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L'ami du Pape, Marcello Pera, répond dans une tribune aux corbeaux et aux vipères (31/5/2012)

L'Esprit de Dieu peut-il avoir demandé à Benoît de faire quelque chose qui ressemble à présider un conseil des ministres pour trouver la meilleure organisation de l'institution vaticane?
C'est là une tâche réductrice, parce que c'est une tâche temporelle.
Un Pape n'est pas le gouverneur de la Curie, il est la Parole du Christ! C'est un apôtre, pas un politique! Un témoin de la vérité, pas un administrateur.




Hier, le Saint-Père en personne a virtuellement "zappé" les medias et leur rôle d'intermédiaires, en s'adressant directement au peuple chrétien (Vatileaks: Mise au point papale). Et il a mis en cause sans ménagement ces mêmes medias pour avoir diffusé des rumeurs qu'il a qualifiées d'infondées, donnant de la Curie une image complètement faussée.
Concernant les medias, il n'y a malheureusement pas que les rumeurs (les corbeaux). Il y a aussi, et même surtout les analyses (les vipères), surtout celles, particulièrement déloyales, de la presse catholique de chez nous (on notera que le Pape n'y est jamais attaqué frontalement, au contraire, on feint de respecter sa figure, parce qu'elle est effectivement au-dessus de toutes les attaques, et ce serait contre-productif)
Car les rumeurs, on peut les évacuer d'un haussement d'épaules entre amusement et mépris. Les analyses, surtout lorsqu'elles émanent de plumes autorisées, on va les lire avec respect, en croyant être informés.

Lisons donc (en diagonale, cela suffit) trois de ces plumes éminentes:

1. Isabelle de Gaulmyn (ici) titre L'Eglise, du centre à sa périphérie:

C’est l’histoire d’un échec. On l’a presque oublié, mais, au départ, la réforme de la Curie faisait partie du programme que s’était fixé Benoît XVI, lors de son élection.
...
En réalité, si la réforme de la curie a échoué aussi fortement, c’est qu’elle n’a pas été pensée dans le cadre plus large de l’Eglise universelle. Car quel est le problème du Vatican ? Etre le noeud de gouvernement d’une Eglise aux dimensions du monde, qui compte 1,2 milliards de fidèles.
..
La réforme de la Curie, dont l’urgence n’est plus à prouver, doit passer par une réflexion bien plus profonde des rapports entre le centre romain et sa périphérie.


2. Frédéric Mounier: La gouvernance du Vatican mise en cause (ici)

L’éviction brutale du « banquier du pape », puis l’arrestation du majordome de Benoît XVI, ont frappé le Vatican de stupeur.
Ces affaires mettent en lumière de graves dysfonctionnements internes, qui nuisent à la clarté du message pontifical.


3. JP Denis, la Vie (ici)

Hélas, le fonctionnement de l’Église catholique reste archaïque. Médiéval, dirait Hans Küng, le meilleur ennemi du pape. ... Le monde est mondialisé.
Pour diriger plus d’un milliard de catholiques, rien ne vaut l’autorité d’un pape. Mais, pour que celui-ci exerce valablement son magistère, une réforme profonde s’impose.
(...) dans une société ouverte, n’importe quelle autorité apprend à s’expliquer, à rendre des comptes, à entrer dans les débats d’idées. La Curie gagnerait à secouer sa gérontocratie, faisant confiance aux jeunes soucieux d’évangélisation. L’Église devrait aussi en finir avec les sujets tabous, les thèmes interdits parce que « définitivement » tranchés. Faire une place aux femmes à la tête de certains dicastères, l’équivalent des ministères dans un gouvernement, paraît la moindre des choses.

Il est dommage que ces gens, qui se présentent comme des experts de l'Eglise, et dont les deux premiers au moins sont ou ont été correspondants à Rome, écoutent aussi peu le Pape (ce qui serait quand même leur job!!!): or, celui-ci ne cesse de répéter, et c'est même la raison de l'année de la foi qu'il a décrétée, qu'aucun renouveau ne pourra naître d'un changement des structures: tout doit venir (et ne peut venir que) de la conversion intérieure.

* * *

En attendant qu'ils s'informent pour de bon, et pour éventuellement les y aider, voici les magnifiques arguments d'un ami du Pape, le sénateur Marcel Péra, bien connu dans ces pages (cf. benoit-et-moi.fr/2010-I/).
Il nous pose cette question: Pourquoi l'Esprit de Dieu a-t-il mis Benoît XVI là où il est?
Et les réponses à cette question répondent aussi à toutes les critiques sur le défaut de gouvernance que nous venons de voir étalées.
Expliquons le titre: la presse italienne a donné la parole aux corbeaux eux-mêmes et l'un d'eux a été jusqu'à la farce d'une vraie-fausse interviewe dans la Repubblica (cf. ici), prétendant qu'il voulait défendre le Pape et dénoncer la pourriture dans l'Eglise!!!

Il est faux que les corbeaux aident Ratzinger
(Source)
Marcello Pera

La chasse au corbeau vatican titille les instincts. Et malheureusement, quand les instincts se mettent en marche, la réflexion s'arrête. Au contraire, ce serait le moment de réfléchir un peu à tête froide.

La figure morale de Benoît XVI n'est pas en discussion: sa sérénité, sa parole lucide et ferme, jusqu'à son sourire qui semble triste même s'il ne l'est pas, sont la meilleure assurance à cet égard. Lui aussi est un roc, par la foi, les convictions, la culture, le tempérament. Ce qui est plutôt en discussion, c'est le sens historique, je dirais eschatologique, de son Pontificat. Pourquoi l'Esprit (pas un conclave, qui est une autre chose) l'a-t-il voulu là? Quel rôle lui a-t-il confié? Que lui demande-t-il, y compris avec le sacrifice de sa personne?

La cité de Dieu
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Une réponse pourrait être: l'Esprit de Dieu demande à Benoît XVI d'éliminer la pourriture de l'Eglise.
Ce ne peut pas être cela, la requête. Et pas parce que la pourriture doit être tolérée, mais parce qu'elle ne peut pas être éliminée, pas même de l'Eglise. C'est affirmé dans les Ecritures. Jésus l'avait dit et prédit. Saint Augustin l'avait théorisé au mieux de la doctrine chrétienne. L'humanité est une damnée: où que l'on se trouve, quoi que l'on fasse, elle est affecté de l'orgueil de la superbe, qui est le début de tous les péchés. Le désir de la gloire, la soif de pouvoir, la domination de la libido, c'est la nature de l'homme, celle d'après la Chute. Et cette nature est commune à tous, même aux membres de l'Eglise, car tant qu'elle est en pèlerinage, exilée et prisonnière en ce monde, la Cité de Dieu est composée de l'humanité de la cité terrestre. C'est pourquoi la vraie Eglise, celle des vrais croyants qui seront sauvés, est impénétrable, exactement comme le sont les intentions de l'âme humaine, même quand elle croit accomplir le bien sans autre fin. Il y en a certains, disait Augustin, que « la Cité de Dieu accueille en elle tant qu'elle est exilée en ce monde, parce qu'unis dans la participation aux sacrements, mais qui ne seront pas avec elle dans l'éternel héritage des saints. »
Et vice-versa, comme preuve du Mystère de la Grâce: « Parmi les adversaires de la Cité de Dieu se cachent de futurs citoyens d'elle».
Donc, la pourriture existe tant qu'il y a l'homme. Eliminer la première signifie éliminer le second, ou le transformer en un ange ou un saint, ce qui est possible, mais jamais en ce monde. Cette transformation, qui est le sens du christianisme, et la tâche de Dieu, et de chaque homme avec le secours de Dieu, mais pas d'un Pape.
Encore moins, l'Esprit de Dieu peut avoir demandé à Benoît XVI de gouverner la Curie. On l'entend souvent dire: c'est son devoir, il doit chasser les infidèles du Temple, il doit prendre des décisions. Et on lui reproche souvent: il se fie trop à ses collaborateurs, il ne prend pas de décisions drastiques, il n'intervient pas, il n'éloigne pas, il ne change pas, il ne s'aperçoit pas des pièges.
Certes, un serviteur infidèle doit être démis, un collaborateur inadapté peut être changé, le chef d'un bureau remplacé. Mais l'Esprit de Dieu peut-il avoir demandé à Benoît de faire quelque chose qui ressemble à présider un conseil des ministres pour trouver la meilleure organisation de l'institution vaticane? C'est là une tâche réductrice, parce que c'est une tâche temporelle. Un Pape n'est pas le gouverneur de la Curie, il est la Parole du Christ! C'est un apôtre, pas un politique! Un témoin de la vérité, pas un administrateur.

Quoi d'autre, alors? L'Esprit de Dieu a choisi Benoît XVI dans un moment sombre de l'humanité, en particulier en Occident. Il l'a choisi alors que le monde entier, et surtout dans ce qui a été le continent chrétien, l'humanité se perd, la civilisation se consume, la vérité s'affaiblit. Il l'a indiqué afin qu'il réveille nos consciences alors qu'elles sont égarées et inquiètes (inquitum cor nostrum).
Il lui a demandé d'être la Voix qui parle tandis que nos paroles se taisent. Il l'a appelé pour qu'il indique le Chemin qui est ouvert, alors que nos routes se ferment. Il ne peut pas l'avoir choisi pour autre chose. Il ne peut pas lui avoir demandé autre chose. Parce que toute autre chose serait mineure, inadéquate à donner un sens à notre trouble, et une espérance à notre misère.

Ce serait un péché d'orgueil de plus, de juger l'Esprit de Dieu. Mais il est difficile de nier que cette tâche de salut, Benoît XVI l'accomplit comme l'Esprit le lui demande.
Combien d'ironies et de méchancetés, sur son compte! Le Pape timide, le Pape réservé, le Pape intellectuel, le Pape écrivain.
Et pourtant, cet homme timide a pénétré dans tant de consciences; cette personne réservée a touché tant d'âmes; ce chercheur rigoureux a frappé tant d'esprits; et cet écrivain a trouvé tant de lecteurs, même ceux qui auraient dû être les plus lointains, les moins intéressés, les plus distraits. Et si ses arguments sont restés difficiles pour certains, son message s'est révélé clair, et apprécié par le plus grand nombre. L'Esprit de Dieu le récompense, parce que, à travers lui, il entend récompenser nous tous. A condition que nous ne soyons pas sourds et aveugles, et que nous voulions être récompensés.

Nos temps sont difficiles. L'Europe - pas l'Union européenne, l'Europe - risque l'écroulement, comme l'a subi une construction de loin plus sérieuse et puissante, l'Empire romain. La culture occidentale, avide de droits, perd le sens des devoirs, et de la source dont ils dérivent. Des hommes d'état, en Europe et en Amérique, montrent ne pas comprendre ce qui est en jeu, ou trichent au jeu. Et quand une civilisation ajoute une difficile crise matérielle à un épouvantable desséchement moral et spirituel, elle peut tenter d'en sortir par tous les moyens, même ceux, tragiques, que nous exorcisons quand nous récitons, à chaque occurrence de célébration rhétorique le «plus jamais ça».
Je le sais, ce que l'on réplique: que nous sommes vaccinés, que cette fois, nous ne nous jetterons pas dans les ténèbres. Non, nous ne sommes jamais saufs, nous restons toujours une masse damnée. C'est cela que l'Esprit de Dieu a demandé à Benoît XVI: que la damnation ait une espérance, et que nos ténèbres athées aient au moins une lumière. Et c'est ce qu'il fait bien, à notre bénéfice. Combien, au début, se moquaient de lui? Combien, aujourd'hui, se sont adoucis?

Vipères opaques
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Les corbeaux voleront encore. Les vipères ramperont encore. On ne fait pas le bien de Benoît XVI seulement en abattant (ou en faisant semblant) les premiers, et en étouffant les secondes. On fait le bien de nous tous si nous réfléchissons à la tâche que l'Esprit lui a confiée.
Peut-être que c'est cela que les corbeaux et les vipères, de celles opaques sous les feuilles, à ceux brillants sur les branches, veulent vraiment. Ils veulent que sa voix parle d'autre chose, que sa pensée soit occupée d'autre chose, que son attention soit concentrée sur autre chose. Qu'il se distraie, qu'il ne parle pas, qu'il ne nous rappelle pas. Ils pensent à eux, les corbeaux et les vipères, et ils ne réfléchissent pas qu'ainsi, un jour peut venir où ce ne sera pas une faction de la curie qui l'aura emporté sur une autre, mais nous tous, qui aurons perdu notre espérance.