Müller et le Pape
Photo sur "The Catholic Herald"
Retour (et mise au point) sur l'interviewe d'Andrea Tornielli à Mgr Bux, et sur le sujet de la virginité de Marie. Comme l'éditorialiste de "The Catholic Herald"... je fais confiance au Pape (7/7/2012)
>>> Mgr Müller cible de certains "tradis"
J'ai traduit hier un article d'Andrea Tornielli: un entretien avec Mgr Bux à propos de la nomination de Mgr Müller à la tête de la CDF.
Je l'avais accompagné d'un commentaire personnel peut-être excessif sur les théologiens du dimanche (tout en précisant expressément que je n'ai pas de formation théologique, et que je ne revendique aucune autorité d'aucune sorte: en réalité, je suis un catholique d'extrême bout de banc, et ceux qui me lisent savent que je n'ai jamais prétendu tenir un site catholique; cf. Qui je suis).
Il m'a valu une volée de bois vert d'un lecteur dont je respecte les convictions, mais regrette la violence verbale (je précise: dans un langage châtié!). Peut-être l'avais-je méritée, c'est ce qui arrive lorsqu'on parle de ce qu'on ne domine pas. Mais je plaide: je ne suis pas la seule!
Il était question de la virginité de Marie. J'ai une grande vénération pour la Mère de Jésus.
J'ai juste voulu souligner que le débat était un débat théologique qui ne concernait pas les simples, parmi lesquels je me range sans hésiter.
Si j'ai offensé quiconque sur ce sujet complexe, qui touche au coeur de la foi, je m'en excuse.
Je suis heureuse que Teresa (http://freeforumzone.leonardo.it) se soit posée à peu près les mêmes questions que moi.
Elle a reproduit un article de William Oddie, éditorialiste au Catholic Herald, hebdomadaire catholique britannique de ligne opposée à la ligne "conciliaire" représentée par The Tablet, que nous avons déjà croisé dans ces pages, et dont il fut le directeur de 1998 à 2004 (cf. http://benoit-et-moi.fr/2011-II).
Commentaire de Teresa
Dans les semaines et les jours qui ont précédé la nomination officielle de Mgr Müller comme préfet de la CDF, j'ai renoncé à poster toutes les publications de "tirs" - pour la plupart - qui rejetaient sa théologie comme douteuse.
J'y ai renoncé non seulement parce qu'elles tournaient en rond, mais pour la raison fondamentale que notre théologien-Pape n'aurait jamais nommé préfet de la CDF quelqu'un à qui il ne faisait pas confiance pour la doctrine de la foi.
Aujourd'hui que Mgr Müller est nommé, je poste ce commentaire de William Oddie, résumant les principales objections à Mgr Müller qui ont été exprimées.
Il est vraiment dommage - et assez inexplicable - que les deux premiers entretiens publiés à ce jour avec le nouveau préfet, réalisés par le service allemand de Radio Vatican et par l'agence catholique de nouvelles allemande KNA n'aient absolument pas abordé les trois grandes controverses le concernant - où il se signale vraiment, sur 1) la théologie de la libération (indépendamment de son amitié avec Gustavo Gutierrez), 2) l'Eucharistie, et 3) la virginité de Marie.
Pour laisser ces fantômes reposer, en quelque sorte, alors qu'il ne commence son mandat de préfet de la CDF.
Le nouveau préfet de la CDF est-il vraiment un homme à la «doctrine peu sûre»?
Certains à Rome le pensent, et il défend la théologie de la libération; que se passe-t-il donc?
Mgr Gerhard Müller est un ami, co-auteur, et défenseur de Gustavo Gutiérrez. Mais il est également proche du pape, qui sait ce qu'il fait
William Oddie
vendredi 6 Juillet 2012
Texte en anglais: http://www.catholicherald.co.uk
Ma traduction.
------------------
Comment devons-nous prendre la nomination de l'évêque (désormais archevêque) Gerhard Ludwig Müller comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi?
Cela semble, à première vue, être un choix évident, d'un évêque rigoureux et orthodoxe, proche du Saint-Père. Selon le vaticaniste Sandro Magister (ndt: cf. Un nouveau préfet à la CDF), il fera partie d'un «petit noyau» de cardinaux en qui le pape peut avoir une confiance totale, avec le cardinal Marc Ouellet, le Canadien français, qui est préfet de la Congrégation pour les évêques, et le cardinal Kurt Koch, qui est suisse et est président du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité chrétienne.
Mgr Müller est un vieil ami du pape, et il s'occupe actuellement de l'édition en 16 volumes des oeuvres complètes de Joseph Ratzinger.
Donc, qu'est-ce qui cloche?
Eh bien, il peut être un vieil ami du pape, mais il est aussi un vieil ami du plus renommé (ou célèbre) des théologiens de la libération, Gustavo Gutiérrez. Il a écrit un livre avec lui, et, selon John Allen (!!!), chaque année depuis 1998, il se rend au Pérou pour «prendre une leçon» (take a course) (Qu'est-ce que cela veut dire?) de Gutiérrez.
En 2008, il a accepté un doctorat honorifique de l'Université catholique pontificale du Pérou, qui est largement considérée comme un bastion de l'aile progressiste de l'Eglise péruvienne. A cette occasion, il a salué Gutiérrez et 'défendu sa théologie'.
«La théologie de Gustavo Gutiérrez, indépendamment de la façon dont vous la regardez, est orthodoxe, car elle est 'orthopratique', a-t-il déclaré publiquement: « Elle nous enseigne la manière correcte d'agir d'une manière chrétienne, car elle vient de la vraie foi».
Ce lien avec Gutiérrez, a semble-t-il conduit à une tentative infructueuse par les conservateurs du Vatican d'empêcher la nomination, et on peut voir pourquoi.
D'autre questions soulevées par ces conservateurs du Vatican - qui ont envoyé des e-mails un peu partout, suggèrant que l'archevêque Müller n'est pas un homme à la «doctrine sûre» - étaient son point de vue sur la virginité perpétuelle de la Bienheureuse Vierge Marie, sur l'Eucharistie (il a apparemment suggéré que nous ne devrions pas utiliser le terme «corps et sang du Christ» pour décrire les éléments consacrés - alors comment doit-on les appeler?), et l'œcuménisme (en octobre dernier, il a apparemment déclaré que les protestants font «déjà partie de l'Eglise» fondée par le Christ).
Ce qui reste obscur pour ceux d'entre nous qui n'ont pas lu les ouvrages dans lesquels il propose ces choses, c'est ce qu'il veut vraiment dire ainsi.
Ses défenseurs font valoir que, dans chacun de ces exemples de sa soi-disant «insécurité de doctrine», ses paroles ont soit été prises hors contexte, soit compatibles avec l'enseignement officiel.
Je suis sûr que ça doit être vrai; tout simplement, je fais confiance au pape, qui sait faire la différence entre un théologien orthodoxe tellement solide dans la foi qu'il peut se permettre de spéculer, et un libéral friable qui pense que la spéculation n'est pas juste une activité intellectuelle autorisée dans des limites acceptables, mais est elle-même le but ultime de toute vie intellectuelle et qu'il n'y a pas de telles limites.
Donc, je suis sûr que l'archevêque, bientôt cardinal, Müller est doctrinalement solide comme un roc.
Malgré tout, le préfet de la CDF doit certainement être compris facilement et sans ambiguïté par les fidèles. Ces envolées spéculatives pourraient conduire à des problèmes, et j'espère qu'il prendra bientôt des mesures pour dissiper l'incertitude, en s'expliquant lui-même dans un langage simple. Déjà, par exemple, il y a des signes de troubles de la FSSPX, de l'aile de la FSSPX qui a déjà posé des problèmes à Mgr Fellay dans ses tentatives de ramener la Fraternité en pleine communion avec l'Église catholique. La question est autour des vues prétendument hétérodoxes de Mgr Müller sur la virginité perpétuelle de la Sainte Vierge. «Il n'est pas acceptable que le chef de la congrégation avance une hérésie», a déclaré Mgr Alfonso de Galarreta.
Eh bien, non, certainement pas; mais est-ce le cas?
Le Pape pense évidemment que non. Mais le Pape est un vrai théologien parmi les théologiens: qu'en est-il des gens simples comme moi?
His hermeneuticalness (ndt: amusant jeu de mot autour de His Holyness, et sur le fait que le religieux en question tient un site intitulé The hermeneutic of continuity), le Père Tim Finegan dit qu'il balance (he is sitting on the fence, littéralement 'il est assis sur la clôture') à propos de la nomination sur cette même question, mais il est du côté opposé de la clôture par rapport à la FSSPX sur la question de la virginité perpétuelle de Marie.
«En substance - explique-t-il - l'archevêque Müller a déclaré que «la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie ne concerne pas tant les propriétés physiologiques spécifiques dans le processus naturel de la naissance (comme le canal de la naissance qui n'a pas avoir été ouvert, l'hymen qui n'a pas été déchiré, ou l'absence de douleurs de l'enfantement). Il dit qu'elle concerne plutôt «la guérison et l'influence salvifique de la grâce du Sauveur sur la nature humaine» ...
La question de l'intégrité physique de Marie a été discutée par Tertullien.
Ecrivant contre les docètes (cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Doc%C3%A9tisme ) et en faveur de la véritable humanité du Christ, il a apporté des arguments contre l'intégrité physique et en faveur d'une naissance normale. En résumé, l'opinion théologique de Mgr Müller sur la relation entre l'intégrité physique à la naissance et la doctrine de la virginité de Marie ... n'est pas hérétique, même si la plupart des fervents catholiques voudraient suivre l'enseignement général des Pères et de Saint-Thomas».
Malgré tout, le P. Finegan est lui-même, dit-il, «assis sur la clôture pour le moment», même après avoir donné des exemples de la fermeté orthodoxe de l'archevêque Müller, dont une récent sermon très attaqué par le mouvement Nous sommes Eglise (we are church) dans lequel il dit «Nous ne devrions permettre aucune place pour le blabla anti-romain ... Aucune activité dirigée contre la vérité de la foi et l'unité de l'Eglise ne sera tolérée».
Eh bien, je ne suis pas assis sur la clôture.
Je fais confiance au pape, quand je suis un peu perplexe, c'est ma position par défaut. Tout de même, je croise les doigts. Comme dit la chanson, there may be trouble ahead, «il peut y avoir des problèmes à venir» (http://www.azlyrics.com/lyrics/dianakrall/letsfacethemusicanddance.html).
