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Joseph Ratzinger: mon concile

Une interviewe du Cardinal, publiée par "la Repubblica" au lendemain de l'élection. (16/3/2011)

Les éditions Artège viennent de publier un livre signé Joseph Ratzinger, et intitulé "Mon Concile Vatican II"
Selon la présentation de l'éditeur:
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Les divisions qui se sont fait jour au moment du Concile Vatican II ont resurgi avec l'élection de Benoit XVI.
Considéré comme un tenant de la réaction conservatrice, beaucoup ignorent encore la place importante qu'a pu occuper le jeune abbé Ratzinger comme expert au Concile.
Publié pour la première fois en langue française, ce document exceptionnel rassemble les prises de positions du futur Benoit XVI au cours de cette étape historique pour l'Église.


La Vie en publie quelques bonnes feuilles (nous supposons qu'elles n'ont pas été choisies au hasard), et Jean Mercier ne laisse pas passer l'occasion:
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Qui est vraiment Benoît XVI? Un progressiste devenu ultra-conservateur, à la suite des événements de 1968, comme le prétend la légende? Le livre que viennent de publier les éditions Artège, et dont nous vous proposons les bonnes feuilles en exclusivité, lève enfin le voile sur la vérité.


Certes, ces documents appartiennent à l'histoire, et îl n'y a pas de raison de ne pas en parler, mais la démarche fait penser à la publication par le SZ d'une "pétition" signée il y a 40 ans par Joseph Ratzinger contre le célibat sacerdotal: façon de dire "décidément, ce Pape n'est pas du tout celui que l'on croit!"

Car de quelle vérité s'agit-il?
N'oublions pas que les faits (et les textes cités par la Vie) remontent à un demi-siècle, et émanent d'un jeune homme de 32 ans qui, même s'il n'a pas vraiment changé, a certainement évolué. Il s'agit du cheminement normal d'un homme, et ce n'est pas pour rien que le Seigneur a voulu pour Pape, à 78 ans, l'ex "peritus" de Vatican II.

Raffaella propose sur son site un article publié par La Repubblica au lendemain de l'élection.
Il s'agit de la transcription d'une interviewe du cardinal Ratzinger par une chaîne de télévision italienne. On ne nous dit pas de quand elle date.
L'intéressé lui-même, là aussi, nous donne sa version du Concile.
Texte en italien: http://paparatzinger-blograffaella.blogspot.com/..
Ma traduction.

Ratzinger: Mon Concile
Souvenirs du Pape actuel
Pasquale Chessa et Francesco Villari

De la Repubblica du 13 mai 2005, une partie d'un texte de Joseph Ratzinger présenté par Reset (ndt: il s'agit d'un blog "participatif" genre Rue89) en Mai-Juin 2005. C'est la transcription de l'interview faite par Pasquale Villari et Francesco Chessa pour une émission de la chaîne Raisat Extra .
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A l'époque du Concile, j'étais un jeune professeur à l'Université de Bonn, près de Cologne; l'archevêque responsable de cette université était le cardinal Frings. J'avais donné une conférence sur la théologie du Concile, à laquelle le Cardinal avait assisté; elle lui avait plu, et il m'avait invité à l'accompagner au Concile. Auparavant, Frings m'avait déjà demandé de préparer un discours à tenir, à l'invitation du Cardinal Siri de Gênes, sur les problèmes à traiter au Concile:
Cette conférence, qui pouvait paraître peut-être pas révolutionnaire, mais certainement un peu osée plut bien au Pape Jean XXIII, qui, accueillant Frings, lui déclara: "C'étaient justement mes intentions en convoquant le Concile ".
Voir l'Eglise vivante, trois mille évêques présents, est un événement exceptionnel: rarement dans l'histoire, on peut la voir ainsi, la toucher dans son universalité et dans un moment de grande réalisation de sa mission.

La vie romaine
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J'habitais avec le cardinal au Collegio dell’Anima, via della Pace; c'était une institution autrichienne à l'atmosphère sympathique. Le cardinal avait réuni tous les évêques de langue allemande dans la grande Salle du collège et j'ai été chargé de leur faire un exposé et de présenter à tout l'épiscopat de langue allemande le travail du Concile.

Pour un tout jeune professeur - j'avais 32 ans et venais de commencer à enseigner à l'université - c'était quelque chose de vraiment impressionnant, et même, en un sens, "pesant": la responsabilité de tracer le chemin que les évêques allemands allaient prendre étaient sur mes épaules. D'un côté, c'était vraiment une grande joie de participer aux travaux du Concile, de l'autre, je sentais une grande responsabilité devant Dieu et devant l'histoire.

Le Concile a été pour moi, y compris personnellement, un événement historique: je me retrouvais avec beaucoup de gens que je ne connaissais que par les livres. Pour un jeune professeur qui avait vécu jusque-là dans son monde universitaire, participer également à la vie romaine était quelque chose de complètement nouveau. Dans le Collegio dell'Anima, on voyait le monde, on entendait surtout les bruits de l'ancienne Rome. Aller au café avec les autres et connaître la vie romaine, si différente de ma vie universitaire, suscitait en moi une impression grandiose qui a marqué ma vie.

La mort de Jean XXIII
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Durant le Concile, le Pape Jean mourut, je me souviens de la grande tristesse qu'il y eut en Allemagne. L'Allemagne est habituellement un pays peu proche des Papes, et pourtant, tout le monde souffrit de la mort du Pape, qui était très aimé. C'était incroyable de voir comment cette personne avait réuni tout le monde dans un amour extraordinaire, rapprochant les gens de la papauté.
Et puis bien sûr, il y avait la question de son successeur. N'étant qu'un professeur, je n'ai pas assisté pas au conclave, et à ce moment, je n'ai même pas parlé avec le cardinal Frings. Nous pensions que l'archevêque de Milan (ndt: Montini, futur Paul VI) serait le successeur: il était déjà connu quand il était sous-secrétaire d'État ici, à Rome, et dès 58, lorsque le Pape Pie XII mourut, nous avions dit: "Dommage que Montini ne soit pas Cardinal, il devrait être le futur pape. "

Ce ne fut donc pas une surprise, lorsque nous avons appris que l'archevêque Montini était élu pape. C'était pour nous la garantie de la continuité du Concile, dans l'esprit du pape Jean. Et le pape Jean lui-même avait fait savoir qu'il voulait l'archevêque de Milan comme son successeur. Il fut accepté sans difficulté, et même comme porteur d'espoir.

Roncalli et Montini, semblables et différents.
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Le Concile fut une expérience fondamentale y compris pour la transition entre les deux papes, réellement en syntonie dans leurs intentions fondamentales, mais avec des personnalités totalement différentes.
Il était intéressant de voir le Pape Jean, totalement charismatique, qui vivait de l'inspiration du moment et de la proximité du peuple et d'autre part, se trouver avec le Pape Paul VI, un intellectuel qui réfléchissait sur tout avec un sérieux incroyable.

A propos de Montini, je me souviens par exemple, que sur un point difficile de la "Constitution sur la Révélation", il y eut une résistance sur la place adéquate à donner à la tradition: c'était un point important.
Le Pape, d'une part avec beaucoup de délicatesse et de respect pour les évêques et les théologiens, mais aussi avec sa responsabilité en tant que garant de la tradition, nous transmit, il me semble, dix-huit versions, dix-huit façons différentes sur la façon dont on pouvait insérer le thème en question, laissant le maximum de liberté et en même temps garantissant un point important de doctrine.
Cette délicatesse était pour moi un portrait de la personne: de la façon dont il considérait les autres, dans le respect de la liberté et de la collégialité, mais en même temps, de la responsabilité pour la continuité de la vie de l'Église. Le tout allié à un travail méticuleux .
Lors du Concile, je n'ai jamais vu l'archevêque de Cracovie: à l'époque je ne connaissais pas le Cardinal Karol Wojtyla.

La rencontre avec les «experts»
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J'étais assis dans la tribune où les experts avaient leur place, afin que je puisse suivre les travaux du Concile.
Dans les deux premiers mois, cependant, je n'étais pas encore un expert (peritus) officiel, seulement l'expert personnel du cardinal. Ce n'est qu'en Novembre que le pape me nomma également expert officiel, et dès ce moment j'ai participé officiellement à toutes les assises.
Au début, je pouvais participer aux travaux, mais pas régulièrement à toutes les assises: dans ces circonstances, c'était un grand événement de voir tous les experts, de grandes personnalités que j'avais connues à travers l'étude: Henri de Lubac, Jean Daniélou (1905-1974), Yves Congar (1904-1995), Marie-Dominique Chenu (1895-1990) et d'autres grands noms. C'était extraordinaire de rencontrer ces personnages vénérés, parce que c'étaient des gens que j'admirais. Ce fut aussi un grand événement de voir les représentants des autres Eglises et confessions chrétiennes; et puis, bien sûr, le pape lui-même.
J'avais vu le pape (ndt: Jean XXIII) à Pâques, lors d'une audience à Saint-Pierre.
Lors de cette audience, il traita des thèmes: « Qu'est-ce que la méditation »,« Qu'est-ce que la prière », et il les développa avec des citations patristiques qui montraient qu'il était un homme de profonde culture théologique, mais en même temps un homme qui parle pour les simples, et qui se fait comprendre d'eux.

Dans la la position officielle où je me trouvais, c'était un événement encore plus grand d'assister à un moment historique, et je ne pourrai jamais oublier cette fameuse nuit avec la torche et la lune, lorsque le Saint-Père dit aux mères présentes : "Donnez un baiser aux enfants, et dites que c'est de la part du Pape" .
Tout cela était pour moi une expérience doublement nouvelle, parce que je ne connaissais pas la vie romaine

Le salut pour tous?
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Non seulement le dialogue interreligieux, encore peu important, mais aussi le problème du salut des non-chrétiens, était particulièrement ressentis, car il y avait des non-chrétiens non seulement en Asie ou en Afrique, mais surtout dans notre société on commençait à sentir le poids des non-croyants, des non-chrétiens. S'il y avait aussi un salut hors de l'Église, quelle était alors la fonction de l'Eglise pour l'univers?
Un autre domaine était pour nous celui de l'exégèse et de la lecture de l'Écriture Sainte. On voulait un christianisme qui soit à nouveau immédiatement nourri de l'Écriture, mais aussi plus de liberté pour l'interprétation scientifique de l'Ecriture Sainte.
Mieux comprendre ce qu'est la révélation, ce qu'est l'Ecriture et la tradition: il s'agissait des thèmes au coeur des conversations avec les protestants. En Allemagne, le problème général était de sortir d'une certaine fermeture du monde catholique, en s'ouvrant à la communion avec tous; c'était alors plutôt un thème français, tandis que pour les Américains la question de la liberté de religion était dominante.

Redécouvrir le poids du «monde» dans la théologie.
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A l'époque du Concile, j'étais un universitaire allemand typique. Nous faisions de la théologie, et en même temps, nous prenions acte du monde politique et les problèmes du monde: Kennedy, Khrouchtchev, etc. Toutefois, pour nous, c'était deux mondes différents: nous ne voulions pas mélanger les problèmes politiques avec notre travail scientifique, «à l'allemande».

Ce n'est qu'au cours du Concile que nous avons appris que tous les problèmes de ce monde entrent aussi dans le travail de la théologie; que le dialogue avec les grandes visions du monde, même anti-chrétiennes, comme le communisme, n'en était pas moins constitutif d'un véritable travail théologique; qu'on doit non seulement défendre la possibilité d'être un chrétien, mais aussi montrer que c'est le meilleur choix, et donc entrer en discussion avec les arguments des autres; et intégrer les problèmes d'une nouvelle vision du monde dans une perspective non pas chrétienne, mais anti-chrétienne, dans notre travail théologique. Ce fut pour moi une leçon à apprendre.

La relation avec le judaïsme
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Comme je l'ai dit, le problème des autres religions, au moment du Concile n'était pas encore très présent en Allemagne; pour nous, il s'agissait plutôt du problème du salut de tous. Au contraire, nous devions dialoguer avec les Juifs, afin de clarifier notre relation avec eux, surtout après les événements du nazisme, et malgré la résistance chrétienne, qui existait encore. Rétablir une relation avec le monde juif a été vraiment une priorité pour nous depuis le début.
Avait déjà commencé une nouvelle lecture de l'Ancien Testament: nous partagions avec les Juifs la plus grande partie de notre Bible, donc les fondements de notre foi, parce que le Nouveau Testament se réfère toujours à l'autre et ne peut être lu sans lui. Et des dialogues amicaux avaient déjà commencé avec des Juifs de différents courants.
La priorité était donc de restaurer une nouvelle relation avec le peuple Juif: d'une part, nous voulions exprimer notre amitié, mais aussi nos regrets pour les faits négatifs de deux mille ans d'histoire, et d'autre part, sans offenser les Juifs, aussi exprimer notre identité.

... Et avec l'islam
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Les évêques arabes n'étaient pas en principe opposés à un document sur les Juifs, mais ils dirent: "Si vous voulez parler d'une relation renouvelée avec le peuple Juif, faites-le, mais dans ce cas, vous devriez également parler avec le monde islamique". " Cet équilibre , disaient-ils, "est pour nous fondamental". Ainsi, s'est ajouté au dialogue avec les Juifs une seconde partie, sur l'islam.
À ce point nous nous sommes dit : "Si nous parlons de l'Islam, nous devons aussi parler des autres religions". Il fallait examiner la question plus en profondeur: que sont les religions du monde; quelles typologies existent; quelle est leur portée théologiqu et humaine; quelles nos relations avec ces religions.
Ainsi, le document " Nostra Aetate" prit forme au fur et à mesure que nous avons été confrontés aux situations concrètes du dialogue. Comme aujourd'hui; mais à l'époque, le document a été considéré comme assez secondaire, alors qu'aujourd'hui, nous comprenons que c'est l'un des documents clés du Concile, qui a ouvert la voie à une nouvelle étude des interactions entre la foi chrétienne et les religions du monde.
Un gros problème pour nous en Allemagne, et aussi en France, a été la réforme de la liturgie: le mouvement liturgique était très fort depuis les années vingt et de plus en plus important pour la vie de l'Église, et le désir de retourner à la forme organique de la liturgie était grand(...)

© Copyright Repubblica, le 13 mai 2005

Le Pape à la télévision (III) Une paroisse catholique à Saint-Petersbourg