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Joseph Ratzinger explique Jean-Paul II (1)

Il s'est identifié avec l'Eglise , c'est pour cela qu'il peut en être la voix . A l'occasion de la béatification, l'OR publie un texte de Joseph Ratzinger datant de 1988: sa contribution au livre "Jean-Paul II pèlerin de l'Evangile" (Giovanni Paolo II pellegrino per il Vangelo), où il revisitait les aspects fondamentaux des dix premières années du pontificat de Karol Wojtyla . (1er/5/2011)

Les deux Papes

(image"empruntée" à Raffaella)

Le texte est long, et je le traduirai en deux ou trois fois.
Dans la première partie qui, 23 ans après, devient vraiment autobiographique (mais à cette époque, Joseph Ratzinger ne pouvait imaginer qu'il succèderait à Jean-Paul II), le cardinal se livre à une méditation saisissante sur le sens du "nous" pontifical:
Quand le pape parle, il ne parle pas en son nom propre. A ce point, les théories ou opinions personnelles, ce qu'il a publié de son vivant, ne compteant finalement pour rien, aussi haut que soit son niveau intellectuel.

Nul doute que Benoît XVI a fait siennes les paroles du "grand pape humaniste Pie II, Enea Silvio Piccolomini, lequel, comme pape, devait parfois dire, tirant justement du "nous" de son Magistère pontifical, des choses en contradiction avec les théories de ce savant humaniste que lui-même était auparavant. Quand on lui signalait des contradictions similaires, il avait l'habitude de répondre: Eneam reicite, Pium recipite ("Laissez Enea, prenez Pie, le pape").

Jean-Paul II est sans aucun doute celui qui, à notre époque, a rencontré personnellement le plus grand nombre d'êtres humains. Innombrables sont les personnes à qui il a serré la main, à qui il a parlé, avec qui il a prié et qu'il a bénies. Si sa haute fonction peut créer une distance, son rayonnement personnel crée au contraire la proximité. Même les personnes simples, sans instruction, pauvres n'ont de lui aucune impression de supériorité, d'inaccessibilité, de crainte, ces sentiments qui, si souvent touchent ceux qui sont dans les salles d'attente des puissants, des autorités. Quand ensuite on a un contact personnel avec lui, c'est comme si on le connaissait depuis longtemps, comme si on parlait avec un parent proche, un ami. Le titre de «Père» (= Papa) n'est plus seulement un titre, mais l'expression de cette relation réelle qu'on éprouve vraiment face à lui.
Tout le monde connaît Jean-Paul II: son visage, sa façon caractéristique de bouger et de parler, son immersion dans la prière, sa joie spontanée. Certains mots sont gravés de manière indélébile dans la mémoire, à commencer par l'appel passionné avec lequel il s'est présenté au début de son pontificat: " Ouvrez grandes les portes au Christ, n'ayez pas peur de lui" ou cet autre: "Vous ne pouvez pas vivre à l'essai, vous ne pouvez pas aimer à l'essai". Dans des mots se condense tout un pontificat. C'est comme s'il voulait ouvrir partout les voies d'accès au Christ, comme s'il désirait rendre accessible à tous le chemin vers la vie réelle, vers l'amour vrai. Si, comme Paul, nous le retrouvons toujours, inlassablement en chemin "jusqu'aux extrémités de la terre", s'il veut être proche de tous et ne manquer aucune occasion de proclamer la Bonne Nouvelles, ce n'est pas à des fins publicitaires ou par soif de popularité, mais pour que s'accomplisse en lui la parole apostolique "Charitas Christi urget nos" (II Corinthiens 5, 14). A côté de lui,on le ressent: l'homme lui est cher parce que Dieu cher.
Très probablement, on connaît mieux Jean-Paul II quand on a concélébré avec lui, se laissant attirer dans le silence intense de sa prière, qu'en analysant ses livres ou ses discours. Car, justement en participant à sa prière, on puise à ce qui est propre à sa nature, au-delà de tous les mots. A partir de ce centre, on s'explique aussi pourquoi, en dépit du fait qu'il soit un grand intellectuel, qui, dans le dialogue culturel du monde contemporain a une voix qui lui est propre, et importante, il a conservé la simplicité qui lui permet de communiquer avec chaque individu. Ici se manifeste aussi un autre élément de la grande capacité d'intégration, qui caractérise le Pape qui vient de Pologne: avoir changé le classique "nous" du style pontifical avec le "je" personnel et immédiat de l'écrivain et de l'orateur . Une telle révolution stylistique ne doit pas être sous-estimée. Au début, elle peut sembler l'élimination évidente d'une coutume dépassée, qui ne correspond pas à notre temps. Mais nous ne devons pas oublier que ce "nous" n'était pas seulement une formule de rhétorique courtisane. Quand le pape parle, il ne parle pas en son nom propre. A ce point, les théories ou opinions personnelles, ce qu'il a publié de son vivant, ne comptent finalement pour rien, aussi haut que soit son niveau intellectuel.
Le Pape ne parle pas comme un simple homme doué, avec son "moi" privé ou, pour ainsi dire, comme un soliste sur la scène de l'histoire spirituelle de l'humanité. Il parle en puisant au "nous" de la foi de toute l'Église, derrière lequel le "je" a le devoir à disparaître. Il me vient à l'esprit, à cet égard le grand pape humaniste Pie II, Enea Silvio Piccolomini, lequel, comme pape, devait parfois dire, tirant justement du "nous" de son Magistère pontifical, des choses en contradiction avec les théories de ce savant humaniste que lui-même était auparavant. Quand on lui signalait des contradictions similaires, il avait l'habitude de répondre: Eneam reicite, Pium recipite ("Laissez Enea, prenez Pie, le pape").
Dans un certain sens, ce n'est donc pas un phénomène sans conséquence si le "je" remplace le "nous". Mais ceux qui font l'effort d'étudier attentivement les écrits du pape Jean-Paul II, ont vite fait de comprendre que ce Pape sait très bien distinguer entre les opinions personnelles de Karol Wojtyla et son enseignement magistériel en tant que Pape: mais il sait aussi reconnaître que les deux ne sont pas des choses mutuellement hétérogènes, mais elles reflètent une personnalité imprégnée de la foi de l'Église. Le "je", la personnalité, est entrée entièrement au service du "nous". Il n'a pas dégradé le "nous" au plan subjectif d'opinions privées, mais il lui a simplement conféré la densité d'une personnalité toute façonnée par ce "nous", entièrement dévouée à son service.
Je crois qu'une telle fusion, mûrie dans une vie et dans une réflexion de foi, entre le "nous" et le "je", fonde de manière essentielle la fascination de cette figure de Pape. La fusion lui permet de se mouvoir dans cette fonction sacrée qui est la sienne d'une façon entièrement libre et naturelle; elle lui permet d'être en tant que Pape entièrement lui-même, sans craindre de laisser glisser son ministère dans le subjectif.
Mais comment cette unité a-t-elle grandi? De quelle manière un chemin personnel de foi, de pensée, de vie, mène-t-il à ce point au centre de l'Eglise? C'est une question qui va bien au-delà de la simple curiosité biographique. Puisque justement, cette «identification» avec l'Eglise, sans aucun voile d'hypocrisie ou de schizophrénie semble impossible à beaucoup de gens qui souffrent aujourd'hui de leur foi.
Dans la théologie, c'est devenu entre-temps, presque une coquetterie à la mode de garder une distance critique par rapport à la foi de l'Eglise et de donner au lecteur l'impression que lui, le théologien, n'est pas si naïf, si aveugle et servile au point de mettre sa pensée entièrement au service de cette foi. Ce faisant, tandis que la foi est dévaluée, les propositions hâtives de ces théologiens n'en tirent aucune réévaluation: elles vieillissent aussi vite qu'elles sont nées. Emerge alors de nouveau un grand désir non seulement de repenser intellectuellement la foi de manière loyale, mais aussi d'être en mesure de la vivre de manière nouvelle.

La vocation de Karol Wojtyla mûrit alors qu'il travaillait dans une usine de produits chimiques, pendant les horreurs de la guerre et de l'occupation. Lui-même a défini cette période de quatre ans, vécue dans le milieu ouvrier, comme la phase de formation la plus déterminante de sa vie. Dans ce contexte, il étudia la philosophie, l'apprenant avec peine des livres, et l'apprentissage philosophique se présentait d'abord comme une jungle impénétrable.
Son point de départ a été la philologie (1), l'amour pour le langage, combiné à l'application artistique du langage, comme représentation de la réalité dans une nouvelle forme de théâtre. Cela a conduit à ce type particulier de «philosophie» caractéristique du pape actuel. Il s'agit d'une pensée en dialectique avec le concret, une pensée fondée sur la grande tradition, mais toujours à la recherche de sa vérification dans la réalité actuelle. Une pensée qui jaillit d'un regard artistique et en même temps, est guidée par le soin du pasteur: adressée à l'homme pour lui montrer le chemin.

A suivre....

* * *

(1) La philologie est l'étude de la linguistique historique à partir de documents écrits. Elle vise à rétablir le contenu original de textes connus par plusieurs sources, c’est-à-dire à choisir le meilleur texte possible à partir de manuscrits, d'éditions imprimées ou d'autres sources disponibles (citations par d’autres auteurs, voire graffitis anciens), en comparant les versions conservées de ces textes, ou à rétablir le meilleur texte en corrigeant les sources existantes.

Tous à l'école de la prière Benoît XVI souhaite la bienvenue aux pélerins