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L'incroyable histoire de Pérez le souriceau

Pour Noël, Carlota a traduit ce merveilleux petit conte pour enfant. (20/12/2011)

Le 30 août dernier, juste après les JMJ, Carlota m’écrivait (http://benoit-et-moi.fr/ete2011/):

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Nous avons déjà eu l’occasion de traduire quelques uns des textes du Père Jorge López Teulón (voir ici) qui fait un travail remarquable de recherches historiques sur les persécutions religieuses en Espagne durant la Seconde République (1931-1939) et pour la constitution des dossiers à présenter à Rome.
.....
Le Père Jorge ... a adapté« L’incroyable histoire de Pérez le souriceau »,un des très jolis contes du célèbre jésuite espagnol, le Père Luis Coloma (1851-1915). Le petit rongeur Pérez est célébrissime chez les hispanophones et a même une plaque commémorative au 8 de rue madrilène del Arenal (où il a un tout petit musée) car c’est là que le Père Coloma a situé sa demeure (enfin la maison où se trouve sa demeure, une caisse de gâteaux secs!) quand il écrivit sur demande, sa première aventure, au profit du Roi Alphonse XIII, qui était encore tout enfant et comme tous les petits enfants, venait de perdre une dent de lait. Il faudra vraiment que je reparle de ce petit livre pour Noël !
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Chose promise, chose due.
Et c’est adorable.

Je voudrais, pour Noël, vous faire découvrir Pérez, un souriceau, très connu des enfants espagnols (et plus largement hispanophones).

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L’incroyable histoire de Pérez le souriceau

Semez chez les enfants l’idée, même s’ils ne la comprennent pas : les années se chargeront de la déchiffrer dans leur intelligence et de la faire fleurir dans leur cœur.

Le Roi Buby commença à régner quand il avait six ans, sous la tutelle de sa mère, une dame très prudente et très chrétienne, qui guidait ses pas et veillait sur lui, comme chaque ange gardien le fait des enfants sages.
Un jour, comme cela arrive à tous les enfants, une des dents de lait du petit roi commença à bouger. La dent tomba finalement tirée par un fil de soie. Sa Majesté la Reine convoqua immédiatement le conseil des ministres pour savoir ce qu’on allait faire de cette si jolie petite dent. Mais les conseils donnés louaient plus la mère qu’ils ne servaient la Reine. Aussi en femme intelligente qui ne se fiait pas aux flatteries, la Reine mère, très prudente et amie de la tradition, décida que le Roi Buby devait écrire à Pérez le souriceau et mettre sa dent sous son oreiller. C’était une pratique commune et constante de tous les petits enfants, depuis que le monde est monde et personne de mémoire d’homme ne se rappelait que Pérez le souriceau n’eût jamais manqué à sa mission : venir récupérer la petite dent et mettre à sa place un splendide cadeau.
Avec un peu de difficulté, comme tous les enfants de son âge, le Roi Buby écrivit sa lettre au souriceau. Cette nuit-là il se coucha plus tôt que de coutume et ordonna que toutes les lumières restassent allumées. Avec soin il mit l’enveloppe avec la petite dent sous son oreiller et s’assit dessus, bien décider à attendre jusqu’à l’aube, si nécessaire, Pérez le souriceau. Mais l’animal tarda à venir et le Roi Buby finit par s’endormir. Il fut réveillé par quelque chose qui lui frôlait le front et il vit devant lui, sur l’oreiller, debout, une souris toute petite, avec un chapeau de paille, des lunettes dorées, des chaussures de toile et un cartable qu’elle portait à l’épaule, c’était Pérez le souriceau madrilène. Le Roi Buby effrayé, contempla la petite bête, qui le voyant réveillé, le salua en portant son chapeau jusqu’à terre et en inclinant sa tête selon le cérémonial de la Cour. Puis dans cette attitude pleine de déférence, le souriceau attendit que sa Majesté parlât. Le petit Roi en avait oublié tout son discours et après mûres réflexions, toujours très étonné, il ne dit que ces seuls mots : Bonne nuit. Le souriceau répondit : Que Dieu vous l’accorde excellente, votre Majesté. Et après ce salut, tous deux furent les meilleurs amis du monde.

Pérez le souriceau appartenait au meilleur monde, sa conversation était variée et ses connaissances époustouflantes. Il avait voyagé par toutes les canalisations et caves de la Cour et fait son nid dans toutes les archives et les bibliothèques. Rien qu’à l’Académie Royale Espagnole, il s’était régalé en moins d’une semaine de trois manuscrits inédits qu’avait laissés là un certain auteur illustre. Il confia aussi au Roi Buby qu’il était marié, avait trois enfants : deux filles en âge de se marier et un fils, jeune homme qui poursuivait une carrière diplomatique dans le tiroir même où le Ministre d’État conservait ses notes. Sa Majesté restait en extase écoutant tout ce que disait la souris et de temps en temps elle tendait machinalement sa main pour prendre Pérez par la queue. Mais l’animal, avec une oscillation rapide et cérémonieuse, mettait sa queue de l’autre côté, déviant ainsi l’attention de l’enfant, sans manquer en rien au respect dû au Monarque. Cependant le temps passait et Pérez le souriceau fit comprendre au petit Roi qu’il devait le quitter car il avait à se rendre au 64 de la rue Jacometrezo (*) pour recueillir la dent d’un enfant très pauvre nommé Julio. Les parages y étaient très dangereux du fait de la présence d’un maître chat nommé Gaiferos.

Le Roi Buby voulut accompagner son nouveau compagnon. Pérez le souriceau, se lissant les moustaches, hésita un instant devant une telle responsabilité, puis vaincu par la vanité, il accepta. Ils décidèrent de se rendre d’abord au 8, rue Arenal (**), dans les sous-sols d’une fameuse épicerie dont le patron s’appelait Carlos Prats. Là, Pérez le souriceau avait installé son foyer en face d’une grande pile de fromage de Gruyère. L’enfant Roi s’apprêtait à mettre une petite blouse pour cette expédition nocturne mais le souriceau lui sauta sur l’épaule et de sa queue chatouilla le nez du petit garçon, ce qui le fit éternuer et …le transforma en un magnifique petit rongeur vêtu d’un splendide costume d’or et de soie et aux yeux verts et brillants comme deux émeraudes. Le Roi Buby dans les chemins empruntés habituels par les souris fut quelque peu effrayé et il se rappela ce qu’on lui disait toujours « la peur est naturel chez l’homme prudent, mais la savoir vaincre, c’est être courageux ». Ils arrivèrent bientôt chez Pérez qui le présenta à sa famille comme s’il s’agissait d’un touriste étranger visitant Madrid. Mais malgré cette charmante compagnie il fallut de nouveau repartir. Entre temps Pérez avait appelé à la rescousse un groupe d’amis rongeurs pour servir d’escorte au Roi qui lui faisait confiance avec une telle noblesse.

Tout de suite le Roi Buby comprit qu’était arrivé le temps du danger. Pérez le souriceau faisant vibrer le bout de sa queue, s’approchait tout doucement d’un trou, de souris, et brusquement prit la main du petit roi pour traverser à toute vitesse une cuisine et s’engouffrer dans un autre trou de souris, derrière le foyer. À la chaleur des flammes, dormait le terrible Sieur Gaiferos, l’énorme matou dont les moustaches en pointe montaient et descendaient en mesure au rythme de sa respiration tranquille. Les amis de Pérez le souriceau qui avaient pour mission de protéger la vie du Monarque, en étaient restés pétrifiés devant une scène aussi épouvantable durant laquelle leur petit souverain aurait pu être croqué.

Buby, Pérez et Julio

Le Roi Buby découvre ses responsabilités vis-à-vis de ses sujets

Il n’y avait plus désormais qu’à grimper jusqu’au dernière étage où vivait Julio. Arrivé dans la soupente qui abritait l’enfant, le Roi Buby se hissa sur le barreau d’une chaise défoncée et de là il put découvrir le taudis et une épouvantable misère qu’il n’aurait jamais imaginée.
Pérez le souriceau, prenant une fois de plus la main du Roi Buby, s’approcha de Julio. Ils virent le petit garçon qui dormait avec ses menottes toutes froides entourées de chiffons et sa petite tête enfouie dans le sein de sa mère, pour y trouver un peu de chaleur. Le cœur de sa Majesté se serra de peine et de surprise. Il se mit à pleurer amèrement. Pérez le souriceau était aussi ému par ce qu’il voyait et il essuya furtivement une larme. Puis il fit en sorte de calmer la douleur du Roi en lui montrant la brillante petite pièce d’or qu’il avait mis sous l’oreiller en échange de la première dent de Julio. Entre temps la maman de Julio s’était réveillée, le jour commençait à poindre. Elle contempla quelques instants son enfant, mais il lui fallait se lever pour aller gagner sa vie en lavant le linge à la rivière. Elle prit Julio dans ses bras, le mit à genoux, à moitié endormi, devant une petite image de l’Enfant Jésus de Prague qu’elle avait collée sur le mur. Sur le lit, le Roi Buby et Pérez le souriceau se mirent aussi à genoux avec le plus grand respect. Julio commença à réciter : « Notre Père qui êtes aux cieux… ».

Buby Ier resta dans les mémoires comme un roi qui avait été très ami des petits enfants pauvres et qui s’était engagé à protéger les souris. Il fonda une usine de poupées et de chevaux de bois pour les premiers et fut connu de tous pour avoir interdit avec sévérité l’usage des pièges à souris.

Quand le roi Buby devenu un très vieux monsieur mourut et que sa bonne âme arriva à la porte du ciel, il s’agenouilla et dit comme toujours : « Notre Père qui êtes aux cieux… ». Et dès qu’il eut prononcé ces mots, les portes du ciel lui furent ouvertes par des milliers et des milliers d’enfants pauvres, desquels il avait était le Roi, c'est-à-dire le grand frère, là-bas sur terre.

Notes de traduction

(*) Rues bien connues du centre de Madrid non loin de la Puerta del Sol et de la Gran Vía.
(**) L’Ordre de la Toison d'or est un ordre de chevalerie créé par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et dont le roi d’Espagne en est le grand maître pour la branche espagnole.

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Notes complémentaires

Ce conte reprend une tradition espagnole comme celle de la Petite Souris que nous pratiquons en France. L’histoire particulière du nommé Pérez le souriceau, a été écrite par Luis Coloma Roldán (1851-1915), plus connu sous le nom de Père Coloma, un prêtre jésuite né à Jérez de la Frontera (province de Cadix, Andalousie) où son père exerçait la profession de médecin. Ce religieux fut également journaliste et écrivain (contes, mais aussi romans). En 1908 il fut admis à l’Académie Royale Espagnole. Deux de ses œuvres littéraires ont été adaptées avec un énorme succès à l’écran dans les années 1950 : « Pequeñeces » une satire d’une certaine haute société madrilène de la fin de XIXème siècle, une période déjà bien matérialiste et en perte de valeurs morales, ainsi que « Jeromín », un film formidable pour toute la famille, qui racontait l’enfance de petit paysan du demi-frère de Philippe II d’Espagne, le futur Don Juan d’Autriche, vainqueur de Lépante.

Le Père Coloma avait fait paraître l’aventure de Pérez le Souriceau dans un premier recueil de contes en 1902, mais elle avait d’abord était écrite pour le Roi d’Espagne Alphonse XIII (1886-1941), quand il était tout enfant. Elle prend donc une dimension encore plus particulière…en nous rappelant aujourd’hui des principes qui restent d’actualité, mais que nous avons voulu ou que l’on a voulu nous faire oublier.

Pérez le souriceau est devenu un héros de bandes dessinés et de dessins animés longs métrages argentino-espagnols récents même si le personnage original a quelque peu évolué. Un petit musée lui est néanmoins consacré et une plaque orne désormais « la maison où il a vécu », rue del Arenal à Madrid (voir ici)

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J’ai effectué ce résumé en français à partir du petit livre, « La increíble historia del ratón Pérez » (2003), illustrée par Paula B.Puppo, adapté du conte du Père Coloma, par le Père Jorge López Teulón qui ne nous est pas inconnu pour, notamment, son remarquable travail d’historien sur les catholiques martyrs sous la Sde République Espagnole (en vente ici: www.bellasartesreligiosas.com).
Ce que l’on sait moins c’est que le Père Jorge, outre son sacerdoce dans l’archidiocèse de Tolède, soutient au Guatemala, à San Miguel Dueñas, où d’ailleurs il sera pour Noël m’a-t-il dit, un foyer d’accueil de tout petits (notamment de nombreux handicapés et en particulier trisomiques qui trouvent difficilement une possibilité d’adoption) tenu par des religieuses espagnoles, « Hogar Nido Jesús Niño ». La vente de l’ouvrage contribue donc à aider cette institution.

La Mère Betsabé Rodríguez Varela, directrice du foyer, a préfacé l’ouvrage ainsi:
(Ma traduction. Les mots en gras sont ceux du texte original)

Si en réalisant une innocente distraction d’enfant, l’on suscite en plus un enseignement, en fin de compte nous pourrons aussi définir et interpréter dans l’âme des petits une leçon doctrinale. Dans ces pages où le mérite d’un sympathique souriceau, avec art et ingéniosité, appelle à un élan de la conscience, à travers une aventure imaginaire mais chargé de réalisme social, on voit s’accomplir ces trois prémisses, qu’on réclame toujours aujourd’hui, la justice et la solidarité dans une société et dans un monde où le plus faible et le plus petit continuent à ne pas recevoir la protection et l’affection du grand frère et du plus favorisé.

D’un saut de souris, quand le diadème royal cesse de serrer les tempes du roi et, dépouillé de ses habits de souverain, il descend et grimpe par les ruelles humides et sûrement peu sûres, et il arrive serrer l’autre main d’un frère qui souffre de douleur et de pauvreté, et il arrive aussi à découvrir une prière commune en desserrant les lèvres des uns et des autres vers un même Dieu paternel.
Et c’est le même cas, depuis la fenêtre branlante de ce Foyer pour Enfants dans le besoin de la Mission du Guatemala, après avoir examiner de nouveau avec notre petit doigt les lignes de ce conte ; les yeux maintenant portés vers cet horizon lumineux où nous savons que tu existes et que tu vis en ciselant des fantaisies et en assumant des réalités, unis dans les traditions et dans les espoirs, nous avons prié le même Dieu et notre Père pour ce même rêve qui nous enlace, pour ce même sentiment solidaire d’amour fraternel, de généreux devoir et de conviction chrétienne. (original ici).

Enfin j’ai découvert grâce à Internet que ce centre recevait aussi l’aide financière directe de l’association toulousaine Mayachicos. (enfants maya). Voir aussi: http://mayachicos.over-blog.com
Sur son blog, on peut lire plein d’informations en français et voir beaux témoignages et photos.

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