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La table 4 étoiles de Vittorio Messori

Une revue percutante des évènements de la semaine écoulée. L'actualité est italienne, mais la "morale" (pas le moralisme!) est universelle. Grand coup de coeur. (26/3/2011)

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J'avoue que ce matin, me connectant à Internet, la première chose que j'ai faite (avec délectation!) c'est de lire la chronique hebdomadaire "A tavola", sur la Bussola.

Cette semaine, les sujets abordés - mais sous un angle totalement personnel - sont la guerre en Lybie, le cauchemar d'un gouvernement mondial, un fait divers italien (qui rappellera sans nul doute quelque chose aux français) autour d'un buraliste milanais victime de hold-up à répétition, qui a tué l'un de ses voleurs, et qui a bénéficié d'un non-lieu en appel, et des détails sur un chanteur célèbre en Italie, qui se transforme volontiers en prédicateur de la morale politiquement correcte. Là encore, si l'on ne connaît pas vraiment ce chanteur, pas grave: on a largement de quoi faire chez nous, même tout récemment!

La sagesse et l'humour de Messori, sorte d'anarchiste catholique, politiquement inclassable, font mouche à tous les coups.
En France, il ne pourrait même pas s'exprimer, sans doute poursuivi par les habituels chiens de garde de la bien-pensance. Preuve qu'en Italie, la liberté est plus grande que chez nous.
Mais, dit-il, justifiant ainsi son incroyable liberté de ton "moi, je n'ai jamais fait ni ne ferai jamais de sermons à personne".

Décidément, il me plaît de penser qu'il est l'ami du pape!
Article ici: http://www.labussolaquotidiana.it/...
Ma traduction (sous-titres de moi).

Le "volonterosi" en Lybie


- Cher Victor, il y a une semaine, en l'espace de 48 heures, nous étions en guerre contre la Libye. Personnellement, je trouve qu'il est hypocrite d'appeler ce qui se passe une Opération des Nations Unies, sans vouloir prononcer le mot «guerre». Je suis d'accord que l'action militaire, fortement voulue par la France, qui a hâté les choses, dit avoir des raisons humanitaires, afin de prévenir les massacres de civils par Kadhafi. Mais c'est une vraie guerre. Une guerre aux conséquences incalculables - et pas bien conçue, à mon avis - en particulier pour l'Italie. Qu'en penses-tu?

- Andrea, il est trop facile, hélas, de te répondre. Déjà beaucoup l'ont noté: ce qui domine, c'est l'enchevêtrement habituel de contradictions et d'hypocrisie qui caractérise l'idéologie et la politique post-modernes. Derrière les raisons humanitaires, il y a bien sûr, les intérêts économiques, les ambitions politiques, il suffit de penser à ceux de la France qui depuis 1830 (conquête de l'Algérie) considère Afrique du Nord «sienne» et ne se résignait pas à l'indépendance de ces pays. La Libye était italienne, mais pensaient les «coqs» (ndt: "galli": c'est ainsi que Vittorio Messori appelle les français... mais de quels français parle-t-il? je ne suis pas certaine que le "français" d'aujourd'hui, et guère plus ceux qui nous gouvernent, aient ce genre de motivations) elle doit aussi devenir francophone ... Je te disais qu'il est trop facile de dénoncer cette situation. Je voudrais ensuite essayer d'aller un peu plus loin, parce que, vois-tu, le problème est en amont, dans l'idée même de "guerre humanitaire", un oxymore, une contradiction dans les termes. En soi, un véritable monstre juridique inédit, né de l'hypocrisie d'aujourd'hui. Pense combien était «humanitaire» le calvaire, à ce jour nullement terminé, des Irakiens, qui ont fini dans le hachoir à viande de l'Empire du Bien, celui qui cherche à imposer sa démocratie, que les gens la veuillent ou pas. Et s'ils ne la veulent pas, tapis de bombes, pendant des semaines, jour et nuit. Mais que la guerre redevienne donc la guerre et que la paix redevienne la paix! Et qu'on en finisse avec les euphémismes et les circonlocutions! Entre autres choses, note que personne n'a jamais proposé de bombarder la Chine pour ce qu'elle fait aux Tibétains ou ce qu'elle a fait aux étudiants de la place Tiananmen. Personne n'a jamais proposé de bombarder New Delhi pour les massacres au Cachemire. Qui oserait faire aux indiens et aux chinois ce qu'ils font à la Libye, et qui a été fait à la Serbie il y a un peu plus de dix ans? Personne, bien sûr: l'Inde et la Chine ont la bombe atomique. Ce champion du cynisme déguisé en justicier qu'est le tribunal international de La Haye, est le Nuremberg des pauvres, où finissent des colonels serbes, et où finiront tout au plus - si tant est que cela arrive - des militaires soudanais. Mais on n'y retrouvera jamais les dirigeants des pays qui comptent ou qui ont des amis qui comptent. Tu sais, pour faire un autre exemple, qu'aucun pays n'a collectionné autant qu'Israël les condamnations nombreuses et solennelles et les réprimandes sévères de la part de l'ONU. Lequel est vénéré et respecté, mais seulement dans les cas où il est commode et facile de se débarrasser du "condamné" ... Aussi parce que, en plus du parapluie jaloux des États-Unis, Israël a ses arsenaux remplis d'armes nucléaires. Qui oserait dire quelque chose?

- Je voudrais ton commentaire sur le nom choisi par les combattants anti-occidentaux Kadhafi. "Coalition des volenterosi" (ndt: j'ignore le nom français. On traduirait par "ceux de bonne volonté") ...

- Les "volonterosi" me rappellent les Boy Scouts. Il me font venir à l'esprit le bon gars qui veut aider la vieille dame à traverser la rue, même si la pauvre femme n'en a pas l'intention. En bref, c'est un nom qui rappelle les bons sentiments et que je ne vois pas associé à la grêle de bombes et de missiles qui ont frappé les villes de Libye. Ils étaient "volonterosi" aussi ceux qui (y compris les Italiens, hélas, et avec la bénédiction de D'Alema ndt: président du Conseil, socialiste) ont bombardé Belgrade pour permettre ensuite aux musulmans Kosovars de persécuter en paix les chrétiens Kosovars.

Le cauchemar du gouvernement mondial


- Oui mais dans ce cas, on ne peut pas oublier qu'il y a eu le nettoyage ethnique par les Serbes, même si certains épisodes - on l'a appris de l'enquête minutieuse et indépendante - ont été grandement exagérés afin d'accroître la colère du public. Ne penses-tu pas de toute façon ... que ces conflits exigent un gouvernement supranational, une gestion au niveau mondial?

- Il y aura toujours des visionnaires, utopiste, idéalistes - en un mot, des naïfs, même animés d'excellentes intentions - qui invoqueront comme remède aux maux du monde un gouvernement unique pour toute la planète. Mais Dieu nous en préserve!
Que ce soit clair, Andrea: les choses que je dis ici, à table, sont des opinions personnelles que j'exprime dans le grand champ de la liberté catholique; je parle en tant que croyant, mais je n'ai jamais, au grand jamais, prétendu représenter les croyants tout court. Mon point de vue n'est que celui d'un membre de l'Église, certes pas les enseignements de l'Église! Après tout, c'est une liberté tout à fait légitime: un saint connu pour son orthodoxie sans faille, Escriva de Balaguer, répétait que dans le catholicisme, dans les domaines politique et social, il n'y a pas, il ne peut et ne doit pas y avoir de dogme. Ceci précisé (et cela vaut pour l'ensemble de nos conversations), pour moi il n'y a rien de pire que ce cauchemar d'un gouvernement mondial qui transformerait toutes les guerres en des guerres civiles - qui sont les plus terribles - et qui aurait comme principe une omniprésente et puissante police supranationale. Où pourrait-on trouver refuge en cas de persécution? Et puis, qui choisirait le leadership appelé à gouverner le monde? Rappelle-toi que cette idée d'un gouvernement mondial est une caractéristique du règne de l'Antéchrist, comme cela a été suggéré par d'importants écrivains catholiques des deux derniers siècles. Dans la perspective du croyant, nous ne devons pas oublier que Dieu aime la diversité, les différentes ethnies, les langues et les cultures différentes. Le fait que le monde n'est pas noir et blanc, mais coloré, n'est pas une erreur à corriger, mais une valeur à protéger. La diversité est un don divin. Il est clair que l'espoir chrétien que qu'on arrive à des arrangements, des accords, des unions, mais jamais à effacer les couleurs, les races, les cultures. L'adage populaire a raison, qui dit: «Le monde est beau parce qu'il est varié".

- D'accord. Reconnais, cependant, Vittorio, la nécessité de faire quelque chose pour empêcher les massacres et les génocides. J'ai beaucoup de doutes sur la guerre en cours contre la Libye. Mais dans le principe, je crois qu'il y a des cas où le devoir est d'intervenir ...

- Tu vois, je voudrais quitter le terrain de la géopolitique, et rappeler que Jésus dit lui-même des choses déconcertantes sur le monde. Il dit qu'il est entièrement placé sous le péché. Il dit des choses que les démagogues, y compris chrétiens, voudraient supprimer parce qu'elles sont en désaccord avec leurs utopies désastreuses (comme nous l'avons vu avec les théologiens de la libération et les catho-communistes - ndt: en fraçais, catholiques de gauche), par exemple, que les pauvres seront toujours là, qu'ils ne manqueront jamais dans le monde. En dépit de nos rêves révolutionnaires.
Pour en revenir à nous: la Société des Nations est née après la Première Guerre mondiale à l'initiative d'un protestant idéaliste, le "volonteroso" (et donc dangereux) qu'était le président américain Wilson. Il était convaincu, en naïf Yankee, que cette Société assurerait la paix universelle. En fait, il a d'une certaine façon accéléré l'avènement de la Seconde Guerre mondiale. Sans parler de l'ONU, qui a succédé à l'échec de la Société des Nations autorisant l'intervention armée, offrant le bouclier, la justification hypocrite de l'humanitarisme. Je le répète: pour moi l'idée d'un Synèdre mondial qui décide que la vie de chacun n'est pas un rêve à réaliser, mais un cauchemar à fuire.

Immigration: attention à l'angélisme


- Tu sais que je n'ai aucune sympathie pour la Ligue du Nord ... mais cette fois l'attentisme et les doutes de Bossi me trouvent d'accord. Le gouvernement a fait piètre figure: D'abord, en donnant son accord pour les avions et les bases aériennes, avant de préciser, comme l'a fait le Cavaliere, que nos avions n'ont pas tiré et ne tireront pas ...

- Bossi a fait un discours réaliste: il a dit que la France et la Grande-Bretagne tireront les avantages et nous laisseront les immigrants. Mais ici aussi nous voyons la même hypocrisie : la plupart de ceux qui fuient l'Afrique du Nord ne sont pas des réfugiés politiques. Ce ne sont même pas les plus pauvres, mais les plus riches parce qu'ils peuvent payer deux à trois mille euros pour quitter la Tunisie ou l'Egypte. Et pour ces pays, c'est comme si nous, nous en payions vingt ou trente mille, pas exactement des cacahuètes, en fait. S'agit-il vraiment de désespérés fuyant la faim que la charité chrétienne exige que nous aidions? Je crois que pour protéger ces gens, les aidant à éviter déceptions et souffrances, nous devrions revenir à une politique de refoulement (respingementi), mettant en œuvre des politiques intelligentes de soutien et de développement dans leur pays. Je sais que dire cela scandalise beaucoup("refoulement" résonne de façon insupportable aux oreilles politiquement correctes), mais la démagogie fait toujours beaucoup de mal et surtout à ceux qu'elle prétend protéger: ces gens, chez nous, ne trouveront pas ce qu'ils espéraient.

L'affaire du buraliste


- Changeons de sujet, tournons la page. Que penses-tu du non -lieu en appel du buraliste de Milan qui a tué l'un des deux voleurs entrés dans son magasin?

- Là encore, il serait facile de faire du moralisme "buoniste" et rappeler que nous ne devons pas permettre le Far West, que les gens ne doivent pas se faire justice seuls et ainsi de suite. Discours sensé, bien sûr. Il me semble pourtant que, dans ce cas, c'est la confirmation que l'opinion publique ne correspond pas du tout à l'opinion publiée, celle qui va dans les journaux. Celle-ci est faite d'articles édifiants, mais si on écoute l'opinion publique, si on entend les opinions des gens, on se rend compte que beaucoup commentent ainsi: ces deux voleurs, l'un mort et l'autre resté avec un poumon en moins, ils l'ont bien cherché. S'ils étaient allés travailler au lieu de faire un hold-up, il ne leur serait rien arrivé du tour. Tu vois, Andrea, je pense que ce sentiment peut aussi être appliqué à la peine de mort: je suis convaincu que si on allait vers un référendum qui proposerait la peine capitale pour les cas particuliers graves et odieux, les partisans de cette dernière gagneraient probablement. La perspective catholique, tu le sais, juge la peine de mort légitime (et elle ne peut pas faire autrement, si on prend au sérieux l'Écriture unanime et la Tradition ininterrompue), mais inapproprié, et donc, pour cette raison, à pratiquer avec une extrême prudence, que dans des cas très exceptionnels. Comme le confirme la dernière édition du Catéchisme. Tu vois, dans le cas du buraliste, il est difficile de juger: l'homme avait déjà été victime de trois ou quatre vols, il a vu sa femme maltraitée et frappée ... en somme, je comprends le sentiment de ceux qui ne déplorent certes pas son acquittement. En tout cas, le pauvre (poveretto) a eu sa vie ruinée, entre les procès, les questions morales, les attaques des moralistes.

Celentano, le moraliste piégé


- Vittorio, une dernière chose. Une annexe de notre précédent dialogue "a tavola" Certains lecteurs ne comprennent pas - et ils l'ont écrit - ta référence à Adriano Celentano. Bien que tu y aies fait allusion, sans entrer dans les détails, à ses incohérences, je t'ai dit qu'au-delà de certains "coups" de télé-prédicateur, pour moi, c'est un grand artiste. Peux-tu nous en dire plus?

- Disons-le, alors, même si cela peut sembler insignifiant. En réalité, ce n'est pas insignifiant. Parce que, vois-tu, moi, je n'ai jamais fait ni ne ferai jamais de sermons à personne. Je me tiens à un principe que je me suis définitivement fixé: je me réserve le droit de juger les idées de chacun, mais pas celui de juger la vie de quiconque. Ceci est à laisser à un tout autre Juge. Toutefois, cela devient très ironique, sinon bouffon quand les sermons viennent de chaires que je sais ne pas être crédibles. Venons-en alors à Celentano, que je n'ai pas jugé sur le plan professionnel, mais sur lequel j'ai dit textuellement, la dernière fois, qu'il est "maître es contradictions entre ses paroles et ses actes, entre ses sermons anticonsumistes et sa vie".
Vois-tu, sur le sujet, je suis préparé. En effet, il y a quelques années, le "jeune" de soixante-trois ans est allé à une heuresde grande écoute sur une chaîne de la RAI pour nous faire, justement, des leçons et des sermons sur la vie. Je ne supporte pas les intellectuels qui se présentent comme les leaders politiques, alors imagine les chanteurs, les gens de spectacle, qui veulent nous apprendre à vivre!
Bien sûr, le télé-prédicateur insista sur la nécessité d'une vie écologique, un retour de tous au respect de la nature, une redécouverte des relations humaines. Eh bien, j'ai perdu patience et j'ai commencé à taper sur le clavier, un article paru sur la revue Il Timone , dont tu me permettras de lire (la vertu chrétienne de la patience doit être exercé!) un passage significatif:
"1) Celentano a des mots d'indignation contre ceux qui attaquent l'environnement, et le bétonnent, mais il a acheté et clôturé de hauts murs, une colline boisée dans la région de Brianza, y construisant tout un complexe de villas pour lui-même, ses enfants, et sa société de musique, pour un total, disons, de quatre mille mètres carrés
2) Le même télé-prédicateur tonne contre la pollution du méphitique traffic automobile, mais les garages de ses villas sont remplis non pas de chevaux et de fiacres, mais plutôt de grosses cylindrées et de 4X4 mastodontes, c'est-à-dire ces énormes fourgons faits pour le hors-piste en Afrique ou au Nouveau-Mexique, mais ridicules en Lombardie et de toutes façons, producteurs généreux de poisons
3) Toujours le Celentano en question a exalté avec des mots nostalgiques, la beauté des relations entre les personnes, la chaleur humaine de la province, opposée à l'anonymat et l'indifférence des métropoles. Mais un journaliste, envoyé au village où il a construit son innaccessible palais au vert, a constaté que personne, dans ce village ne l'a jamais rencontré: la seule chose qu'ils voient, c'est le ballet des voitures aux vitres fumées ou aux rideaux baissés, derrière lesquelles se cachent notre moraliste, sa famille, ses amis, dans leurs allées et venues à Milan, où sont leurs intérêts économiques. Aucun habitant du lieu, bien sûr, n'a jamais pu franchir les portes de la grande propriété, protégée par la sécurité privée arméée".

Moi-même, qui ne suis pas éloigné de l'âge d'Adriano (et donc qui ai avec lui une sorte de complicité existentielle) je lui suis reconnaissant pour quelques chansons qui ont marqué ma jeunesse et celle de beaucoup de mes contemporains. Mais qu'il nous charme gratter ses "bêtises" d'autrefois à la guitare, et qu'il cesse de venir grossir les rangs - aujourd'hui si fournis - de ceux qui supportent pas les fautes: mais toujours et seulement, celles des autres. Au fait, comment Jésus les nommait-il? N'étaient-ils pas les «sépulcres blanchis»?

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