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L'Abbé Carmignac contre Rudolf Bultmann

Le visage du Christ

Rembrandt

LE spécialiste des manuscrits de la Mer Morte, rencontré récemment ici (http://benoit-et-moi.fr/ete2011/ ), expliquait en quoi la "démythologisation" des Evangiles théorisée par le théologien protestant allemand a fait beaucoup de mal à l'Eglise post-conciliaire. Attention, son analyse n'est pas réservée aux initiés! (1er/10/2011)

Ça a l'air trapu, et il y a quelques années, en voyant un tel titre, j'aurais sans aucun doute "zappé".

Je ne prétends pas être devenue plus intelligente, et cela reste évidemment une affaire de spécialistes, qui dépasse mes très modestes compétences théologiques (malheureusement, très souvent, les affaires de spécialistes sont instrumentalisées par des profanes aussi ignorants que péremptoires qui font ainsi beaucoup de dégâts, et cela ne vaut pas que dans le domaine de la théologie!).
Mais c'est aussi la justification de tout un courant de pensée, qui a produit des clercs à la foi tiède, des laïcs, y compris catholiques, résolument sceptiques, et toute une sous littérature "grand public" destinée à brouiller le message des Evangiles et la figure de Jésus. C'est contre cela que le Pape se bat, et c'est la raison d'être de son Jésus de Nazareth (1).

Jean Carmignac est ce prêtre que je viens de découvrir grâce au blog du Mesnil Marie. Il pensait avoir trouvé la preuve que les évangiles ne sont pas des textes tardifs, mais bien des témoignages directs. On ne l'a pas laissé s'exprimer, même au sein de l'Eglise.

Je lis dans sa notice Wikipedia que Rudolf Bultmann (1884 - 1976) était un théologien allemand de tradition luthérienne. Fils d'un pasteur luthérien allemand, ...il a développé la « démythologisation » du Nouveau Testament en se fondant sur l'étude des genres littéraires (Formgeschichte) des récits composant les évangiles , soutenant que ces derniers ne sont pas contemporains à Jésus-Christ.

Carlota s'est plongée avec enthousiasme dans les bulletins de l'Association Abbé Carmignac (http://www.abbe-carmignac.org/) , et me dit y avoir "trouvé des choses formidables".
Par exemple, dans le bulletin n° 50, cette interviewe de Jean Carmignac par le Père André Boulet, datant de 1976 (càd l'année de la mort de Bultmann):

- Jean Carmignac: Je travaille sur les manuscrits de la mer Morte depuis 1954 [...]. Ces travaux m'ont amené, depuis 1963 à traduire l'Evangile de St Marc en hébreu de Qumràn. J'ai été surpris de constater que c'était très facile. Les mots du texte grec de Marc sont dans l'ordre voulu par la grammaire hébraique et beaucoup de tournures sont hébraiques. [...] J'ai donc voulu retraduire tout St Marc en hébreu et, en méme temps, les passages parallèles de St Matthieu et de St Luc, pour les comparer. [... ] Et ce à quoi j'aboutis, c'est à des conclusions assez révolutionnaires : les Evangiles ont été composés beaucoup plus tôt et d'une toute autre fagon qu'on ne pense généralement dans les milieux des spécialistes.
[...] En définitive, si les Evangiles synoptiques ont été écrits en hébreu, ce que je pense pouvoir démontrer, toute une tendance biblique actuelle, celle qui se réclame de Bultmann notamment, est compromise.

- André Boulet:
Vous venez de nommer Bultmann. Qui est cet homme dont on parle si souvent et quelles sont ses idées maîtresses ?

- Jean Carmignac: Rudolf Bultmann est un allemand, professeur à l'Université de Marbourg. C'est plus un philosophe qu'un exégéte ; ami du philosophe Heidegger, c'est sous l'influence de celui-ci, en partie au moins, que Bultmann a bâti un système qui relève plus de l'histoire des religions que de l'exégèse.
Bultmann compare les récits des évangiles aux récits populaires qui peuvent exister dans les différentes religions et mythologies ; il constate que pour à peu près chacun des récits évangéliques on peut trouver des passages parallèles dans la mythologie grecque, le Bouddhisme, etc. En recourant à la notion de genre littéraire (qui est une notion juste mais à utiliser avec discernement), il fait des rapprochements entre tel fragment des Evangiles et tel texte bouddhiste, hellénique... Il en arrive ainsi à atomiser le texte biblique. Il suppose que les évangiles sont la mise bout à bout de quantités de petits récits très courts inventés par les premières communautés chrétiennes pour exprimer ce qu'elles croyaient au sujet du Christ ; par exemple elles prêtent au Christ tel miracle pour dire qu'elles le croient d'origine divine, tout puissant, capable de rendre la vie... Bref, selon Bultmann, on mythologisait en écrivant les détails de la vie de Jésus, sous l'influence de la culture hellénique. Aussi, pense-t-il, il faut maintenant « démythologiser » les Evangiles si l'on veut obtenir la réalité historique. L'Evangile, selon lui, nous permet d'atteindre la foi des communautés chrétiennes (Jésus ressuscité, Fils de Dieu, né d'une Vierge, etc.) mais non la réalité historique.
Mais pour Bultmann ce n'est pas un obstacle à la foi. Disciple du philosophe Heidegger, il prône une foi tout à fait « pure » et la foi est d'autant plus pure qu'elle ne dépend pas d'une connaissance historique. II est plus beau, plus religieux, de croire sans motif, sans preuve. C'est ce qu'il appelle la foi pure. Tout son travail, dans sa pensée, est un travail de purification de la foi.
Quant à nous, nous disons : si Jésus n'a pas fait et dit réellement ce que nous rapportent fidèlement les Evangiles, comment pouvons-nous croire en Lui (1)? On rencontre ici la différence essentielle entre la foi protestante et la foi catholique. La foi des protestants est en réalité la confiance; la confiance que Dieu me sauvera et qu'il me sauve par Jésus-Christ. Cette notion de confiance peut, jusqu'à un certain point être détachée de la réalité historique. Pour les catholiques, la foi est d'abord adhésion de l'intelligence à des vérités révélées et cette adhésion n'est plus possible si les vérités révélées n'existent pas, si elles n'ont pas été révélées, si je ne puis les atteindre dans le contexte des faits historiques où elles ont été révélées.
Le système de Bultmann est donc extrêmement dangereux. Malheureusement, il est vulgarisé en France et a influencé beaucoup de chrétiens. Les théories de Bultmann sont pour une part responsables de la crise que traverse l'Eglise actuellement. Ce qui a fait perdre la foi à certaines personnes c'est que Jésus n'est plus pour elles le Christ historique qui a vécu sur terre, qui était Fils de Dieu, vraiment homme comme nous, dont je connais les gestes et les paroles, mais un être idéalisé qu'on récupère sur le plan politico-social ou qu'on essaye d'envoyer dans les nuées...
Or, ce qui frappe, c'est que toutes les théories de Bultmann ne reposent sur aucune preuve ; elles s'appuient sur l'argument de comparaison, de ressemblance entre tel récit chrétien et tel récit bouddhique, par exemple. Mais l'histoire des religions est si vaste qu'on peut toujours trouver des ressemblances entre récits provenant de religions différentes ; comparaison n'est pas raison. Il faudrait prouver qu'il y a influence directe de tel thème hellénique ou bouddhique sur le Nouveau Testament Bultmann ne le fait pas.
Si le travail que je poursuis en ce moment est exact dans ses conclusions essentielles, du Bultmannisme il ne reste rien. Bultmann pense en effet que les Evangiles ont été composés par les communautés hellénistiques de Corinthe, Ephèse, etc. Mais tout ceci est radicalement faux si Marc et Mathieu ont été composés en hébreu et si Luc a été écrit en dépendance de ce texte hébreu, car alors il n'y a pas d'influence des communautés hellénistiques, puisque la composition du texte n'est pas dans leur langue. Or, on peut prouver (et c'est l'objet de mon travail actuel) que Marc et Matthieu ont été écrits en hébreu, que Luc est, à la limite, du grec et de l'hébreu, et que ces textes sont passés de l'un à l'autre par tradition visuelle (leur rédacteur ayant sous les yeux un texte hébreu écrit) et non par tradition orale... Alors, le Bultmannisme se présente comme un ensemble d'affirmations indémontrées, contredites par une enquéte menée scientifiquement.

Revue des Oeuvres et des Missions marianistes n° 27, juillet-septembre 1976

Note

(1) Benoît XVI ne dit, il me semble, rien d'autre.
Je viens de relire la préface du Tome 1 de son Jésus de Nazareth, que j'avais traduite ici: beatriceweb.eu/Blog06/
* * *

(..) La méfiance envers ces images de Jésus s'est amplifiée, et par suite, la figure-même de Jésus s'est encore davantage éloignée de nous. Toutes ces tentatives ont cependant laissé derrière elles, comme dénominateur commun, l'impression que nous avons bien peu de connaissances certaines sur Jésus, et que c'est seulement tardivement que la foi en sa divinité a façonné son image.
En même temps, cette impression a pénétré profondément dans la conscience commune de la chrétienté.
Une telle situation est dramatique pour la foi, car elle rend incertain son authentique point de référence: l'amitié intime avec Jésus, dont tout dépend, menace de se diluer dans le vide.
...
Je retiens que réellement CE Jésus -celui des Evangiles- est une figure historiquement solide et convaincante.
Ce n'est que s'il s'est vraiment passé quelque chose d'extraordinaire, si la figure et les paroles de Jésus dépassaient toutes les espérances et les attentes de l'époque, que l'on l'on peut expliquer sa Crucifixion, et ses effets.

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