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Marie-Christine a retrouvé ce beau texte du Père Jean-François THOMAS, s.j. , qui était paru sur France Catholique en 2005, au lendemain de l'élection. (18/5/2012)

Le lien vers l'article est "mort". Mais il mérite vraiment une seconde vie!

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Seule une vue macroscopique de l’Histoire peut conduire à une analyse objective des résultats d’un concile. …. Ce qui importe est le bilan dans une vision large et distante, bilan qui subsiste malgré les manifestations inévitables de crise, mais bilan qui n’est rendu possible que par l’analyse critique et sans complaisance des « facteurs négatifs incontestables très graves et dans une grande mesure inquiétants ».


     


Benoît XVI, bête de somme--
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Comme le cardinal Joseph Ratzinger le raconte, en conclusion de son ouvrage “Ma Vie, Souvenirs ( 1927-1977) » (1), parmi les symboles de ses armoiries épiscopales, figure l’ours que l’évêque saint Corbinien força à porter la charge de son cheval, que la bête avait tué, jusqu’à Rome. Le cardinal théologien explique alors, dans son attachement à saint Augustin, comment ce dernier se considérait comme un « iumentum », une bête de somme, ployant sous la charge épiscopale. Comme le célèbre Père de l’Eglise, et comme l’ours de saint Corbinien, le cardinal allemand se considère comme le mulet chargé du joug de Dieu, près de son Maître, et ceci pour toujours. Il terminait en ignorant non seulement quand il obtiendrait son congé de la Ville éternelle, mais que, jusqu’à la fin de sa mission, il resterait la bête de somme du Seigneur.

Le Saint-Esprit et le collège des cardinaux, en le conduisant sur la chaire de saint Pierre, le confirme dans cette tâche de portefaix. L’humble génie du cardinal Ratzinger, sa persévérance à porter des poids que ses plus acharnés critiques auraient bien du mal à soulever même à plusieurs, continueront à habiter le pape Benoît XVI. Les attaques mesquines et injurieuses dont il est sans cesse l’objet, au sein même d’une partie du clergé, des « intellectuels » et de la presse catholique, n’ébranleront point ce roc institué par le Christ. Comme cela fut aussi le cas durant le pontificat du pape Jean-Paul II, les essais, manipulateurs ou naïfs, de classer le Souverain Pontife, l’ancien et le nouveau, dans le parti des conservateurs rigides (l’adjectif suivant nécessairement le substantif), risquent bien d’être aussi vides que des bulles de savon éclatant au soleil de la vérité.
Vouloir expliquer le parcours de la « Bête de somme », du progressisme de l’époque conciliaire à une attitude réactionnaire de plus en plus marquée à partir des années soixante-dix, serait vain. Le même reproche avait atteint d’autres théologiens éminents, comme les cardinaux Henri de Lubac et Hans Urs von Balthasar. Les revirements ne sont pas le pain quotidien d’esprits aussi éminents. Il serait plus fructueux de déceler en quoi la continuité, éclairée en permanence par de nouveaux acquis et par une connaissance de plus en plus approfondie de l’héritage du passé, est en fait la lame de fond. Ceci transparaît constamment dans les divers écrits du cardinal Ratzinger, d’abord comme théologien professeur, puis comme archevêque, et puis enfin comme préfet de la Congrégation de la Doctrine de la Foi. Une preuve, parmi beaucoup d’autres, en est le chapitre sur le bilan de l’époque post Vatican II dans l’ouvrage « Les Principes de la Théologie Catholique. Esquisses et Matériaux ». (2)

Seule une vue macroscopique de l’Histoire peut conduire à une analyse objective des résultats d’un concile. En attendant, la vision microscopique, lorsque l’événement est encore trop proche de nous, est seule possible. Et le Cardinal de citer, par exemple, la réaction de saint Grégoire de Naziance appelé par l’empereur à participer à une seconde session du Concile de Constantinople en 382 : » Pour dire la vérité, je considère qu’on devrait fuir toute assemblée d’évêques, car je n’ai jamais vu aucun Concile avoir une issue heureuse ni mettre fin aux maux », ou encore saint Basile de Césarée, ami du précédent, parlant de façon encore plus sévère du » vacarme indistinct et confus », et de la « clameur ininterrompue qui remplissait toute l’église » lors du même Concile. Et à y regarder de près, le constat est valable pour tous les conciles sans exception. Ce qui importe est le bilan dans une vision large et distante, bilan qui subsiste malgré les manifestations inévitables de crise, mais bilan qui n’est rendu possible que par l’analyse critique et sans complaisance des « facteurs négatifs incontestables très graves et dans une grande mesure inquiétants ». Celui qui essaie de mettre à plat de telles conclusions « est vite taxé de pessimisme et exclu par là du dialogue. Mais il s’agit ici tout simplement de faits empiriques, et se trouver dans la nécessité de le nier dénote déjà non plus un simple pessimisme mais un désespoir secret. »
A chaque fois qu’il aborde un problème théologique dans la crise contemporaine, le cardinal Ratzinger l’éclaire par l’histoire passée, analyse les causes de l’évolution et propose toujours une vraie réponse à apporter dans la lumière de la Tradition. Lorsque par exemple il souligne que sur le Concile Vatican II « a soufflé quelque chose de l’ère-Kennedy, quelque chose de l’optimisme naïf du concept de la grande société », ce n’est point pour le rejeter mais pour en purifier l’application. Ce qui est lumière ne peut être approché et appréhendé que par la vision macroscopique : « Il est nécessaire, écrit-il, de redécouvrir la voie de lumière qu’est l’histoire des saints, l’histoire de cette réalité magnifique où s’est exprimée victorieusement au long des siècles la joie de l’Evangile ». Il n’est donc pas étonnant qu’il ait tellement souligné la présence des saints dans l’homélie de la Messe de son intronisation, invitant ainsi à une foi non pas triomphaliste mais rayonnante et courageuse, bien loin des peureux et lâches repliements que certains attribuent à tort au Concile Vatican II. Aussi refuse-t-il les enthousiasmes simplificateurs qui trahissent la réalité en refusant de la regarder en face et qui font fi de l’histoire et de la Tradition. Rien n’est donné a priori comme lumière sans effort de notre part. Tout dépend « des hommes qui transforment la parole en vie ». Nous ne sommes plus ici au sein d’une lutte de chapelles entre dits progressistes et conservateurs. Ce qui importe est qu’il y ait des bêtes de somme fidèles, non récalcitrantes, qui se donnent totalement dans l’humble tâche, sans peur des coups et des mauvais traitements.
Benoît XVI a crié, dés le début de son pontificat sur la place Saint Pierre, que « l’Eglise est vivante ». Il vaut la peine d’être à sa suite, un mulet, un ours, une bête de somme, pour maintenir cette vie, l’enrichir et la transmettre au monde en état de déréliction.
Jean-François Thomas S.J, Manille


(1) Fayard, 1998 p.142-144
(2) Téqui, 1982, p.410 et suivant