Des blogueurs au Vatican
Trois jours après la rencontre, quelques réflexions de l'extérieur. Une polémique franco-française sur la représentation des traditionalistes. L'influence (réelle ou supposée) de certains blogueurs. Le tiercé de John Allen - et pourquoi je ne suis pas un blogueur (5/5/2011).
-> Lire ici: Des nouvelles des blogueurs (benoit-et-moi.fr/2011-I/.. ).
La réunion des blogueurs orgnisée par le Conseil Pontifical des communications sociales a eu lieu le 2 mai, au lendemain de la béatification de Jean-Paul II.
Côté français, ou francophone, l'impact médiatique a été modeste.
Sur son site, le Père Lemessin, un des blogueurs élus, livre un premier compte-rendu intéressant (il semble d'ailleurs qu'il ait été davantage question des réseaux sociaux que des blogs). Et un autre ici: ...revue-de-blogs-blogmeet-vbm11-et-jeunes-cathos/
Il rappporte ainsi les mots d'un des intervenants:
« Si le Christ venait prêcher aujourd’hui, il n’irait pas sur une montagne ou dans une barque, mais serait sur Twitter ou ouvrirait un blog. »
Personnellement, j'aurais préféré: "il n’irait pas seulement sur une montagne ou dans une barque"; et franchement, ça ne me paraît pas si évident qu'il serait sur Facebook, ou qu'il twitterait. Ses disciples, peut-être...
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Un autre aspect qu'il est intéressant de relever, c'est une polémique franco-française, soulevée par la Croix.
Ce journal publiait le 2 mai un article (désormais, c'est payant, merci!), intitulé:
Le choix contesté des blogueurs catholiques invités par le Vatican
Extrait:
Au lendemain de la béatification de Jean-Paul II, 150 internautes ont été conviés à une rencontre avec les autorités vaticanes. La sélection des Français a provoqué des incompréhensions auprès de l’Église de France.
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Après les interrogations soulevées, lors de la levée de l’excommunication des évêques de la Fraternité Saint-Pie-X, par l’absence de regard du Saint-Siège sur le monde d’Internet, Rome a entamé une politique pour se rapprocher de cet univers (ndlr: la FSSPX, ou internet??? Je connais la réponse, évidemment, mais la formulation est ambigüe).
En quoi consiste la polémique ?
En tout, cinq blogueurs français étaient invités, et quatre se sont rendus à la rencontre. Mais l’annonce de la liste des participants, mi-avril, a provoqué certaines incompréhensions parmi les internautes français (???), car deux revendiquent une ligne clairement traditionaliste. Au centre du débat figurent deux blogs, « Paix liturgique » et « Le Forum catholique ».
Le premier se présente comme une source d’informations sur « la forme extraordinaire du rite romain ». Il appelle à une mise en œuvre « large et généreuse » de la liturgie traditionnelle. Son animateur, Guillaume Luyt, était, jusqu’en 2000, président du Front national de la jeunesse (FNJ). Il est aujourd’hui l’un des animateurs du mouvement identitaire français.
Créé au début des années 2000, « Le Forum catholique » revendique, pour sa part, plus de 10 000 visites par jour, et la « contribution » de 2 500 internautes. Il s’agit d’un « espace de discussions entre catholiques attachés à la messe grégorienne tout en étant fidèles au magistère romain », expliquait le créateur du site, Xavier Arnaud, dans un entretien accordé au magazine Monde et vie en février 2010. (ndlr: Xavier Arnaud n'a finalement pas été à Rome)
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La Conférence des évêques de France précise qu’elle n’a pas été consultée et ne valide pas cette liste, établie par tirage au sort. Après coup, cependant, certains évêques français ont écrit au Conseil pontifical pour les communications sociales, maître d’œuvre du projet, pour manifester leur incompréhension.
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(ndlr: La conclusion cite la réaction de Francesco Colafemmina, dont j'avais parlé ici - Des nouvelles des blogueurs ).
Disons que la polémique soulevée par La Croix me laisse vraiment perplexe.
D'abord, il convient de préciser que l'intérêt du Saint-Siège pour la blogosphère, et la rencontre avec les blogueurs ne sont pas liés à l'affaire Williamson, comme le suggèrent les auteurs de l'article, mais à l'extension du web comme vecteur essentiel et incontournable, dans les relations interpersonnelles, que le Saint-Père a encore relevé dans son dernier message de la Journée mondiale des Communications sociales, consacré aux "chrétiens à l'ère du numérique". Pourquoi, alors, tout vouloir ramener aux relations de "Rome" avec la présumée sulfureuse FSSPX??
D'autre part, que la CEF n'ait pas "validé" la liste des blogueurs est une évidence, et qu'elle ait dû s'en justifier, un mauvais signe. Elle n'avait pas à le faire. La démarche du blog est une démarche de la base, et non pas institutionnelle. Et d'ailleurs, la Conférence des évêques de France, n'est pas l'Eglise en France! La réaction des évêques mécontents, elle, laisse supposer que ces derniers sont pour une forme soviétoïdes de l'information, avec une vérité officielle.
Les excellences souhaitent-elles un système de quotas (pourtant durement critiqué dans le milieu du foot), estimant que 2 blogs traditionnalistes sur 5, c'est décidément trop, et pas représentatif? Peut-être. Mais l'ironie de l'affaire, c'est que, si j'en crois Francesco Colafemmina, les seuls blogueurs (sur 150!! là aussi, on pourrait invoquer des quotas) se rattachant au courant traditionaliste sont issus de cette France à la laïcité si sourcilleuse, y compris chez ses élites ecclésiastiques.
Pour compléter l'information, voici un article de Paolo Rodari qui, jouant sur deux tableaux, vaticaniste et blogueur, était parmi les élus. Il met l'accent sur un point troublant. Même s'il s'agit d'une boutade, un membre éminent du Vatican (s'agit-il d'un écllésiastique?) aurait déclaré: "Sur les nominations des évêques, les opinions de certains blogueurs pèsent plus que les nôtres".
Donc, le Vatican, rencontre les blogueurs et lance un nouveau portail d'information
3 mai 2011
(Source)
150 blogueurs sont venus au Vatican, pour le premier meeting qui leur est consacré.
Objectif? Se rencontrer. Ou, plutôt, la volonté du Vatican (qui a convoqué la réunion) de connaître un monde influent et écouté.
Pendant la pause café, une personnalités autorisée d'Outre-Tibre admet: "Comment pouvions-nous ne pas organiser une rencontre avec les blogueurs? Sur les nominations des évêques, les opinions de certains blogueurs pèsent plus que les nôtres. "
Le père jésuite Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, dit: "J'ai découvert qu'il est très important de surveiller les blogueurs. Je dois dire que je suis aidé par un blogueur très expert qui en quelques pages, chaque matin, me fait le compte-rendu de tout ce que vous écrivez. Pour moi, ce service fait par un blogueur a changé ma vie. "
Ce n'est pas un secret: de nombreuses gaffes de communication, qui ne sont pas imputables uniquement à la responsabilité du bureau de presse du Saint-Siège, auraient pu être évitées avec une surveillance attentive des blogueurs. Que Mgr Richard Williamson soit un négationniste de l'Holocauste, par exemple, les blogueurs l'avaient écrit avant que le pape Ratzinger n'annule l'excommunication des évêques lefebvristes et que le Saint-Siège ne s'aperçoive du vilain gâchis (ndt: décidément, ce thème est incontournable, parmi les experts! et si l'info figurait probablement dans la forêt d'internet, je ne suis pas sûre qu'on pouvait parler de blogs).
En ce sens, la meilleure synthèse de la raison pour laquelle l'Eglise ne peut manquer de s'intéresser aux blogueurs est peut-être celle donnée par Elizabeth Scalia, qui signe un billet chaque semaine dans "First things": «. La vérité est que l'église a besoin de nous, nous pouvons l'aider"
Les 150 blogueurs sont vêtus de manières diverses. Qui en prêtre, qui en religieuse et qui en laïc. Et même si la rencontre n'est pas un forum pour les blogueurs catholiques, la plupart d'entre eux - pas tous - postent tous les jours des choses plus ou moins sur l'Église. "Il n'y a pas de focus particulier autour duquel la rencontre est centrée, dit le père Antonio Spadaro, critique littéraire à Civiltà Cattolica, et responsable du site Cyberteologia. "C'est un tintamarre et il ne pourrait en être autrement. Internet et la communauté des blogueurs naissent de la base. C'est difficile à contenir. "
Difficile à dire si le pape s'intéresse à ce monde.
Le Père Lombardi assure que si. C'est pour cela qu'il a "accepté que nous ouvrions un canal sur YouTube et que nous allions sur Facebook". Ce qui est certain, c'est que Jean-Paul II a été le premier pape à se connecter à Internet. Jean-Paul II, ayant compris les potentialités du Web, demandait, en 1997: "Pourquoi le Saint-Siège n'y est-il pas encore? Qui doit en décider? ". C'est vous, lui fut-il répondu. "Alors, qu'on le fasse, dit-il. Le 24 Mars 1997, le Saint-Siège entra ainsi officiellement sur Internet avec le site www.vatican.va.
De 1997 à 2011. Bientôt, le nouveau site du Vatican sera en ligne. Il recueillira les nouvelles de tous les organes d'information du Saint-Siège. On connaît déjà son nom. Il s'appellera news.va. Il s'agira d'une "plate-forme sociale". Il aura des liens sur Facebook et Internet. Tous comptes faits, le tournant le plus important que le Vatican ait jamais effectué sur le réseau.
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John Allen, et l'influence d'Internet
A propos de l'influence des blogueurs et autres observateurs du Vatican: le tiercé de John Allen.
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John Allen est bien sûr présent sur Internet, à travers ses pages du National Catholic Reporter. Mais peut-on pour autant le qualifier de blogueur? Il a au moins un point commun avec moi, ses billets sont très longs (c'est pourquoi je ne suis moi non plus pas un blogueur)! Il refuse donc de se couler dans le moule du blogueur dont la règle de base est, paraît-il: faire court. Cela ne l'empêche pas d'être très lu, et très influent, semble-t-il.
Paolo Rodari fait allusion (ici) à son dernier billet, intitulé "Three possible popes" (trois papes possibles).
Billet déjà repris sur un site canadien pas vraiment réputé pour sa papophilie: Canoe.ca .
Même si en préambule, l'américain, qui rêve de supplanter les italiens comme "faiseur de Pape", prend prudemment soin de préciser que la bonne santé apparente de Benoît XVI semble lui promettre de mener l'Eglise pour quelque temps encore, il profite de la béatification de JPII (avec la présence à Rome de nombreux journalistes étrangers, désireux de mettre leur calepin à jour!) pour dresser la liste actuelle de ses "papabili", histoire de ne pas être pris au dépourvu. Silence, l'oracle va parler. On sait de quels exploits il est capable. Son tiercé - si j'ose dire - actuel est Ouellet-Ravasi-Sandri. Rodari souligne à quel point il lui paraît perdant! Mais il est trop malin pour en dire plus.
Je n'ai pas de mots pour dire combien je déteste ce genre de spéculations, irrespectueuses et cruelles, que l'on veut nous faire passer soit pour un simple exercice intellectuel, soit pour une photo "instantanée", d'autant plus vaine ici que, contrairement à l'élection présidentielle, seul Dieu connaît le jour et l'heure.... Un exercice pas si innocent, en réalité, à l'image des sondages pré-électoraux dont on nous abreuve quotidiennement: ici comme là, il s'agit d'influencer les électeurs... sauf que dans ce cas, les électeurs, ce sont les cardinaux! Et si l'on est croyant, on croit que les cardinaux sont inspirés par l'Esprit Saint. Pas par John Allen (heureusement!).
