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Traduction du dernier chapitre du livre hommage à Benoît XVI d'Andrea Monda (13/5/2012)
"Benedetta umiltà. Le virtù semplici di Joseph Ratzinger"

La photographie de couverture m'est très chère, c'était en juillet 2007, alors que le Saint-Père était en vacances à Lorenzago di Cadore, et... j'y étais! (promenade du 23 juillet à Domegge, sur les rives du Lac de Pieve di Cadore, photos de Spaziani)

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Nous avons déjà rencontré dans ces pages le livre d'Andrea Monda ""Benedetta umiltà. Le virtù semplici di Joseph Ratzinger"".
Je viens de le recevoir.
Je traduis ici le dernier chapitre. Il fait écho au chapitre d'ouverture qui commence par les mêmes mots:

Mardi 19 Avri 2005, à 17:44 Place Saint-Pierre, nombril du monde.
La fumée est blanche.
J'y étais.

L'auteur explique alors les circonstances de sa présence.
Il accompagnait un groupe d'étudiants d'une université américaine ayant une antenne à Rome, auxquels il faisait un cours (il s'en amuse!) intitulé "Aspects de l'Eglise contemporaine".
Et il précise: "j'avais expliqué en classe, à mes étudiants américains, combien le nom de Ratzinger ne pouvait être celui d'un papabile crédible"!

Comme chacun sait, la prédiction est un art difficile...
L'ensemble du livre est inspiré par les premiers mots prononcés au balcon de Saint-Pierre par le nouvel élu:

"I signori cardinali hanno eletto me, un semplice e umile lavoratore nella vigna del Signore".

C'est le mot "humble" qui donne son titre au livre et lui sert de fil conducteur.

     



Mardi 19 Avri 2005, à 17:44 Place Saint-Pierre, nombril du monde.

La fumée est blanche.
J'y étais.
Mais ce n'était pas la première fois que je rencontrais «en vrai» Joseph Ratzinger. Quatre ans plus tôt, le 9 Septembre à 9 heures (facile à retenir: 9, 9, 9.00) dans le Palais du Saint-Office, je me rendais avec mon cousin Giovanni Locanto pour un rendez-vous avec le Cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

J'avais obtenu cette rencontre parce que l'année précédente, j'avais eu l'occasion d'entrer dans ce bâtiment pour réaliser un portrait photographique du Préfet, qui, signe de sa remarquable disponibilité, s'était laissé photographier par mon ami Marco Delogu qui devait publier avec moi, peu de temps après, le livre «Cardinali» (éditions Bruno Mondadori) contenant 50 portraits en noir et blanc d'autant de «princes de l'Eglise» (1).

A cette occasion, nous avions parlé pendant quelques minutes, puis nous nous étions écrits dans le courant de l'année; le cardinal au cours de l'été, m'avait envoyé son bref texte «pro manuscripto» sur «La théologie de la liturgie» et ensuite, quand je lui avais demandé une audience privée , il me l'avait accordée.

Mon cousin Giovanni venait de publier un court essai philosophique sur Giambattista Vico, un philosophe dont partait le théologien Ratzinger dans sa célèbre «Introduction au christianisme», et fut heureux d'assister à la rencontre (faisant l'hommage de son livre à notre hôte).
Lorsque sonnèrent 9 heures, la porte du salon du Saint-Office s'ouvrit et c'est le Préfet qui l'ouvrit. Devant nous apparut un petit homme (??) à la voix douce et aux manières aimables qui nous invita à nous asseoir sur le canapé en velours rouge. Nous avons parlé pendant environ 20 minutes, de philosophie, bien sûr, mais aussi de littérature. J'essayai d'amener le discours sur certains auteurs que je connais bien, GK Chesterton et CS Lewis, deux auteurs anglais (que avons rencontrés à plusieurs reprises dans les pages précédentes) qui étaient à la fois très drôle et très spirituels dans le dialogue avec la société moderne, essayant de raconter le mystère de l'homme et du monde. J'ai compris immédiatement que mon interlocuteur en savait, sur ces écrivains, beaucoup plus que moi, non seulement il en connaissait la «lettre», mais il avait saisi l'essence:
« Ils sont grands, ces écrivains anglais», dit-il, citant quelques titres d'ouvrages majeurs des deux auteurs, «car ils peuvent parler de thèmes hauts et profonds, mais avec légèreté, avec un sens exquis de l'humour. Ils parlent ainsi des grandes questions de la foi, mais de manière simple, aiguë, abordable. Ils sont des exemples à suivre aujourd'hui».

Mais la chose qui m'a frappé, c'est non seulement la compétence avec laquelle il parlait, mais aussi son humilité. Je veux dire une façon de parler comme un vrai gentleman, qui ne fait pas peser sa culture, mais se met à l'écoute de son interlocuteur, à son niveau, quel qu'il soit, comme quelqu'un qui ne veut pas enseigner, mais apprendre. Je pensais encore une fois: «La marque de la grandeur de l'homme réside dans son humilité». Et c'est avec humilité que, pour conclure cette réflexion sur le grand mystère de l'homme qui est depuis 7 ans le Souverain Pontife et sur le mystère encore plus grand de l'humilité elle-même, je me fie aux paroles, auxquelles je souscris, d'un autre interlocuteur plus fameux que moi de Joseph-Benoît, Peter Seewald.

Lors de la première rencontre (2), il écrit:

«Enfin, la porte s'ouvrit, et vint à ma rencontre un homme d'apparence modeste, les cheveux très blancs, qui donnait une impression de fragilité; il marchait à petits pas [...] L'atmosphère de la rencontre a été intense et grave, mais parfois, ce "prince de l'Eglise" était assis sur sa chaise de façon si décontractée qu'on avait l'impression d'avoir affaire à un étudiant».

Plus de 10 ans plus tard, le rencontrant à Castel Gandolfo, Seewald ajoute:

«Mais avec Benoît XVI, on ne doit pas avoir peur. Il met son hôte complètement à l'aise . À certains égards, il n'est pas un prince de l'Eglise, mais un serviteur de l'Église, un magnanime, qui, en se donnant, se consumme totalement. Parfois, il regarde de façon quelque peu sceptique. Comme cela, au-dessus de ses lunettes. Et quand vous l'écoutez, assis côté de lui, vous percevez seulement la précision de sa pensée et l'espérance qui jaillit de la foi; mais devient visible d'une façon particulière cet éclat de la lumière du monde, le regard du Christ, qui désire rencontrer chaque homme, qui n'exclut personne».

Un prince de l'Eglise qui est en même temps un serviteur de l'Église, un simple et humble serviteur dans la vigne du Seigneur.
J'ai cité quelques éléments de notre brève conversation à trois du 9 Septembre 2001, mais je ne me souviens pas en détail de toutes les choses que nous avons dites.
Je me rappelle cependant, et je ne peux pas l'oublier, que sur le chemin du retour je pensais à sa gentillesse, à cette espérance qui jaillissait de ses yeux toujours en mouvement et à ses quelques mots précis, à ce regard doux avec lequel il suivait mon discours ému quelque peu incohérent, et ainsi, quand je suis rentré à la maison, en embrassant ma femme, je lui ai dit: «Tu sais, aujourd'hui, j'ai eu le sentiment d'avoir parlé face à face avec un homme bon, un saint» (3)


Notes

(1) Sandro Magister en parle ici: http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/7334

(2) En réalité, la première rencontre était antérieure, elle remonte à 1992, et il l'a racontée dans sa biographie Benedikt XVI, Ein Porträt aus der Nähe, parue en anglais sous le titre "Benedict XVI, an intimate portrait", cf. benoit-et-moi.fr/2008

(3) Relire cet article (déjà évoqué dans ces pages) de Jean Sevilla, datant de novembre 2001; il avait eu le privilège de rencontrer, à peu près à la même époque qu'Andrea Monda (c'était juste après les attentats du 11 septembre), le cardinal Ratzinger: www.jeansevillia.com/

Une heure en tête à tête avec le tout-puissant cardinal Ratzinger : le journaliste qui a eu ce privilège se rappelle pourtant la simplicité de son interlocuteur, la gentillesse de son accueil, son sourire, la profondeur de son regard aux yeux clairs et le timbre calme d’une voix s’exprimant dans un français parfait, ponctué de l’accent chantant d’un Allemand du Sud. De sa personne émanait un fascinant mélange de bienveillance humaine et d’altitude intellectuelle. A l’issue de l’entretien, le journaliste, qui ne pouvait savoir qu’il venait d’interviewer un futur pape, était sorti du Vatican avec un profond sentiment de paix.


(3 bis) En 2007, Peter Seewald donnait une interviewe à un site catholique espagnol (cf. beatriceweb.eu)
En voici un échange:

Question: Vous étiez assez sûr de son élection comme Pape.

Seewald: Non, pas vraiment, mais j'ai eu spontanèment une intuition très forte dans ce sens. Un jour, alors que j'étais au Mont-Cassin pour la préparation de "Voici quel est notre Dieu", au cours de la messe solennelle, j'ai entendu son homélie, en italien. Je n'ai rien compris, mais j'ai appelé ma femme et j'ai dit : "J'ai vu aujourd'hui le futur Pape". Pendant le conclave je me suis occupé avec beaucoup d'intensité de sa biographie, et j'ai eu la forte impression que sa vie n'avait pas encore atteint son objectif, que quelque chose l'attendait.

J'avais l'espoir et la certitude, non que le Pape allait s'appeler Benoît, mais bien qu'il allait s'appeler Ratzinger.