'actualité, sa préoccupation autour de la rupture entre le Jésus historique et celui de la tradition, son souci de dire qu'il s'agit du même Jésus, ses réserves envers la méthode historico-critique à laquelle (même si elle a beaucoup fait avancer la recherche, et qu'il dit lui devoir beaucoup) il manque la dimension de la foi.

Et bien sûr, cette profession d'humilité devenue célèbre (parions que sur ce point, au moins, il sera à nouveau entendu!):
"(..) il n'est pas nécessaire de dire expressément que ce livre n'est absolument pas un acte de magistère, mais uniquement l'expression de ma recherche personnelle du "visage du Seigneur". Par conséquent, chacun est libre de me contredire. Je demande seulement aux lectrices et lecteurs ce pré-requis de sympathie sans lequel aucune communication n'est possible".
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Au livre sur Jésus dont je présente aujourd'hui la première partie à la publication, je suis parvenu après un long cheminement intérieur.
Au temps de ma jeunesse -dans les années 30 et 40- ont été publiés une série de livres enthousiasmants sur Jésus. Je me ne souviens du nom que de quelques auteurs: Karl Adam, Romano Guardini... Jean Daniel-Rops.
Dans tous ces livres, l'image de Jésus était dessinée à partir des Evangiles: comment il vécut sur la terre, comment, bien qu'étant entièrement humain, il portait aux hommes, dans le même temps, Dieu -avec lequel, en tant que fils, il était une seule personne. Ainsi, à travers l'homme Jésus, Dieu devenait perceptible, et à partir de Dieu, on pouvait voir l'image de l'homme juste.
A partir des années cinquante, la situation changea. Le fossé entre le "Jésus historique" et le "Christ de la foi" devint de plus en plus large, l'un s'éloignant de l'autre à vue d'oeil.
Mais que peut signifier avoir la foi en Jésus Fils du Dieu vivant, si par ailleurs l'homme Jésus était tellement différent de celui que l'Eglise annonce à partir des Evangiles?
Les progrès de la recherche historico-critique conduisirent à des distinctions de plus en plus subtiles entre les différentes "couches" de la Tradition. Derrière tout cela, la figure de Jésus, sur laquelle la foi s'appuie devint de plus en plus incertaine, elle prit des contours de moins en moins définis. Simultanément, les reconstructions de ce Jésus-là, que l'on devait rechercher derrière les traditions des évangélistes et leurs sources, devenaient de plus en plus contradictoires: du révolutionnaire ennemi des romains qui s'oppose au pouvoir en place et naturellement échoue, au doux moraliste qui permet tout et finit inexplicablement par causer sa propre ruine. Qui lit à la suite un certain nombre de ces reconstructions peut immédiatement constater qu'il s'agit davantage de photographies de leurs auteurs, et de leurs idéaux, plutôt que de la mise à nue d'une icône devenue confuse. Dans le même temps, la méfiance envers ces images de Jésus s'est amplifiée, et par suite, la figure-même de Jésus s'est encore davantage éloignée de nous. Toutes ces tentatives ont cependant laissé derrière elles, comme dénominateur commun, l'impression que nous avons bien peu de connaissances certaines sur Jésus, et que c'est seulement tardivement que la foi en sa divinité a façonné son image.
En même temps, cette impression a pénétré profondément dans la conscience commune de la chrétienté.
Une telle situation est dramatique pour la foi, car elle rend incertain son authentique point de référence: l'amitié intime avec Jésus, dont tout dépend, menace de se diluer dans le vide.

Déjà, environ 20 ans après la mort de Jésus, nous trouvons pleinement exposée, dans ce grand hymne au Christ qu'est la Lettre aux Filippins, une Christologie dans laquelle il est dit que Jésus est l'égal de Dieu, mais qu'il s'est rabaissé, qu'il s'est fait homme, s'est humilié jusqu'à la mort sur la croix, et qu'on lui doit l'hommage de la création, l'adoration que, selon le prophète Isaïe, Dieu proclama comme lui étant dû à lui seul.
La recherche critique peut à juste titre se demander: qu'est-il arrivé durant ces 20 années depuis la crucifixion de Jésus? Comment en est-on arrivé à cette christologie?
L'action de communautés anonymes, dont on cherche à trouver les représentants, n'explique en vérité rien. Comment imaginer que des regroupement obscurs puissent être aussi créatifs, convaincre, et pour finir, s'imposer? N'est-il pas plus logique, même du point de vue historique, que la grandeur se situe à l'origine, et que la figure de Jésus ait dans la pratique fait éclater toutes les catégories disponibles, de façon à n'être comprise qu'à partir du mystère de Dieu?
Naturellement, croire que comme homme il était véritablement Dieu, qu'il l'ait fait connaître à travers les paraboles, d'une façon de plus en plus claire, cela va au-delà des possibilités de la méthode historique.
Mais si au contraire, à partir de cette conviction de foi, on lit tous les textes en se servant de la méthode historique..., alors ces textes "s'ouvrent", pour nous montrer un chemin et une figure qui sont dignes de notre foi. Même les luttes (rivalités?) présentes dans le Nouveau testament autour de la figure de Jésus deviennent compréhensibles, et aussi, en dépit de toute la diversité, la profonde unité de ces écrits.

J'ai éprouvé le besoin de fournir aux lecteurs ces indications de méthode, parce que ce sont elles qui ont déterminé la voie de mon interprétation de la figure de Jésus dans le Nouveau Testament. Pour ma présentation de Jésus, ceci signifie avant tout que je fais confiance aux Evangiles. Naturellement, je tiens pour acquis ce que le Concile et les méthodes modernes d'exégèse nous apprennent sur les genres littéraires, sur le caractère intentionnel des affirmations, sur le contexte communautaire des Evangiles, et leur façon de s'exprimer dans ce contexte vivant. Pourtant, en acceptant tout cela autant qu'il m'était possible de le faire, j'ai voulu tenter de présenter le Jésus des Evangiles comme le vrai Jésus, le "Jésus historique", au vrai sens de cette expression. Je suis convaincu, et j'espère pouvoir aussi convaincre le lecteur, que cette figure est beaucoup plus logique, et aussi, du point de vue historique, plus compréhensible, que toutes les constructions que nous avons rencontrées ces dernières décennies. Je retiens que réellement CE Jésus -celui des Evangiles- est une figure historiquement solide et convaincante. Ce n'est que s'il s'est vraiment passé quelque chose d'extraordinaire, si la figure et les paroles de Jésus dépassaient toutes les espérances et les attentes de l'époque, que l'on l'on peut expliquer sa Crucifixion, et ses effets.
.....

J'espère que le lecteur comprendra que ce livre n'a pas été écrit contre l'exégèse moderne, mais avec une grande reconnaissance pour tout ce qu'elle nous a donné et qu'elle continue à nous apporter. Elle nous a fait connaître une grande quantité de sources, et de concepts à travers lesquels la figure de Jésus peut nous devenir plus présente, avec une vie et une profondeur que nous ne pouvions même pas imaginer il y a quelques décennies. J'ai seulement cherché à aller au-delà de la simple interprétation historico-critique, en appliquant les critères méthodologiques actuels, qui nous permettent une interprétation vraiment théologique de la Bible, et qui naturellement requièrent la foi, sans pour autant vouloir ou pouvoir renoncer au sérieux historique.
De fait, il n'est pas nécessaire de dire expressément que ce livre n'est absolument pas un acte de magistère, mais uniquement l'expression de ma recherche personnelle du "visage du Seigneur" (Sal, 27, 8). Par conséquent, chacun est libre de me contredire. Je demande seulement aux lectrices et lecteurs ce pré-requis de sympathie sans lequel aucune communication n'est possible.
Comme je l'ai dit au début de la préface, le cheminement intérieur vers ce livre a été long. J'ai pu commencer à y travailler durant les vacances d'été 2003. En août 2004, j'ai ensuite donné leur forme définitive aux chapitres de 1 à 4. Après mon élection au siège épiscopal de Rome, j'ai profité de tous mes instants de liberté pour l'avancer.
Puisque je ne sais pas combien de temps, et combien de force me seront encore accordés, je me suis à présent décidé à publier comme première partie du livre les 10 premiers chapitres, qui vont du baptême dans le Jourdain, à la confession de Pierre et à la Transfiguration.

Rome, fête de Saint Gerolamo, 30 septembre 2006
Joseph Ratzinger - Benoît XVI

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