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Le Cardinal Ratzinger et la repentance

Le 7 mars 2000, lors d'une conférence de presse pour la présentation de " Mémoire et repentance ", une intervention improvisée du cardinal Ratzinger. Il s'interroge sur les péchés de l'Eglise. Extrait (14/11/2011)

Le texte intégral est publié sur le n° 2223 de la Documentation Catholique.
Merci à Anne de me l'avoir signalé.
Je ne résiste pas au plaisir de citer l'introduction: le cardinal qui s'excuse de ne pas avoir eu le temps de préparer un texte écrit!!!

-> A lire: l'homélie prononcé par le pape Jean-Paul II, lors de la messe pour la journée du pardon de l'année sainte 2000, le 12 mars 2000 (ici)

MESDAMES ET MESSIEURS,

Je vous prie de bien vouloir m'excuser de ne pas avoir pu préparer un texte écrit ; les engagements de ces dernières semaines ont été tels que cela m'a été impossible ; j'essaierai néanmoins d'être bref et du reste tout ce qui me tient à coeur a déjà été dit de façon admirable par le cardinal Etchegaray.
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(...) après avoir vu qu'il existe une histoire permanente du « mea culpa » dans l'Église, on peut se demander - je me suis posé cette question - pourquoi cette surprise, qu'y a-t-il de nouveau ? Je ne sais pas si j'ai raison de faire les réflexions suivantes ; mon impression, qu'il faudra certainement corriger, a été la suivante : quelque chose a changé au début de l'époque moderne, quand le protestantisme a créé une nouvelle historiographie de l'Église dans le but de montrer que l'Église catholique est non seulement souillée par les péchés, comme elle l'a toujours su et dit, mais qu'elle est totalement corrompue et détruite, qu'elle n'est plus l'Église du Christ mais au contraire qu'elle est un instrument de l'Antéchrist. Donc, totalement corrompue, elle n'est plus une Église mais l'anti-Église. À ce moment, quelque chose a changé, comme on le voit, et, nécessairement est née une historiographie catholique opposée à la précédente, pour montrer que, malgré les péchés indéniables, qui étaient trop évidents, l'Église catholique demeure cependant l'Église du Christ, qu'elle est toujours l'Église des Saints et l'Église sainte. À ce moment de l'opposition entre ces deux historiographies, où l'historiographie catholique se voyait contrainte à l'apologétique, qui a montré que la sainteté est restée dans l'Église, naturellement on atténue la confession des péchés de l'Église. La situation s'aggrave avec les accusations des Lumières, pensons à Voltaire (« Écrasez l'Infâme ») et à la croissance de ces accusations jusqu'à Nietzsche, où l'Église non seulement apparaît comme anti-Église mais comme le grand mal de l'humanité, qui porte en lui toute la culpabilité, qui détruit et empêche le progrès ; alors les vrais péchés de l'Église sont grossis pour en faire de véritables mythologies, de sorte que toute l'histoire des Croisades, de l'Inquisition, de la sorcellerie, devient une vision univoque du caractère absolument négatif de l'Église et cela d'autant plus que l'Église se sent contrainte de montrer que, malgré des éléments négatifs comme ceux-ci, elle est toujours l'instrument du salut et du bien, et non pas l'instrument de la destruction de l'humanité. Nous sommes aujourd'hui dans une situation nouvelle dans laquelle, avec une plus grande liberté, l'Église peut revenir à la confession des péchés et également inviter les autres à faire une confession, et donc inviter à une profonde réconciliation. Nous avons vu les grandes destructions opérées par les athéismes qui ont créé une situation nouvelle d'anti-humanisme et de destruction de l'humain. Dans cette situation surgit une question nouvelle : « Où sommes-nous ? Qu'est-ce qui nous sauve ? ». Il me semble que nous pouvons avec une humilité, une franchise et une confiance nouvelles confesser les péchés et également reconnaître la grandeur du don de Dieu.

Les critères de compréhension
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Pour finir, je voudrais résumer les critères que je vois et qui coïncident, comme je l'ai déjà dit, avec ceux qu'a indiqués le cardinal Etchegaray. J'en vois trois. Le premier - même si dans le mea culpa sont nécessairement impliqués les péchés du passé, parce que sans les péchés du passé, nous ne pouvons pas comprendre la situation d'aujourd'hui -, l'Église du présent ne peut pas se constituer en tribunal qui condamne les générations passées. L'Église ne peut pas et ne doit pas vivre avec arrogance dans le présent, se sentir exempte du péché et identifier comme source du mal les péchés des autres, les péchés du passé. La confession des péchés des autres n'enlève pas notre devoir de reconnaître les péchés du présent, elle sert à réveiller notre conscience et à ouvrir, pour nous tous, la route de la conversion.

Second critère : confesser, cela signifie, selon saint Augustin, « faire la vérité », et implique donc surtout la discipline et l'humilité de la vérité. Cela implique de ne nier en aucune manière le mal commis dans l'Église, mais aussi de ne pas s'attribuer par une fausse humilité des péchés qui n'ont pas été commis, ou bien ceux pour lesquels il n'existe pas encore de certitude historique.

Troisième critère : suivant encore une fois saint Augustin, nous devons dire qu'une « confessio peccati » chrétienne s'accompagnera toujours d'une « confessio laudis ». Dans un sincère examen de conscience, nous voyons que, pour notre part, nous avons fait beaucoup de mal, comme cela s'est produit au cours de toute les générations, mais nous voyons aussi que Dieu purifie et renouvelle toujours l'Église, malgré nos péchés, et fait ainsi de grandes choses en se servant de vases d'argile. Et qui ne pourrait voir, par exemple, quel grand bien a été réalisé au cours de ces deux derniers siècles dévastés par la cruauté des athéismes, des biens faits par de nouvelles congrégations religieuses, par des mouvements laïcs dans le secteur de l'éducation, dans le secteur social, dans le secteur de l'engagement pour les faibles, les malades, ceux qui souffrent, les pauvres. Ce serait un manque de sincérité de ne voir que notre mal et de ne pas voir le bien fait par Dieu par l'intermédiaire des croyants, malgré leurs péchés. Les Pères de l'Église ont trouvé un résumé du paradoxe que sont la faute et la grâce dans la parole de l'Épouse du Cantique des Cantiques : « Nigra sum sed formosa » - « je suis souillée par les péchés, mais belle », belle malgré tout, par ta grâce et par tout ce que tu as fait. L'Église peut franchement, et avec confiance, confesser les péchés du passé et du présent, en sachant que le mal ne la détruira jamais complètement, en sachant que le Seigneur est plus fort et qu'il la renouvelle, pour qu'elle soit un instrument des bienfaits de Dieu dans notre monde.
Merci.

"Oltretevere" et Mario Monti Le Saint-Père au Bénin