Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Rencontre des familles

Toscane

Accord avec la FSSPX

Anniversaires

Interviewe de Martin Mosebach, publiée sur le quotidien catholique allemand Die Tagespost (15/4/2012)

La réforme de la liturgie, "foi" et "raison" sont-ils vraiment les maître-mots du Pontificat, souci de Benoît XVI de montrer que l'Eglise est toujours la même, interprétation du Concile et correction de l'imprécision de certains de ses documents, influence politique de l'Eglise, et "dé-mondanisation".
Telles sont les questions que l'intellectuel allemand Martin Mosebach (1) aborde dans cette interviewe publiée sur le quotidien catholique allemand Die Tagespost .

Texte original en allemand: http://www.die-tagespost.de
Traduction VB.

Martin Mosebach

dans son bureau de son appartement de Francfort (photo AFP)

     



«Benoît XVI est le grand anti-modèle de l'intellectuel moderne»
L'écrivain de Francfort et lauréat du Prix Büchner (du livre) Martin Mosebach est l'uns des avocats les plus éloquents des efforts du Pape pour réformer la réforme liturgique. A l'occasion du 85e Anniversaire de Benoît XVI, lundi prochain, il décrit dans une interviewe l'image qu'il se fait du pontife d'origine allemande.


Par Regina Einig
-------------------

- Martin Mosebach, le Saint-Père incarne-t-il, à vos yeux le «non-conformisme des intellectuels modernes» (Nicolas G. Dávila)?
- Avec son combat contre le relativisme, le Saint-Père montre qu'il est le grand anti-modèle des intellectuels modernes, mais il a aussi un côté étonnamment moderne: les catholiques tant conservateurs que progressistes peuvent être également étonnés de voir avec quelle facilité il a dit adieu à l'ère constantinienne (ndt: sans doute allusion à l'Eglise constantinienne , où la religion, se confondait avec le pouvoir politique); oui, cet abandon a été pour lui le bienvenu.
Je devine aussi chez Benoît XVI une confiance dans le discours scientifique, ce que je ne me permettrai pas.

- Le Pape Benoît XVI était déjà avant son élection comme successeur de Pierre, un éminent scientifique. Néanmoins, l'attitude envers lui de nombreux théologiens de langue allemande est plus froide que dans d'autres pays. Ce phénomène peut-il être expliqué rationnellement?
- La théologie catholique allemande est encore sous la fascination de la théologie protestante du 19e siècle et du 20e Siècle. Cette influence se fait par opposition, ou par imitation de cette dernière. Il n'est donc pas surprenant qu'un Pape qui, justement en tant qu'allemand, abandonnent certaines des conquêtes récentes de la théologie protestante, soulève de grands désordres.

- Si vous passez en revue les communications de Joseph Ratzinger sur les questions liturgiques, remarquez-vous un changement dans sa manière de penser?
- Joseph Ratzinger s'est toujours distingué de ses contemporains par le fait qu'il possédait une conscience aiguë de la centralité de la liturgie. La liturgie n'a jamais été pour lui seulement un accessoire, mais au contraire une représentation nécessaire et liante de la foi et de l'Église. Mais sans aucun doute, il lui est devenu de plus en plus clair au cours de sa vie que le rituel est quelque chose de concret, que la forme concrète est la caractéristique inaliénable du rite et que la vénération de cette forme concrète est la seule façon appropriée d'utiliser le rite.

- Avec la publication du motu proprio Summorum Pontificum, le Pape Benoît XVI a tendu la main aux croyants attachés à la liturgie traditionnelle. D'autres mesures pour la réforme de la réforme liturgique sont-elles nécessaires? Ou bien, pour l'instant, une période de développement tranquille est-elle suffisante?
- Le Saint-Père lui-même a exprimé la nécessité de mesures supplémentaires pour réformer la réforme, en affirmant que le rite de Paul VI et le rite traditionnel étaient deux formes du même rite. Au moins dans la pratique, ceci est moins une description de l'état des lieux qu'un objectif; si le rite ordinaire et le rite extraordinaire devaient devenir deux formes du même rite, alors le rite ordinaire nécessiterait des modifications importantes. Au sommet de cela se trouve quelque chose de très simple, qui se passe de mots, un élément qui dans la réforme du Pape Paul VI n'a pas nécessairement été envisagé: l'orientation de la célébrations. Ce n'est que lorsque le rite ordinaire célébrera à nouveau orienté vers l'orient et vers la Croix, que les possibilités d'interpréter la célébration comme une simple repas de fête, seront éliminées sans équivoque.

- Quelle est l'importance attachez-vous à la question de savoir si le Pape lui-même célébrera la messe traditionnelle?
- Le Saint-Père a une grande résistance, il oeuvre inlassablement pour le salut du rite catholique, il peut donc sembler ingrat de vouloir lui en demander encore plus. Mais c'est bien sûr évident: les images d'une messe dans le rite extraordinaire, célébrée par le Pape, aurait un impact plus important que beaucoup de mots.


- D'après vous, est-ce qu'une décision du Pape serait souhaitable dans le débat difficile entre Rome et l'Allemagne - sur ce qui concerne la traduction des paroles qui accompagnent la consécration - un mot d'autorité du Pape est-il souhaitable?
- On ne peut pas s'empêcher d'éprouver l'impression d'un certain manque de sérieux, si l'on suit le débat prolongé entre les évêques allemands et Rome sur la question de la traduction correcte des paroles de la consécration. Tous les arguments ont été échangés plusieurs fois, l'unicité philologique de la version désirée de Rome n'est plus scientifiquement à remettre en cause et l'ensemble des pays anglo-saxon a accepté la traduction de « pro multis » par «pour beaucoup». L'Eglise en Allemagne croit-elle sérieusement être autorisée à utiliser un missel différent du monde anglophone? Je suppose qu'en fin de compte, une décision claire sera inévitable.

- Beaucoup de croyants voient dans le sujet «foi et raison», le leitmotiv de ce pontificat. Partagez-vous ce point de vue?
- Le thème de la foi et la raison est aimé dans les feuilletons, il correspond au type de débats théoriques non-contraignants qui, dans les cercles éloignés de la religion, sont encore accessibles. Je pense au contaire que le véritable thème de ce pontificat est de corriger l'impression dangereuse que l'Eglise, après le Concile Vatican II, était devenue quelque chose de fondamentalement différent. Je vois comme principale préoccupation de Benoît XVI de montrer que l'Eglise est toujours le même, qu'il n'y a pas de rupture dans son développement, mais qu'au contraire ses points de vue se développent harmonieusement.

- Le cardinal Karl Josef Becker a récemment affirmé que le Concile Vatican II, après cinquante ans, n'a pas encore été bien compris. Dans quelle mesure le successeur de Pierre peut-il influencer la réception du Concile aujourd'hui?
- La difficulté de comprendre le Concile Vatican II vient en partie des documents du Concile eux-mêmes, qui n'ont pas toujours été écrits avec la clarté souhaitable, mais nécessitent une interprétation doctrinale. Le Saint-Père a déjà commencé à s'atteler à cette tâche en tant que cardinal et préfet de la Congrégation, il a précisé, par exemple, dans le document «Dominus Jesus» l'enseignement sur la nature de l'Église, qui était resté vague dans les documents conciliaires. Les Pères conciliaires ont également négligé de justifier avec soin et de manière argumentée et détaillée la rupture avec les enseignements de beaucoup de Papes, qui était contenu dans le document sur la liberté religieuse. Bien que cette rupture avec la tradition ait de bonnes raisons, encore faut-il qu'elle soit définie avec l'autorité du Pape.

- Sans cesse, on nous dit que l'influence politique de l'Eglise, sous ce pontificat, a reculé par rapport à ce qu'elle était sous celui de Jean-Paul II. Y voyez-vous une conséquence de l'exigence de détachement du monde (dé-mondanisation) de Benoît XVI?
- L'influence politique du Pape Jean-Paul II était en relation avec son combat contre le communisme. Nous vivions à l'époque dans un monde plus simple, divisé par une frontière Est-Ouest bien gardée. La situation actuelle est beaucoup moins claire, et les possibilités d'influencer beaucoup plus difficile à évaluer. Les frontièrent ne courent plus seulement entre les pays, mais divisent les pays eux-mêmes et parfois même les esprits. Quelle est l'influence politique du Pape aujourd'hui, nous ne serons peut-être en mesure de l'évaluer que longtemps après son pontificat.
Je n'envisage pas la recherche de "dé-mondanisation" du Pape comme une exigence d'abstinence politique de l'Église. Le détachement du monde, c'est avant tout que l'Eglise ne soit pas imbriquée comme dans une natte dans des institutions laïques, mais qu'elle puisse de manière indépendante et de l'extérieur adresser ses demandes à la société.

- La guerre et la paix ont provoqué de la part de tous les Papes du XXe siècle des réactions fortes. La société sécularisée attend-elle aussi cela de Benoît XVI, en cette période de paix mondiale incertaine et fragile?
- Le Pape doit toujours s'engager pour la paix, et il le fera toujours, même si cela peut renforcer l'incompréhension chez les non-chrétiens. La paix politique est le bien moral le plus élevé des chrétiens. Mais d'un point de vue religieux, l'opposé de la paix, n'est pas la guerre, mais le péché. Puisque très souvent, face aux deux parties belligérantes, le Pape doit prendre en compte les conditions de vie des chrétiens des deux bords, les rappels de la paix restent souvent très prudents et diplomatiques. Mais les Papes ont toujours utilisé leur capacité à agir en coulisses pour soulager la souffrance induite par la guerre.

- De quelles questions de foi souhaiteriez-vous discuter avec le Saint-Père?
- J'aimerais qu'il m'instruise sur la résurrection de la chair.

- Saint Augustin a encouragé les croyants à ne pas se plaindre de leur époque. «Laissons-nous bien vivre, et l'époque sera bonne!» Nous sommes l'époque: comme nous sommes, l'époque sera », dit-il dans un sermon. Que peut tirer de cela la sagesse d'un chrétien mature?
- La seule chose dont un chrétien doit se plaindre, c'est de lui-même; j'avoue que c'est un principe très difficile à suivre.

Note

(1) Voir ici (http://benoit-et-moi.fr/2010-II/) la traduction d'une interviewe accordée au Süddeutsche Zeitung , qui donnait cette brève notice biographique:
Martin Mosebach est né en 1951 à Francfort. Avant de devenir écrivain, il a étudié le droit. Les medias le considèrent comme un réactionnaire, à la fois du point de vue politique et religieux, surtout à cause de son livre "L'hérésie de l'informe" (ndt: traduit en français ici) en 2007, dans lequel il prétend au retour du rite antique. "Seul celui qui croit à genoux croit vraiment", dit un passage du livre. Depuis la sortie du livre, Mosebach catalyse la chronique allemande comme peu d'auteurs...

-> Voir aussi cet article publié par Vatican Insider, et traduit par Belgicatho, à la veille du voyage en Allemagne. (http://belgicatho.hautetfort.com)