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Un défi culturel, pas politique

Autour d'une réflexion de Mgr Luigi Negri, l'évêque de San Marino, qui se réfère à la situation de l'Italie, mais qu'on peut appliquer sans difficulté à l'ensemble de l'Occident. (14/10/2011)

Les medias ont trouvé un nouveaut hochet pour occuper le bon peuple. Après le printemps arabe (qui vire au cauchemar, surtout pour les chrétiens) et les indignados de la Puerta del Sol (tiens! ils sont passés où, ceux-là, après avoir été instrumentalisés contre le Pape à l'occasion des JMJ?) voici le mouvement "Occupy Wall Street" relayé par l'ensemble de la presse bien pensante, de Libé - que certains, à l'extrême-doite (bien sûr!!) appellent non sans raison le "quotidien anarcho-bancaire" - au Monde, et, je le suppose, leurs alter ego étrangers, El Pais, La Repubblica et The Guardian .

Carlota m'écrit:

* * *

Nous sommes comme à Rome au temps de la guerre civile... certains lancent des idées de droite et de gauche pour occuper le "bon peuple", et l'on fait les choses en douce. Il n'y a qu'à voir en France cette mascarade de primaires socialistes, qui est un désaveu complet de la démocratie malgré les apparences, occupant la télévision et les radios
Et pendant ce temps-là...
Comme si l'occupation de Wall Street allait changer la face du monde (comme si les indignés ont changé l'Espagne!), en plus à l'époque du virtuel où les achats et les ventes peuvent se faire de n'importe où.
La survie des pays ne viendra pas de manifestations de foules manipulées un peu partout dans le monde mais de la détermination de chaque pays à s'en sortir. De même que la survie spirituelle (et matérielle) d'une famille en cas de coup très dur et sur le long terme ne va pas venir de l'Etat mais bien du noyau dur qui partage les mêmes valeurs et une vraie affection, sans idée de profit y compris électoraux!

* * *

Quant à la détermination de chaque pays à s'en sortir, c'est peut-être encore plus profond que cela. C'est une question d'éducation, et donc d'individus.
Mgr Negri publie aujourd'hui un article sur La Bussola, et il dit "le défi est culturel, pas politique". Non, on ne changera pas les choses du jour au lendemain, c'est avant tout un problème d'éducation, et c'est une tâche de fond, sur le long terme, à laquelle l'Eglise doit s'atteler.

L'évêque de San Marino se réfère à la situation politique dans son pays (en parler maintenant dépasse la cadre de ce site, et je n'ai vraiment pas envie d'ajouter à la confusion en traitant d'un sujet que je n'ai pas pu suivre à fond, faute de temps, mais j'ai été frappée par une expression de Massimo Introvigne évoquant les attaques de la presse de gauche contre Silvio Berlusconi: il utilise un mot espagnol "vendepatria", qu'il n'est pas interdit de prendre au pied de la lettre )
Mais comme d'habitude, tout est transposable à chaque pays d'Europe occidental, en particulier à la France, et à la crise que traverse notre monde, dont celle de "la dette" n'est qu'un épiphénomène.

Le défi est culturel, pas politique
Luigi Negri
La Bussola
14/10/2011

Je tente de me plonger dans la complexité et les contradictions de la situation italienne, culturelle, sociale, politique, et par conséquent aussi de l'Église, essayant de percevoir le type de défi qui est devant moi comme pasteur et guide d'une communauté ecclésiale.

Désormais, il est clair que nous avons affaire à une crise très grave, de caractère culturel. Culturelle dans le sens profond du mot culture, tel que je l'ai appris conjointement du Père Luigi Giussani (fondateur de Communion et Libération, le mouvement où Mg Negri a fait ses premières armes de prêtre) et de Jean Paul II: cette organisation fondamentale de la vie humaine comme sens, comme beauté, comme justice, comme bien. Cette culture primaire - ainsi que l'a qualifiée Jean-Paul II dans le discours inoubliable à l'UNESCO le 1er Juillet 1980 - cette culture de base a en grande partie disparu de notre pays.

Et c'est également l'occasion de dire que ce qui a anéanti la culture de notre peuple, c'est cette espèce d'idéologie, douce dans ses formulations mais extrêmement dure dans sa mise en oeuvre, que nous pouvons attribuer à cette fermentation de positions rationalistes, maçonniques, consuméristes, communistes (ou plutôt, matérialistes) tenue d'une main de fer par les média de masse. Les médias - pour reprendre une très belle image de Benoît XVI en Allemagne - ont fait pleuvoir sur notre foi et notre peuple les pluies acides de cette idéologie du médiatiquement correct.

C'est un vide, un vide qui se recouvre de respectabilité, de dévouement passionné aux institutions sociales dont découleraient tous les droits. En pratique, nous sommes retournés à l'absolutisme d'Etat, à l'absolutisme de la société, les droits ne sont pas reçus par l'homme, dans le cadre de sa conscience, dans une confrontation ouverte avec le mystère de Dieu. Non, les droits sont ceux que la société reconnaît, promeut.
Benoît XVI est servi, avec ses valeurs non négociables. L'abolition de ces valeurs non négociables, tels que formulées par le pape, est en effet le fil rouge (en français dans le texte) de tous les programmes des formations socio-politiques, en particulier celles situées à gauche. Et qu'on ne s'illusionne pas de poursuivre ainsi le bien commun. Le bien commun - qui est une réalité vaste et variée se réalisant dans certaines conditions bien précises de nature sociale - est l'expression d'un cœur plus profond. Et le cœur plus profond, ce sont les valeurs non négociables.

Il y a donc un malaise, un malaise très fort, car quand manque la culture, il manque aussi les hommes, il manque des personnes capables de prendre des responsabilités, capables de porter des jugements, capables de mener des actions en conséquence.

La politique est une misère, mais quel autre domaine de notre vie culturelle et sociale échappe à cette misère? Cette absence de personnalités significatives, cet anéantissement quotidien dans la polémique politique ou culturelle, dans la banalité de ce qu'on appelle la vie privée qui devient, pour les uns et les autres, sans beaucoup de différence, une affaire d'Etat.

Alors je crois que l'Église doit éviter la tentation d'agir rapidement pour essayer de régler les choses rapidement. Ces problèmes ne sont pas des problèmes qui seront résolus rapidement, ces crises nécessitent un long processus d'éducation. Et le processus éducatif ne se fait pas avec des autoroutes, le processus éducatif se fait en cheminant par des sentiers, en escaladant des rochers - comme ils disent dans les endroits où je suis évêque - luttant jour après jour pour que la culture de base que l'Eglise propose devienne forme de la personnalité, ultime valeur de références, objectifs personnels, familiaux, sociaux. L'éducation ne s'improvise pas, et surtout elle n'est pas le fruit de quelque slogan bien dit, ou de quelque publication de souffle grand ou petit. Nous devons recommencer à éduquer notre peuple à partir de la foi afin que le phénomène d'éducation devienne évangélisation, que l'éducation devienne formation de la personnalité.

Certes, la société est en crise dans sa dimension politique, mais la société n'est-elle pas en crise dans son aspect familial? La crise sociale est un aspect de cette impressionnante crise familiale, c'est pourquoi que les familles, en majorité détruites dans leur réalité, sont incapables de donner aux jeunes et aux enfants des orientations sûres pour vivre, et donc des raisons de vivre, sans la formulation desquelles il n'y a aucune possibilité d'éducation.

Notre devoir est de former des laïcs qui puissent assumer ensuite la responsabilité des jugements, et agir en conséquence; il faut échapper à la tentation de créer un peuple ou un pseudo-peuple de croyants qui accepte ensuite d'être télécommandé par les instances ecclésiastiques au niveau des points de plus grande responsabilité. Nous ne devons en aucune façon prendre la place des laïcs dans l'entreprise qui leur appartient totalement d'apporter dans une société comme la nôtre, leur contribution originale d'intelligence, de passion, d'éducation, de capacités de construction.

Je pense que c'est un grand défi. Nous ne pouvons pas nous disperser sur d'autres défis, comme la solution des problèmes sociaux et politiques concrets, ou les stratégies à court ou à long terme pour la solution de ces problèmes. Nous sommes défiés dans l'essence de notre identité, de notre mission. Jean XXIII a dit que si l'Église n'est pas maître (ndt: au sens professeur), elle n'est pas non plus mère et que si elle est mère, elle ne peut être que maître. C'est une route longue mais passionnante, le long de laquelle on peut rencontrer des personnes proches et lointaines, mais qui sont disponibles à la conversion du cœur et l'intelligence.

Est-ce un discours abstrait?
Je pense qu'il y a une partie du monde ecclésial qui poussera un soupir en entendant ces choses, comme s'il s'agissait de choses abstraites. Mais cette abstraction est une abstraction qui change l'histoire.
Le pragmatisme de beaucoup, y compris catholiques, finit par mourir dans l'histoire.

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