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Grande nouvelle pour les féministes, non? Article de Lucetta Scaraffia dans l'OR (10/5/2012)



Lu sur Radio Vatican:

Plusieurs décrets de la Congrégation pour la Cause des Saints ont été promulgués ce jeudi (10 mai 2012) au Vatican.
Benoît XVI a inscrit dans le catalogue des saints Hildegarde de Bingen, bénédictine allemande du XII° siècle, mystique et femme de lettres, musicienne et compositeur. Son culte liturgique est étendu à l’Eglise universelle.


* * *

On se souvient qu'en septembre 2010, Benoît XVI, débutait le cycle de ses catéchèses sur les figures féminimes du mysticisme médiéval (cf. Le Pape s'adresse aux femmes, benoit-et-moi.fr/2010-III/), et en avait consacré deux ([1] et [2] )à la grande mystique et intellectuelle rhénane: cf. benoit-et-moi.fr/ete2010).

Comment ne pas penser aux religieuses américaines rebelles, lorsqu'il disait:

Avec l'autorité spirituelle dont elle était dotée , dans les dernières années de sa vie, Hildegard se mit en chemin malgré son âge avancé et les conditions pénibles des voyages, pour parler de Dieu aux gens. Tous écoutaient volontiers, même quand elle usait d'un ton sévère : ils la considéraient comme un messager envoyé par Dieu. Elle rappelait surtout les communautés monastiques et le clergé à une vie conforme à leur vocation .
En particulier, Hildegard s'opposa au mouvement Cathare allemand.
...
Elle leur reprocha âprement de vouloir subvertir la nature même de l'Église , en leur rappelant qu'un véritable renouveau de la communauté chrétienne ne s'obtenait pas tant par le changement des structures , que par un sincère esprit de pénitence et un chemin de conversion actif.
C'est là un message que nous ne devons jamais oublier
.

Lucetta Scaraffia (cf. La vie dans un regard) ne pouvait manquer de consacrer un article à ce grand évènement dans l'OR.

     



La canonisation d'Hildegarde de Bingen
Une grande intellectuelle

Lucetta Scaraffia
(Texte en italien, ma traduction)

Hildegarde de Bingen a finalement été proclamée sainte par l'Eglise après des siècles où, à partir du moment de sa mort, elle a été vénérée en tant que telle, notamment au sein de l'Ordre bénédictin à laquelle elle appartenait. Sa figure majestueuse et complexe se détache dans le panorama d'un siècle troublé, comme le fut le XIIe, où sa présence sage et prophétique joua un rôle très important, certes inédit pour une femme.
Religieuse, abbesse, et fondatrice de deux nouveaux monastères, par la suite dirigés par elle d'une main ferme, dès l'enfance, elle fait l'expérience de visions mystiques, a le courage de rendre publiques ses visions prophétiques - elle écrira à l'empereur Frédéric Barberousse, «Tu te comportes comme un enfant» - et d'écrire, à côté de livres sur le mysticisme et la théologie, également des textes sur la médecine et l'analyse des phénomènes naturels, l'univers et les êtres humains, en proposant des solutions nouvelles et des intuitions inédites.
Forte de la la certitude d'être porteuse du message divin, elle se consacra aussi à la prédication, voyageant à travers différentes régions d'Allemagne, et même parlant dans les églises. Elle exhorte les Papes à la réforme, les critiquant sévèrement, expliquant que l'Esprit Saint parlait à travers elle - une femme - parce que l'Eglise, conduite par des hommes, avait trahi à bien des égards sa nature et sa mission.
Dans sa vision prophétique, réalité humaine et réalité divine sont une seule et même réalité, garantie par l'amour que la femme sait incarner. Elle voit et décrit Dieu comme une «lumière vivante», une lumière qui fait également partie de l'être humain: elle-même se définit «ombre de la lumière vivante».
Il n'est donc pas surprenant que l'historiographie et la théologie féministe se soient dédiées avec beaucoup d'engagement à la découverte de ce personnage, et que le CD de ses musiques - Hildegarde était aussi un bon compositeur de musique sacrée - se retrouvent dans les bibliothèques féministes du monde entier, et pas seulement religieuses.

La mystique rhénane est la preuve que dans la culture chrétienne, il était possible pour une femme - évidemment exceptionnelle - de produire de la haute culture et d'être entendue par les puissants. Benoît XVI dans les réflexions consacrées aux figures féminines du Moyen Age (cf. Le Pape s'adresse aux femmes) a voulu lui consacrer deux discours, et s'est inspiré d'Hildegarde pour déclarer que «la théologie peut recevoir une contribution spéciale des femmes parce qu'elles sont capables de parler de Dieu et des mystères de foi avec leur intelligence et leur sensibilité particulières».

La canonisation proclamée aujourd'hui, vient ainsi confirmer l'importance qu'il attache à cette femme, laquelle a uni à ses qualités de mystique les caractéristiques d'une véritable intellectuelle de son temps. Tellement exceptionnelle que pour retrouver une figure aussi riche du point de vue intellectuel - bien sûr en laissant de côté les deux grandes Thérèse, Maîtres du discours mystique - il faudra attendre une autre sainte allemande, Edith Stein

(© L'Osservatore Romano le 11 mai 2012 )