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Réflexion sur la nomination de Gregory Burke comme "conseiller en communication" du Saint-Siège. (26/6/2012)

>>> Voir aussi:
Le Pape ne cherche pas à plaire aux medias

     



"Le Directeur de la Salle de Presse du Saint-Siège a confirmé que M. Gregory Burke (USA) assumera prochainement les fonctions de conseiller en communication de la Secrétairerie d'Etat: "Le rôle de cette nouvelle figure consistera - a déclaré le P. Federico Lombardi - à renforcer l'attention de la Secrétairerie d'Etat sur la communication, et à améliorer la liaison avec la Salle de Presse et les autres organes médiatiques dont dispose le Saint-Siège". (VIS)

La spécialiste-religion du Monde commente:

Avec la création de ce poste inédit, le Vatican semble prendre en compte les défaillances qui ont émaillé sa communication depuis plusieurs années. Des "améliorations" avaient été promises en la matière après des couacs liés à l'annonce de la réintégration des évêques intégristes, la gestion (!!) des scandales de pédophilie ou les déclarations de Benoît XVI sur le sida en Afrique. Mais rien n'avait été fait.

Le ton est donné (notons toutefois que la "gestion" des affaires de pédophilie n'a rien à voir avec une quelconque "communication", mais tout à voir avec l'attitude du clergé local - à replacer, toutefois, dans le contexte d'une époque - et à l'autre bout de la chaîne, à la malveillance des medias, NYT en tête)

Cela fait au moins sept ans - depuis que Benoît XVI est Pape, en fait, et cela avait commencé à prendre des proportions imposantes avec le discours de Ratisbonne - que les journalistes spécialisés, surtout de la sphère anglo-saxonne, du haut de leur condescendance de "pros", ironisent sur la "communication" du Vatican (très prolixe à ce sujet, John Allen avait utilisé une formule du genre "nous parlerons de leur communication... quand ils en auront une).
Personnellement, je n'ai jamais aimé le concept de "communication" tel qu'il est entendu aujourd'hui - il serait d'ailleurs plus approprié de parler de "relation avec les medias". On est là face à un magnifique exemple de "glissement sémantique". Certains journalistes, à propos de Gregory Burke, ont déjà parlé de "spin doctor", qui est le mot anglais à connotation péjorative utilisé pour désigner un conseiller en communication, et dont le rôle est très bien expliqué par l'éthymologie de l'expression:

«To spin, en anglais, signifie « faire tourner ». Spin fait donc allusion à l’« effet », comme celui que l’on donne à une balle de tennis ou à la façon de faire tourner une toupie ». En imprimant une torsion aux faits ou aux informations pour les présenter sous un angle favorable, les spin doctors dirigent donc l’opinion en lui fournissant slogans, révélations et images susceptibles de l’influencer, en mettant en scène les événements qui la réorientent dans le sens souhaité. En ce sens, leurs techniques d'influence proches du marketing commercial renouvellent les techniques de propagande classiques. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Spin_doctor)

Marketing, le mot est lancé. On est loin de l'"Annonce"...

D'autre part, le concept de communication implique un amalgame entre deux notions bien distinctes, comme l'a déjà souligné Georg Gänswein (par exemple ici benoit-et-moi.fr/ete2010): l'opinion publique, et l'opinion publiée. La première, c'est la perception que l'on peut avoir d'une personne ou d'un évènement à travers des faits correctement rapportés et non préalablement interprétés (et à cela, les outils de communication du Vatican, aujourd'hui très développés, sont parfaitement adaptés). La seconde est la perception de ces mêmes éléments après être passés par le filtre (malveillant, s'agissant de l'Eglise) des medias. Et cela, L'Eglise ne peut pas y remédier, puisque cela ne vient pas d'elle, et il est douteux qu'un conseiller professionnel puisse renverser la tendance.

Pour faire un exemple instructif, le Saint-Siège s'est doté récemment d'un portail Internet, www.news.va, utilisant les derniers outils technologiques, hyper-réactif, multimédial, multilingue, offrant un accès fluide à l'ensemble de ses medias, et capable de rivaliser - en mieux - avec ceux des grands organes de presse.
Il n'y a pourtant eu aucune amélioration dans sa perception par les medias (l'affaire Vatileaks en est la preuve ), tout simplement parce ceux-ci cherchent leurs informations ailleurs, et surtout que ce "présupposé de sympathie, sans lequel aucun échange n'est possible" est absent (1).

Il est important, ensuite, de rappeler que le Saint-Siège n'existe que pour aider le Pape a accomplir sa mission.
Et Benoît XVI n'a besoin de personne pour communiquer à sa place. Il a brisé les schémas habituels des medias, certes, mais sa communication directe, lorsqu'elle n'est pas obscurcie par les commentaires parasites est très efficace .
Rappelons ce qu'en disait en 2005 Jeff Israeli, ex-correspondant de Time à Rome (cf. Un homme pour une mission ):

"Un homme souvent décrit comme méthodique et contemplatif, - et même franchement timide - a créé un charisme à sa manière, qui défie notre société du 'paraître' du 'faire-savoir' et du 'm'as-tu-vu'."

Un échec récent et retentissant de la "communication", on l'a d'ailleurs eu en France avec la défaite de Nicolas Sarkozy (même si je ne compare pas!). Personne ne pourra dire qu'il n'avait pas de conseillers "en communication". Et pourtant, aucune des stratégies mises au point autour d'une table n'a fonctionné. Parce que derrière, il y avait un pouvoir qui fixe les règles de la "communication" mais qui est au-dessus, et qui avait décidé que Sarkozy devait être détesté.

On notera pour finir que c'est un journaliste américain qui a été nommé. Pas un italien, ce qui aurait été finalement plutôt logique (puisque la plupart des informations, les homélies et les discours du Pape, sont en italien): une façon de leur faire comprendre qu'ils ne sont pas des pros, et que la "communication" est la chasse gardée de l'univers anglo-saxon. Il s'agit sans doute de couper l'herbe sous le pied aux détracteurs, en les adressant à un de leurs pairs.

Cela justifiait-il que l'Eglise se rende aux raisons des medias qui, de toutes façons, c'est dans l'ordre des choses, continueront majoritairement à la détester?
Et n'y a-t-il pas le risque, comme l'écrivait l'éditorialiste de Corrispondenza Romana, (Crise du Vatican, ou crise de la foi?), qu'«à force de s'identifier avec le monde, et beaucoup moins avec le Christ, l'Eglise [ne] commence progressivement à penser comme le monde»

En conclusion, malgré tout: Bonne chance, Mr Burke! J'espère que vous allez réussir.

Note

(1) Je lis ici (mais je suppose que c'est repris ailleurs) ce commentaire d'un journaliste de l'AFP, qui est une illustration très éloquente de ce que je viens de dire:

Marco Politi, vaticaniste du journal Il Fatto Quotidiano s'est réjoui de la nomination de M. Burke, "un professionnel qui avec sa culture américaine devrait convaincre le Vatican que l'opinion publique a le droit de poser des questions et d'obtenir des réponses".
Mais pour cet expert, ce n'est pas avec un stratège en communication que le Vatican va résoudre ses problèmes : "Les soi-disant erreurs de communication sont en fait des problèmes de
méthode de gouvernement." Selon M. Politi, à Ratisbonne, le pape avait été averti de l'impact de sa phrase sur l'Islam mais avait quand même prononcé son discours.

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Autrement dit: on interroge Marco Politi, très à gauche, très hostile à la papauté. Et on en revient à la transparence ("l'opinion publique a droit à...") et aux problèmes de "gouvernement".
Comment un conseiller en communication, aussi génial soit-il, pourrait-il détricoter une tendance aussi lourde? (quoique pour la dernière phrase, je suis d'accord!)