Articles Images La voix du Pape Lecture, DVD Visiteurs Index Sites reliés Recherche
Page d'accueil Articles

Articles


Le parvis des gentils, à Paris Catastrophe au Japon Jésus de Nazareth L'appel des théologiens allemands Béatification de JP II Assise Crise du monde arabe, et retombées Des nouvelles du site

Comment parler (déjà) de Jésus de Nazareth?

Et comment le lire?
Premiers commentaires: le cardinal Ouellet, Massimo Introvigne, Andrea Tornielli(11/3/2011)

Il y a déjà plusieurs recensions, et j'avoue que certaines, qui se veulent exhaustives, me laissent assez perplexes, car comment imaginer qu'au lendemain de sa sortie, on puisse (déjà!) résumer en quelques lignes ce qui réprésente une vie entière de réflexion et d'étude.
Massimo Introvigne, qui est un grand connaisseur du magistère de Benoît XVI écrit:
"Même un simple aperçu de tous les multiples thèmes abordés dans la seconde partie de Jésus de Nazareth est impossible".

Il a malgré tout écrit un article assez fouillé, mettant en évidence ce qu'il a identifié comme les trois thèmes principaux abordés par l'ouvrage.
- D'abord, "la vérité historique, factuelle, des évènements narrés par les Evangiles, qu'une exégèse rationaliste constamment critiquée voudrait réduire à de simples symboles".
- Ensuite, "le passage avec Jésus Christ à une ère qualitativement nouvelle dans l'histoire du monde et du salut"
- Enfin, "le Christ est roi, mais sa régalité - qui a aussi une dimension sociale - n'a pas été comprise par ses contemporains, et parfois n'est pas comprise par nous non plus"...
(texte en italien ici, traduction peut-être à venir...)

Hier, j'ai pu suivre sur Telepace la présentation du livre dans la Salle de presse du Vatican (et les questions assez consternantes des journalistes, certains croyant manifestement que l'insolence qui consiste à appeler le Pape "Ratzinger" est une preuve de leur indépendance ...), en présence du Père Lombardi, du cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation des évêques, d'un laïc, le professeur Magris, spécialiste de littérature germanique (très bavard...), et de Don Giuseppe Costa, directeur de la LEV.
L'exposé du cardinal Ouellet est celui d'un vrai spécialiste: il est reproduit sur le site de Raffaella.
En voici le magnifique dernier paragraphe (1):

Au terme d'une première lecture, ayant largement goûté la Vérité dont avec humilité et passion l'auteur témoigne, je ressens le besoin de donner suite à cette rencontre avec Jésus de Nazareth, à la fois en invitant les autres à le lire, et en en reprenant la lecture une seconde fois, comme méditation du temps liturgique du Carême et de Pâques.
Je crois que l'Eglise doit rendre grâce à Dieu pour ce livre historique, pour cette oeuvre charnière entre deux époques, qui inaugure une nouvelle ère de l'exégèse théologique. Ce livre aura un effet libérateur pour stimuler l'amour de l'Ecriture Sainte, pour encourager la lectio divina, et pour aider les prêtres à prêcher la parole de Dieu.
A la fin de ce rapide survol d'une oeuvre qui rapproche le lecteur du vrai visage de Dieu en Jésus-Christ, il ne me reste qu'à dire: Merci, Saint-Père! Consentez-moi toutefois d'ajouter encore un dernier mot, une question, puisqu'un pareil service rendu à l'Eglise et au monde dans les circonstances que l'on sait, et avec les conditionnemments que l'on peut deviner, mérite plus qu'une parole, ou un geste de gratitude.
Le Saint-Père tient la main de Jésus sur les flots tempêtueux, et il nous tend l'autre main, afin qu'ensemble, nous ne fassions qu'une seule chose avec Lui. Qui saisira cette main tendue, qui nous transmet les paroles de la vie éternelle?

Andrea Tornielli voit de son côté dans ce livre non pas l'exposé d'un professeur, mais celui d'un amoureux.
Son article, dans Il Giornale d'hier:

Le pape: "Jésus fut un innovateur: le premier, il sépara la foi de la politique
Andrea Tornielli
-----------
Le dernier livre de Benoît XVI se concentre sur la figure du Nazaréen: «Il a ouvert un règne étranger à tout pouvoir extérieur"
Ce n'est pas un livre écrit par un professeur, mais par un amoureux. Par quelqu'un qui veut faire comprendre combien les faits racontés dans les Evangiles sont des événements du passé, mais qui, d'une certaine façon, continuent dans le présent. (..)
C'est un livre qui, comme le précédent, ne doit pas être considéré comme un acte de magistère, mais la contribution d'un savant passionné par la figure du Christ, et qui aborde la dernière semaine de sa vie terrestre avec les événements dramatiques de sa capture et de sa crucifixion jusqu'à l'épilogue de la résurrection. Un message, celui de l'Evangile, qui "n'est pas juste une idée", car "pour lui, il est déterminant qu'il se soit passé dans l'histoire réelle du monde: la foi biblique ne raconte pas des histoires en tant que symboles de vérité méta-historique, mais elle se fonde sur l'histoire qui s'est produite à la surface de la terre".
Le chapitre dédié à la résurrection est l'un des plus intéressants. Ratzinger met l'accent sur ce "Big Bang", qui est à l'origine du christianisme, en expliquant que sans un événement "réel", donc qui s'est réellement passé, et "radicalement nouveau", on n'est pas en mesure de comprendre et de justifier les premiers pas de la foi. "La foi chrétienne - écrit Benoît XVI - tient, ou s'effondre, avec la vérité du témoignage selon lequel le Christ est ressuscité d'entre les morts. Si on supprime cela, il est certes possible de recueillir de la tradition chrétienne un certain nombre d'idées dignes d'attention sur Dieu et sur l'homme, sur l'être de l'homme et sur son devoir être - une sorte de conception religieuse du monde -, mais la foi chrétienne est morte. Jésus, dans ce cas, est une personnalité religieuse qui a échoué ; une personnalité qui, malgré son échec, demeure grande et peut s'imposer à notre réflexion, mais cette personnalité demeure dans une dimension purement humaine et son autorité ne vaut que dans la mesure où son message nous convainc.
Alors que "seulement si Jésus est ressuscité, quelque chose de véritablement nouveau s'est produit qui change le monde et la situation de l'homme." (cf: Le Jésus de Benoît XVI)
Dans les pages du nouveau livre, le pape cherche à faire ressortir que seuls les yeux de la foi et le contexte de la tradition vivante de l'Eglise permettent de vraiment comprendre la figure de Jésus, selon tous les faits racontés dans les Évangiles. Benoît XVI, par exemple, dément l'interprétation du Nazaréen qu'ont donné les "théologies de la révolution", qui, en interprétant Jésus comme un zélote (ndt: juif traditionaliste qui prônait la révolte contre l'occupation romaine en Judée), ont "essayé de légitimer la violence comme moyen d'instaurer un monde meilleur".
"Les résultats terribles d'une violence à motivation religieuse - note Ratzinger avec des mots très actuels - sont de manière trop drastique sous les yeux de nous tous. La violence n'instaure pas le royaume de Dieu, le règne de l'humanisme. Elle est, au contraire, l'instrument préféré de l'Antichrist - pour autant qu'elle puisse être justifiée selon une clé religieuse et idéaliste. Elle ne sert pas l'humanisme, mais l'inhumanité". Jésus, en un mot, ne vient pas "comme un destructeur, il ne vient pas avec l'épée du révolutionnaire. Il vient avec le don de guérison. "
Le Pape parle alors du lien entre la religion et la politique et de leur "séparation l'une de l'autre".
"Nous avons dit - écrit-il - que Jésus, dans son annonce et avec toute son oeuvre, avait inauguré un règne non-politique du Messie, et avait commencé à séparer les deux réalités, jusque là inséparables. Mais cette séparation de la politique et de la foi, du peuple de Dieu et de la politique, appartenant à l'essence de son message, n'était en définitive possible que par la croix: ce n'est que par la perte absolue de tout pouvoir extérieur, par le dépouillement radical de la Croix, que la nouveauté devenait réalité. "

Dans un autre passage du livre, Benoît XVI, parlant du discours eschatologique de Jésus, rappelle son allusion aux "futures persécutions des siens", avec une allusion bien compréhensible aujourd'hui encore: "L'annonce de l'Evangile sera toujours sous le signe de la croix - c'est ce que les disciples de Jésus, à chaque génération devront réapprendre. La croix est et reste un signe du 'Fils de l'homme': la vérité et l'amour, dans la lutte contre le mensonge et la violence, ont finalement pour seule arme le témoignage de la souffrance".

Un des passages les plus significatifs dans la dernière partie du livre est consacré à la "méthode de Dieu". "C'est le mystère de Dieu - dit Benoît XVI - d'agir "à voix basse". Ce n'est que progressivement qu'il construit, dans la grande histoire de l'humanité, son histoire. Il devient homme, mais de manière à être ignoré par ses contemporains, par les forces influentes de l'histoire. Il souffre et il meurt et, ressuscité, il veut venir à l'humanité seulement par la foi des siens auxquels il se manifeste. Sans cesse, il frappe doucement à la porte de nos cœurs, et si nous lui ouvrons, lentement, il nous rend capables de "voir". Et pourtant - n'est-ce pas là le style divin? Ne pas écraser avec le pouvoir extérieur, mais donner la liberté, donner et inspirer l'amour. Et ce qui est apparemment si faible, n'est-ce pas - si l'on y réfléchit bien - la chose vraiment grande ?".

En bref, un livre à lire, stimulant pour quiconque - croyant ou non - veut se confronter à l'image de l'homme qui, par sa naissance, a divisé l'histoire en deux. Ce "Juif marginal" qui ne serait apparu que comme un point insignifiant sur le radar des grands événements de son temps. Ce Nazaréen que ses amis ont dit avoir vu ressuscité, et ont donc annoncé: un événement, écrit le Pape, qui "ne s'explique pas avec des spéculations ou des expériences intérieures mystiques. Dans son audace, dans sa nouveauté, il prend vie par la force impétueuse d'un événement que personne n'avait conçu et qui était au-delà de toute imagination".
--------------

Pour conclure... provisoirement

Pour conclure sur une très modeste opinion personnelle, je crois que chacun doit lire le livre à sa manière, ce qui veut dire pas forcément de façon linéaire (c'est justement le propre d'un ouvrage d'une telle richesse, et la mise en page nous y invite, qui a prévu une table des matières très détaillée permettant un accès direct aux différents thèmes ). J'ai commencé à le faire, et j'ai déjà mis à plusieurs endroits des "signets" pour des trésors à méditer.
Un autre aspect qui serait digne d'étude, et qui m'a frappée, c'est le style littéraire du Pape. Il est inimitable. Quelqu'un, je ne sais plus qui, a dit que Joseph Ratzinger était un des rares auteurs qui écrivent comme elles parlent. C'est totalement évident ici. Il est en dialogue avec son lecteur. Il a souvent recours aux interrogations ("?"), effectivement marquées par la ponctuation. S'il emploie des mots savants, c'est qu'ils sont nécessaires à son exposé, mais il n'y a pas la moindre trace de pédantisme gratuit. On a vraiment l'impression qu'il s'adresse directement à chacun de nous: ceux qui sont familiers de ses homélies et catéchèses ne devraient pas en être surpris, mais beaucoup de ceux qui le critiquent sans l'avoir lu, si.

(1) Je m'aperçois à l'instant que l'exposé du Cardinal Ouellet a été traduite sur le site de Sandro Magister: http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1347062?fr=y

Le Cardinal Ouellet commence sa présentation en ces termes:
Ce livre très dense se lit malgré tout d’un seul trait. En parcourant ses neuf chapitres ouverts sur une prospective, le lecteur est entraîné par des chemins escarpés vers la rencontre captivante de Jésus, une figure familière qui se révèle encore plus proche en son humanité comme en sa divinité. Une fois terminée la lecture, on voudrait continuer le dialogue, non seulement avec l’auteur mais avec Celui dont il parle. "Jésus de Nazareth" est plus qu’un livre, c’est un témoignage émouvant, fascinant, libérateur. Que d’intérêt il soulèvera chez les experts et les fidèles!

Le cardinal Barbarin sur Europe 1 Sous le signe de la croix