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Joseph Ratzinger explique Jean-Paul II (3)

Dernière partie de la traduction du texte écrit en 1988, à l'occasion des 10 ans de pontificat (2/5/2011)

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Joseph Ratzinger explique Jean-Paul II (1)
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Joseph Ratzinger explique Jean-Paul II (2)

-> Texte complet ici: ratzingerexpliquejpii.pdf [61 KB]

Dans cette dernière partie, après avoir à nouveau insisté sur le caractère "concret" de sa formation intellectuelle, Joseph Ratzinger explique en quoi son appartenance polonaise (la Pologne étant depuis toujours un carrefour de cultures et de civilisations) a préparé Jean-Paul II à comprendre les problèmes complexes du monde contemporain.
Il commente et justifie son "anthropocentrisme" (un reproche qui semble lui avoir été fait après sa première encyclique, Redemptor Hominis) et sa piété mariale.
Et il concluait par une prière qui a sans nul doute été entendue:
Puisse le Seigneur nous conserver pendant longtemps ce pape, afin qu'il nous guide sur la route vers le troisième millénaire de l'histoire chrétienne.

La présence de Wojtyla à l'usine était la conséquence de l'arrestation de ses professeurs. Le tranquille cours universitaire fut interrompu et remplacé par un dur apprentissage au milieu d'un peuple opprimé. L'appartenance au grand séminaire du Cardinal Sapieha était déjà en soi un acte de résistance. Et ainsi, la question de la liberté, de la dignité et des droits de l'homme, de la responsabilité politique de la foi, ne pénétra pas dans l'esprit du jeune théologien comme un problème purement théorique. C'était la nécessité, très réelle et concrète, de ce moment historique.
Une fois encore, la situation particulière de la Pologne, située à l'intersection entre l'Est et l'Ouest, était devenue le destin de ce pays. Les critiques du pape observent fréquemment que, comme polonais, il ne connaît vraiment que la piété traditionnelle et sentimentale de son pays et ne peut donc pas comprendre pleinement les enjeux complexes du monde occidental.
Rien n'est plus absurde qu'une telle observation, qui trahit une ignorance complète de l'histoire. Il suffit de lire l'encyclique Slavorum Apostoli (1)pour en tirer l'idée que c'est précisément de cet héritage polonais que le pape avait besoin pour pouvoir penser au sein d'une multiplicité de cultures. La Pologne étant le point d'intersection de civilisations, en particulier des traditions germanique, romaine, slave et gréco-byzantine, la question du dialogue des cultures différentes précisément en Pologne est à bien des égards, plus brûlante que partout ailleurs. Et ainsi, ce pape est un pape réellement oecuménique et véritablement missionnaire, providentiellement préparé aussi en ce sens, pour faire face aux questions de la période d'après le Concile Vatican II.

Revenons une fois de plus à l'intérêt pastoral et anthropologique du pape. "Le chemin de l'Église est l'homme".
La signification authentique de cette affirmation souvent mal comprise, de l'encyclique sur le "Rédempteur de l'homme" (2), ne peut vraiment être comprise que si l'on se souvient que pour le pape «l'homme» au sens plein du terme, est Jésus-Christ. Sa passion pour l'homme n'a rien à voir avec un anthropocentrisme auto-suffisant. Ici, l'anthropocentrisme est ouvert vers le haut.
Tout anthropocentrisme conçu pour éliminer Dieu comme un concurrent de l'homme a depuis longtemps basculé en ennui de l'homme et pour l'homme. L'homme ne peut plus se considérer comme le centre du monde. Et il a peur de lui-même en raison de son propre pouvoir de destruction. Quand l'homme se trouve placé au centre, en excluant Dieu, l'équilibre d'ensemble est bouleversé: s'appliquent alors les mots de la lettre aux Romains (8, 19, 21-22), disant que le monde est entraîné dans la douleur et dans les gémissements de l'homme; corrompu avec Adam (ndt: le péché originel), il est depuis lors en attente de l'apparition des enfants de Dieu, de leur libération. C'est justement parce que l'homme tient à coeur au pape, qu'il voudrait ouvrir les portes au Christ. Parce que ce n'est qu'avec la venue du Christ, que les fils d'Adam peuvent devenir enfants de Dieu, et l'homme et la création entrer dans leur liberté.
L'anthropocentrisme du pape est donc, dans son noyau le plus profond, un théocentrisme. Si sa première lettre encyclique apparaît tout entière centrée sur l'homme, ses trois grandes encycliques se coordonnent naturellement entre elles en un grand triptyque trinitaire: l'anthropocentrisme est, chez le pape, théocentrisme, parce qu'il vit sa vocation pastorale à partir de la prière, il fait son expérience de l'homme dans la communion avec Dieu et c'est de là qu'il a appris à le comprendre.
Une dernière observation. L'amour profond du pape pour Marie est certainement, avant tout, un héritage qui lui vient de sa patrie polonaise. Mais l'encyclique mariale (Redemptoris Mater, 1987) montre combien cette piété mariale était chez lui bibliquement approfondie dans la prière et dans la vie.
De la même manière que sa philosophie était rendue plus concrète, et vivifiée par la phénoménologie, c'est-à-dire à travers le regard vers la réalité qui apparaît, là aussi, la relation avec le Christ ne demeure pas pour le Pape cantonnée dans l'abstrait des grandes vérités dogmatiques, mais devient une réelle rencontre humaine avec le Seigneur dans toute sa réalité et donc logiquement, également une rencontre avec sa mère, en qui l'Israël croyante et l'Église priante sont devenues une personne. Une fois encore, c'est toujours et seulement à partir de cette proximité concrète, où l'on voit le mystère du Christ dans toute la richesse de sa plénitude divine-humaine, que la relation avec le Seigneur reçoit sa chaleur et sa vitalité. Et naturellement, c'est quelque chose qui se répercute dans toute l'image de l'homme, le fait que cette réponse de la foi ait pris forme pour toujours en une femme, en Marie.

Qu'ai-je voulu dire, avec tout cela? Mon but était de démontrer l'unité entre la personne et le mystère dans la figure du pape Jean-Paul II. Il s'est réellement "identifié" avec l'Eglise, et peut donc être sa voix. Il ne s'agit pas ici de glorifier un être humain, mais de montrer que le croire n'éteint pas le penser et ne nécessite pas de mettre entre parenthèses l'expérience de notre temps. Au contraire: seule la foi donne à la pensée son ouverture et à l'expérience son sens. L'homme ne devient pas libre quand il devient un soliste, mais quand il parvient à trouver le grand contexte auquel il appartient.
Dix ans de pontificat de Jean Paul II.
L'ampleur de son message est déjà presque incalculable, immense.
J'ai voulu tenter de relever en quelques traits les énergies portantes, qui en constituent la force profonde, et, en même temps, faire mieux comprendre la direction qu'il nous indique.
Puisse le Seigneur nous conserver pendant longtemps ce pape, afin qu'il nous guide sur la route vers le troisième millénaire de l'histoire chrétienne.

(© L'Osservatore Romano le 1er mai 2011)
* * * *
(1) 1985. Lettre Encyclique Slavorum Apostoli du Souverain Pontife Jean-Paul II aux Evêques, aux Prêtres, aux familles religieuses, à tous les chrétiens, à l'occasion du onzième centenaire de l'oeuvre d'évangelisation des Saints Cyrille et Méthode
(2) 1979: Publiée en 1979 par Jean-Paul II, l’encyclique Redemptor hominis porte sur le Christ et la dignité de l’homme. "Toutes les routes de l’Eglise conduisent à l’homme".

La liste des encycliques de Jean-Paul II est ici:
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/index_fr.htm

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