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Le gouvernement Monti et l'Eglise

Que se passe-t-il en Italie? Pour y voir un peu plus clair, j'ai traduit deux éditoriaux de Riccardo Cascioli sur la Bussola, datant respectivement des 17 et 23 novembre. Quel rôle joue le cardinal Bagnasco? (24/11/2011)

R. Cascioli voit les choses "de l'intérieur" et du point de vue des catholiques fidèles à Benoît XVI (sans bien sûr que cela implique en aucune façon la position du Saint-Père).

Il me semble percevoir que le président de la CEI se trouve pris dans le tourbillon d'un jeu d'influences qui le dépasse un peu (et où la presse, en particulier Il Corriere della Sera, joue un rôle à la fois important et ambigu, qu'il serait intéressant de creuser - avant la chute de Berlusconi, Il Corriere a par exemple hébergé plusieurs "lettres ouvertes au Président du Conseil" signées Mario Monti).
Il se mêle directement de politique (ayant paraît-il pesé sur le choix de ministres catholiques dans le "gouvernement technique") ce qui n'est pas forcément son rôle (il faut relire à ce sujet un texte très fort de Mgr Negri, que j'avais traduit ici et qui est cité dans l'article: Un défi culturel, pas politique.
Enfin (c'est une opinion personnelle), si ce "gouvernement technique" a été fabriqué autour d'une table, comme on peut le redouter, on peut comprendre que la présence de catholiques (avec la diversité d'opinions que cela implique), dans un pays comme l'Italie, est indispensable, au moins pour donner le change aux électeurs.

Article du 17 novembre


Nouveau gouvernement: comme une partie de poker
(Source)
Riccardo Cascioli
17/11/2011
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Tous techniciens, tous experts, tous influents, tous sobres, tous encensés par la presse. Les nouveaux ministres du gouvernement Monti, qui ont prêté serment la nuit dernière, recueillent les applaudissements presque unanimes des partis et des leaders d'opinion. Bien sûr, tous ne sont pas inattaquables: le néo-ministre pour la cohésion territoriale (un nouveau ministère anti-Ligue du Nord), Fabrizio Barca - comme nous en informe sur son blog Marco Cobianchi journaliste de Panorama - a été l'inventeur de la nouvelle politique régionale, un plan d'investissement public en faveur des entreprises dans le Sud qui a lamentablement échoué. Certes, un préfet à l'Intérieur et un militaire à la Défense suscitent quelque inquiétude. Certes, cela fait un drôle d'effet de lire les cv des nouveaux ministres et de découvrir que plusieurs ont été des conseillers de Prodi ou ont des contacts étroits avec la vieille gauche de la Démocratie Chrértienne.

Mais au fond, le problème n'est pas là, dans l'ensemble, il s'agit d'une équipe de haut profil. Dommage qu'il soit encore impossible de savoir ce qu'ils vont faire (ndt: depuis, ils ont publié leur programme). Peut-être auront-ils la bonté de nous le dire aujourd'hui.
Mais la vraie anomalie, la voilà: un gouvernement est né sans un programme déclaré, il obtient le feu vert des forces au parlement, il reçoit le plein consensus de la presse sans que personne ne se soucie de nous expliquer comment ils vont faire pour surmonter la crise, sans parler de toutes les autres questions auxquelles le gouvernement devra faire face. Un gouvernement qui s'ouvre dans le noir, en somme, comme dans une partie de poker.

Autrefois, quand en politique on voulait rappeler au sérieux, on disait: "assez parlé des alliances et des fauteuils, pensons d'abord programme".
Aujourd'hui, à l'évidence, c'est l'inverse qui est vrai. Le programme est secondaire, l'important est de présenter quelques beaux visages, respectables et influents. Et pour éviter les résistances, les visages sont choisis pour représenter toutes les grands pouvoirs de l'Italie: il y a les grandes banques (et donc les principaux journaux), il y a toutes les grandes universités privées, il y a les militaires, et il y a aussi l'Église, avec deux ministres (Lorenzo Ornaghi et Andrea Riccardi) directement reconductibles à la Conférence épiscopale italienne (CEI) et au projet né avec la fameuse conférence de Todi [1] (une autre des personnes présentes à Todi, Corrado Passera, est même un super-ministre, du Développement et de l'Infrastructure).

Il ne fait aucun doute que la CEI a donné sa bénédiction au gouvernement technique, après que le président, le cardinal Bagnasco ait "licencié" Berlusconi dans le discours d'ouverture du Conseil permanent le 26 Septembre dernier. La CEI n'a jamais fait mystère de regarder avec faveur la poursuite de la législature (ndt: donc, pas d'élections anticipées, qui était le voeu de l'éditorialiste de la Bussola), avec une majorité élargie, surtout parce qu'il espère qu'au Parlement, la majorité qui a approuvé la loi sur les Déclarations anticipées de traitement (DAT) [2] - autrement dit le testament biologique - sur laquelle il a investi beaucoup d'énergie, pourra résister. Si tel est le but, il est évident qu'une nouvelle législature signifierait presque certainement l'échec du projet, mais Bagnasco pourrait être déçu aussi par ce Parlement. L'éclatement et les divisions internes des partis, en particulier l'émiettement et la désorientation du PDL (Berlusconi), rendent plus difficiles à contrôler le vote des parlementaires individuels sur des questions de conscience (comme on le sait, même parmi les catholiques il y a beaucoup de doutes sur ce projet de loi, jugé une porte ouverte à l'euthanasie), ce qui pourrait réserver quelques vilaines surprises.

A en juger par les éditoriaux de L'Avvenire (ndt: organe de la CEI) de ces derniers jours - avec l'avertissement au nouveau gouvernement sur les choses à faire dans la famille, l'éducation, le travail, le bénévolat et la justice - il y a encore l'espoir que Monti fasse bien sur ces questions importantes, sur lesquelles le gouvernement Berlusconi a trahi en grande partie les attentes. Mais en supposant que ce soit le cas - et c'est loin d'être évident -il faut répondre à une question qui est loin d'être insignifiante: la fin peut-elle justifier les moyens?

     

Article du 23 novembre


L'«esprit de Todi» et Monti
(Source)
Riccardo Cascioli
23/11/2011
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Beaucoup a été écrit ces jours-ci, à propos et hors de propos, sur le rôle de l'Église dans la formation du gouvernement Monti. Mais au-delà des opinions personnelles, un fait nouveau a été à coup sûr enregistré: alors que dans le passé les dirigeants de la Conférence épiscopale ont à chaque fois témoigné une appréciation plus ou moins grande pour les gouvernements qui se sont succédé en fonction de leur programme ou de leurs initiatives sur des sujets sensibles pour l'Eglise, cette fois-ci, on a eu l'impression d'une plus grande implication dans la formation même gouvernement.

Soyons clairs: ce n'est pas un mystère que la CEI et le Secrétairerie d'État du Vatican ont regardé avec faveur le gouvernement Berlusconi - du moins à un certain point de la législature - en particulier pour sa position sur les principes non négociables, qui était au moins un frein à certaines tendances sécularistes qui, dans le précédent gouvernement, semblaient ne plus s'arrêter. Et pourtant, parmi les ministres du gouvernement Berlusconi, il n'y avait pas de représentants de claire appartenance catholique ou en relation étroite avec les dirigeants de la CEI. Et même s'il y en avait eu, ç'aurait été en raison de leur militance politique.
Dans ce gouvernement, au contraire, il y a deux ministres povenant clairement de milieux ecclésiaux et d'autres liés à l'Eglise par des relations privilégiées. Laurence Ornaghi, ministre des Biens Culturels, est le recteur de l'Université catholique, homme de confiance d'abord du cardinal Ruini, puis aujourd'hui du cardinal Bagnasco. Andrea Riccardi, ministre de la Coopération internationale et de l'Intégration, représente même une nouveauté historique, car c'est la première fois qu'il y a dans un gouvernement le fondateur et dirigeant d'un mouvement ecclésial, la Communauté de Sant'Egidio.

Tous les deux sont intervenus lors du désormais fameux Congrès de Todi (17 Octobre) organisé par le Forum des associations catholiques du monde du travail, ainsi qu'un autre ministre du gouvernement Monti, président de Banca Intesa - et parmi les rédacteurs du Corriere della Sera - Corrado Passera, à qui il revient désormais de diriger le ministère du Développement économique.
Le Congrès de Todi a eu une grande résonance, en particulier par le relief qu'a voulu lui donner le président de la CEI, le cardinal Angelo Bagnasco, même si, avec son discours inaugural, il a ensuite déconcerté la cordée du Corriere della Sera, dont le directeur, Ferruccio De Bortoli (également présent à Todi) avait déjà confié aux catholiques en politique un rôle de soutien de l'éthique, moyennant la renonciation de proposer ces valeurs non négociables (vie, famille, éducation) considérées comme porteuses de discorde. Bagnasco a fait à l'occasion un très beau discours pour expliquer qu'au contraire, ces valeurs sont une source pour toute politique dirigée vers le bien commun.

Et pourtant, «l'esprit de Todi» - ainsi que l'évoque Il Corriere - semble entrer dans le gouvernement Monti, et avec l'aval de la CEI, même si le poids des évêques a été redimensionné par rapport aux attentes. Ornaghi, pendant des jours donné comme sûr au ministère de l'Education (ndt: en Italie, on dit "Ministère de l'instruction", nuance non négligeable), s'est retrouvé in extremis à diriger les Biens Culturels, qui est aussi un grand ministère, mais qui est loin de la responsabilité des écoles et des universités: en fin de compte, le recteur de l'Université catholique devra s'occuper des murs de Pompéi qui tombent et des graines plantéss par les cinéastes.
Quant à Riccardi, ses intérêts vont bien au-delà de l'Église et certainement l'un de ses points forts a été les liens étroits avec les milieux laïques et la haute estime dont il jouit auprès du Président de la République Giorgio Napolitano (lire à ce propos la biographie non autorisée que lui a consacré un grand connaisseur des choses ecclésiales comme Sandro Magister).

Par ailleurs, la CEI a obtenu qu'au sein du gouvernement, il n'y aurait pas la radicale Emma Bonino (voir sa bio ici) et l'oncologue Umberto Veronesi, qui la veille semblaient bien placés pour un un ministère important et qui auraient été embarrassants pour leurs positions en matière de bioéthique. Elle a toutefois dû subir l'attribution du ministère de la Santé à Renato Balduzzi, "bindiano" (ndt: soutien de Rosy Bindi, successivement ministre de la santé puis ministre de la famille des deux gouvernements Prodi) de fer, père du projet de loi sur le Dico (DIritti e doveri delle persone stabilmente COnviventi, en gros, l'équivalent du PACS pour les italiens), qui sur les questions éthiques est donné plus proche de Bonino et de Veronesi que de la doctrine de l'Eglise. En outre, Balduzzi a récemment été nommé professeur à l'Université catholique, et se retrouve avec un portefeuiile bien plus important que celui confié à son recteur.

En fin de compte, l'Eglise semble avoir donné sa bénédiction au gouvernement technique (également significatif, le commentaire officieux du secrétaire d'Etat du Vatican, le cardinal Bertone, qui a parlé d'une «bonne équipe») s'assurant que durant les deux dernières années de la législature (ndt: les élections sont prévues dans deux ans) ne seront pas prises des initiatives négatives sur des sujets éthiquement sensibles. Par ailleurs, indépendamment des pressions des évêques, ce n'est pas non plus de l'intérêt de Monti de proposer ou de soutenir lois qui pourraient mettre en danger l'harmonie du Parlement. En outre, il il y a l'espoir que cette législature pourra porter à son terme l'approbation de la loi sur les Dichiarazioni anticipate di Trattamento (DAT = testament biologique) [2], qui est si chère au cardinal Bagnasco.

Maintenant, on peut certes faire des évaluations différentes sur les résultats obtenus par la CEI dans le processus qui a conduit à la formation du gouvernement Monti. Il reste, cependant, le sentiment d'une Église dans les derniers mois a été très active pour préparer ou donner des instructions pour l'après-Berlusconi, une fois constatée que la "parabole" (au sens de courbe, je pense!) politique du Cavaliere touchait à sa fin. En ce sens, le Congrès de Todi n'a été que la dernière d'une série d'initiatives «politiques».

Cela dit, la question que nous nous posons est la suivante: aujourd'hui la tâche la plus urgente pour l'Eglise en Italie est-elle vraiment de donner des indications au gouvernement , de suggérer des ministres ou de s'engager dans des négociations pour obtenir "bonnes lois"?
Nous croyons sincèrement que non.
Ceci est la tâche des laïcs, appelés à faire face à la réalité politique sur la base des critères de la doctrine sociale de l'Église. Aux évêques, il revient plutôt d'indiquer clairement quelle est la véritable cause de la crise que nous traversons que - comme l'a écrit dans ces colonnes Mgr Luigi Negri: "il s'agit d'une crise très grave de caractère culturel" (cf Un défi culturel, pas politique). Il leur revient d'offrir ce qui est dans la nature de l'Église, c'est-à-dire un processus éducatif: "Et le processus éducatif, dit encore Mgr Negri ne se fait pas avec des autoroutes, le processus éducatif se fait en cheminant par des sentiers, en escaladant des rochers - comme ils disent dans les endroits où je suis évêque - luttant jour après jour pour que la culture de base que l'Eglise propose devienne forme de la personnalité, ultime valeur de références, objectifs personnels, familiaux, sociaux. L'éducation ne s'improvise pas, et surtout elle n'est pas le fruit de quelque slogan bien dit, ou de quelque publication de souffle grand ou petit. Nous devons recommencer à éduquer notre peuple à partir de la foi afin que le phénomène d'éducation devienne évangélisation, que l'éducation devienne formation de la personnalité".

"En d'autres termes, nous attendons des évêques un engagement véritable dans l'évangélisation, qui est la première et fondamentale contribution que nous, catholiques, nous pouvonsapporter à la société. Moins de messages aux palais, davantage de travail d'évangélisation parmi les gens.

Notes

[1] A propos de Todi, voir ici: Union sacrée autour des valeurs non négociables.

Lundi 17 octobre se tenait à Todi, en Ombrie, le Forum des Associations catholiques, présidé par le cardinal Bagnasco. Le titre choisi était: «La bonne politique pour le bien commun: les catholiques acteurs de la vie politique italianne».

[2] La déclaration anticipée de traitement est l'expression de la volonté d'une personne (le testateur), fournie dans un état de lucidité mentale, sur les thérapies qu'il entend ou n'entend pas accepter, dans l'éventualité où il se trouverait dans l'incapacité d'être en mesure d'exprimer son droit à consentir ou non au traitement proposé pour des maladies ou lésions traumatiques cérébrales irréversibles ou invalidantes, maladie qui contraignent à des traitements permanents avec des machines ou des systèmes artificiels qui empêchent une vie normale de relations.
La volonté sur le sort de la personne passe aux parents de premier degré, ou au représentant légal lorsque la personne elle-même n'est plus en mesure de comprendre et de vouloir pour des motifs biologiques (wikipedia en italien)

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