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Prêtres en soutane

Castelgandolfo, août 2009 (photo Benoit-et-moi)

... et aujourd'hui, son retour. L'enquête de Jean Mercier, sur son blog Paposcopie. (29/6/2012, mise à jour en bas de page - après réflexion...)

>>> Article ici:
http://www.lavie.fr/

   





Du bon travail!
On peut juste déplorer qu'il ait fait l'impasse sur les abus qui ont suivi l'abandon de la soutane: après 1962, le col romain imposé par la circulaire-Feltin évoquée dans l'article a très souvent disparu (si j'en crois mes yeux...), et le débraillé vestimentaire a accompagné le délabrement spirituel et moral, les abus liturgiques, et les théologies déviantes (mais ceci est une autre question, et nous renvoie aux deux herméneutiques du Concile Vatican II, expliquées par Benoît XVI). Et s'il l'avait fait... il écrirait sans doute depuis longtemps dans un autre journal que La Vie!


Il y a 50 ans très exactement, le 29 juin 1962, année de l'ouverture du Concile, une circulaire du cardinal Feltin, alors archevêque de Paris, afin de tenir compte des évolutions sociétales (donc aller au devant du monde...) , mais non sans opposition au sein de l'Assemblée des évêques, autorisait les prêtres à porter « la tenue de clergyman (noir ou gris sombre), avec le col romain comme signe distinctif du clerc » .

L'article commence joliment par une allusion pleine d'humour, et même d'auto-dérision, à la figure toute blanche de notre Saint-Père (une blancheur dans laquelle je ne peux m'empêcher de voir une icône de sa pureté intérieure!):

J'écris souvent sur la pensée de Benoît XVI. Cette fois, j'ai envie de parler chiffons, ce qui est légitime pour un mercier... Ou, plus exactement de son bleu de travail, qu'il a endossé le 19 avril 2005 et qu'il n'a plus quitté. Le bleu est blanc, en la circonstance, et il fait heureusement écho à la chevelure éclatante du pape. Le pape est le seul prêtre à porter une soutane blanche, écho de la nouveauté introduite par Pie V, un dominicain qui décida de garder l'habit de l'ordre des prêcheurs.

Je me permets juste de faire observer que ce n'est est pas tout à fait exact, puisque «Le clergé des pays tropicaux porte, en ville, la soutane blanche avec filetage et boutonnage noir, violet, cramoisi ou rouge. Pour les jours ordinaires, il peut aussi revêtir une soutane blanche sans filetage et de tissu très léger» (cf. fr.wikipedia.org/) - comme en témoigne ces images du voyage du Saint-Père au Bénin en novembre 2011 (benoit-et-moi.fr/2011-III/).

* * *

A l'époque, on est au beau milieu de ce que les économistes et les sociologues ont appelé par la suite les Trente Glorieuses, et «l'ivresse de la modernité touchait la société toute entière».
Pour de nombreux prêtres, l'abandon de la soutane a été, dit-il, une véritable libération.

A chaque fois que je demande à un prêtre de plus de 75 ans ce qu'il a ressenti en quittant la soutane, il me parle de libération.
En 2002, j'avais fait un reportage à Machecoul, en Loire-Atlantique, pour les 40 ans de Vatican II, et le père Jean Garaud m'avait expliqué combien il avait été soulagé de troquer la soutane pour un costume de clergyman, quatre ans après son ordination sacerdotale en 1958. A l'issue de mon interview, cet homme très sympathique était allé dans son grenier et il avait descendu sa soutane, pieusement conservée, pour me la montrer, non sans une certaine émotion. Preuve sans doute du lien affectif qu'il entretenait avec cette « seconde peau » de sa jeunesse. Il avait tenu à me la donner, de peur sans doute que, s'il venait à disparaître, elle ne finisse dans un coffre à déguisement, ou dans une décharge, et j'avais accepté de la prendre en charge, comme une relique d'un temps révolu.

Jean Mercier poursuit son analyse par la constatation d'un paradoxe apparent: le retour de la soutane chez les jeunes prêtres «non affiliés à des groupes traditionalistes», précise-t-il.
« Un phénomène d'autant plus fameux qu'il a un goût de défendu. Car la soutane est associée au traditionalisme voire à l’intégrisme».

Parmi les raisons de ce retour, il y a la très forte valeur symbolique et émotionnelle que la soutane revêt auprès des "petites gens" (l'expression, pas très heureuse est dans la bouche d'un prêtre qui ne la porte pas!) :

Un ami prêtre me confiait ainsi que récemment, il avait traversé toute la ville de Lourdes en compagnie d'un autre prêtre habillé en soutane. Lui même portait un clergyman noir. C'est un homme de belle allure, charismatique. Son compagnon était timide, doué de moins de prestance et d'éclat. Néanmoins, il a constaté que sur tout le trajet à travers la ville, les deux hommes étaient arrêtés sans cesse par des pèlerins voulant faire bénir des objets. « A aucun moment, ils ne se sont adressés à moi, bien qu'il était évident que j'étais prêtre, mais toujours à mon ami. Je crois que c'est la soutane qui veut cela. En particulier auprès des petites gens (!!!), elle exerce un attrait puissant. »

Jean Mercier affirme:
«Comme en 1962, la soutane crée un clivage générationnel, cette fois à l'envers» .

Car ce sont les jeunes qui portent la soutane, les plus âgés - au moins ceux qu'il connaît - ne veulent pas en entendre parler.
Mais en réalité, le contraste n'est qu'apparent car - dit-il - « ce furent les jeunes prêtres de 1962 qui l'enlevèrent. Ce sont les jeunes prêtres de 2012 qui la remettent. C’est à chaque fois une affaire de jeunes».

D'ailleurs:

« (...) Le coeur profond du prêtre n'a pas tant changé que cela en 50 ans. C'est le contexte sociétal qui s'est renversé. L'Eglise n'est plus une institution puissante qui devrait s'excuser de prendre tant de place dans la société, comme en 1962...
Les jeunes cathos – prêtres et laïcs – de 2012 savent qu'ils sont une petite minorité qui doit assumer sa visibilité. La soutane est donc la partie visible d'une insurrection devant le risque d'un effacement total du paysage symbolique contemporain».

La conclusion est une explication du titre de l'article:
«La soutane n'a aucune valeur si elle n'est qu'un pur appât communicationnel, ou qu'un emblème idéologique d’une volonté de reconquérir un passé mythique. C’est uniquement comme symbole vivant de l'amour du Christ qu'elle peut être habit de lumière».

* * *

L'expression "habit de lumière" est belle.
On peut cependant regretter cet acharnement des libéraux à se démarquer à tout prix de tout ce qui peut rappeler la tradition (éventuellement, avec un 't' minuscule) et à faire table rase du passé, comme s'il était honteux. Symétrique de l'obsession nostalgique qu'ils dénoncent chez les tradis, leur attitude est finalement au moins aussi 'clivante', pour reprendre le vocabulaire utilisé dans l'article.
Malgré tout, si la soutane fait un retour (très relatif, si j'en crois mes yeux), ce serait bien que cette parenthèse d'un demi-siècle dans son usage serve à en faire ressortir la signification et à en "purifier" la perception.
Confirmant que "Dieu peut écrire droit sur des lignes courbes".