De l'URSS à l'EURSS

De l'Union Soviétique à l'Union européenne, le projet du mondialisme socialiste. Entretien avec Vladimir Boukovski, sur le site Radici Cristiani (20/12/2012)

     

L'Union européenne, une nouvelle URSS ? (1).
Ce livre mi-témoignage mi-prophétie,écrit par un ex-dissident soviétique, est paru en français aux éditions du Rocher en 2005.
Attention, je ne dis pas qu'il s'agit de la vérité révélée. Mais certainement d'un témoignage troublant, et qui trouve des confirmations évidentes aujourd'hui dans notre "vécu". Il serait malhonnête de l'écarter d'un revers de main au prétexte qu'il s'agit des élucubrations d'un complotiste invétéré.

Le site Radici Cristiani ("Racines Chrétiennes") a publié cet entretien avec l'auteur, reproduit sur un autre site ami, Totus Tuus.
Ma traduction.

     

De l'URSS à l'Union européenne, le projet du mondialisme socialiste
Radici Cristiani, n°80, Décembre 2012
Entretien avec Vladimir Boukovski
par Alessandra Nucci
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Vladimir Boukovski, 70 ans, est l'un des plus célèbres ex-prisonniers politiques de l'ex-Union soviétique. Au total, il a passé douze ans d'internement, entre prisons, camps de travail et hôpitaux psychiatriques, avant d'être expulsé et échangé avec le prisonnier chilien Luis Corvalan en 1976. Depuis lors, il vit à Cambridge et a pris la nationalité britannique.
En 2007, en collaboration avec Pavel Stroilov, il a écrit "URSS-EURSS ovvero il complotto dei rossi" (Titre français:L'Union européenne, une nouvelle URSS ?) dans lequel est reconstruit, sur la base de documents copiés à partir des archives soviétiques en 1992, le plan de transformer l'UE en une Union des Républiques socialistes en tous points identiques à l'ancienne Union soviétique.
Radici Cristiani lui a demandé son opinion sur les évolutions actuelles.
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- M. Boukovsky, au moins depuis l'an 2000, vous soutenez que l'Union européenne est la copie conforme de l'Union soviétique. Les aspects en communs que vous avez mis en évidence partent de la sructure-même de la nouvelle Europe: une union de républiques d'implantation socialiste, dirigée par une poignée de gens non élus qui font des promesses typiquement bolchéviques - l'égalité, l'équité et la justice - et ne reconnaissent pas nations, mais seulement les citoyens d'un peuple nouveau, avec "européen" au lieu de "soviétique". En commun, en outre, les deux unions auraient la corruption typique d'une république socialiste, une corruption organisée d'en haut, l'agressivité vers l'extérieur et à l'intérieur, même, le goulag. Plusieurs années plus tard, les événements vous donnent-ils la raison?
«Vous avez oublié la similitude dans la façon de démarrer. Comment fut créée l'URSS? Bien sûr, par la force militaire, mais aussi en contraignant les républiques à s'unir sous la menace financière, leur faisant économiquement peur. Donc, nous y sommes .
Mais nous en sommes encore au début, à la première étape. Le but ultime de toutes les unions qui se sont construites à ce jour ne s'achève pas avec la soumission au contrôle de Bruxelles, mais va plus loin. Ce vers quoi on pointe, c'est la construction d'un Etat unique sous un gouvernement mondial, avec une seule loi .... Les crises financières servent à pousser dans cette direction.

- L'appauvrissement général serait donc voulu?
«C'est le concept même d'"union" qui enlève la flexibilité de l'économie. Une économie unique rend impossible les continuels ajustements nécessaires pour faciliter les échanges.
N'oublions pas que même l'Union soviétique a fait faillite. Certes, nous étions allés bien plus loin sur la voie de l'intégration vers un unique Etat, et pas seulement la monnaie unique, mais aussi un peuple unique. Et l'Union soviétique, contrairement à l'Europe, avait d'énormes ressources, de sorte que chaque fois qu'on était au bord de la faillite, on découvrait de nouvelles ressources: pétrole, diamants, or ... C'est cela qui leur permettait de continuer. Autrement, ils auraient fait faillite non pas dans les années quatre-vingt, mais déjà dans les années trente.

- Vous avez dit que la crise a été la première étape. Et la seconde?
«Avec le temps, on passe à la méfiance, qui peut conduire à l'hostilité. C'est la prochaine étape. Les exemples abondent, il suffit de penser à la Yougoslavie, à l'URSS ... Des pays obligés de vivre sous le même toit. J'ai moi-même grandi sous un drapeau fédéral. Mais c'est une cocotte-minute qui explose tôt ou tard.

- C'est pour cela qu'ils sont progressivement en train d'unifier l'armée?
«C'est toujours la construction d'un Etat unique. Un gouvernement unique, un président unique, une politique unique. Les difficultés économiques aident à réduire la souveraineté, parce que les gens sont plus disposés à accepter et à obéir. Vous, en Italie, ce n'est pas par hasard que vous avez un Premier ministre non élu.

- Ils se servent de l'économie pour écraser l'Etat-nation?
«Il me semble à moi qu'ils l'utilisent pour écraser les gens. Les gens, ils les manipulent pour éviter qu'ils s'opposent aux nouveautés politiques, qui doivent, au contraire, leur apparaître comme l'unique espérance.

- Donc, à Bruxelles, ils sont tous socialistes?
«C'est le projet qui est socialiste. Je ne connais pas ces gens personnellement, mais la plupart d'entre sont à gauche, plus ou moins extrême. Autrement dit, ils favorisent des solutions étatistes et la réglementation de tout. Et ils parlent tous comme dans le livre de Lénine "L'État et la Révolution", qui explique comment mourra l'État-nation. Ses mots sont "il se flétrira jusqu'à disparaître".
De leur côté, les conservateurs persistent dans la curieuse idée qu'on peut changer le projet de l'intérieur (ndt: cela me rappelle certaines attitudes de ceux qui "protestent" contre la mariage gay). Le PPE (ndt: dont l'UMP fait partie) n'oppose pas de résistance, et essayer de l'influencer de l'intérieur devient une excuse pour ne rien faire.

- Alors, c'est chez Lénine que l'on trouve la matrice de ce que nous vivons?
«Le rêve des socialistes, le "Programme Maximum" a toujours été d'éliminer la propriété privée, la famille et l'État-nation. Avec la propriété privée, ils n'ont pas réussi, mais ils continuent sur le chemin de la destruction de la famille et de la nation.
Le plan qui a échoué à l'Est a été transféré à l'Ouest; les Européens et Moscou ont travaillé ensemble pour mettre en œuvre la "convergence" de la "maison commune européenne". Avant 1985, la gauche s'est opposée à la Communauté européenne, disant qu'elle aidait les propriétaires, les industriels, les capitalistes, et laissaient les travailleurs seuls. Puis ils ont fait marche-arrière.

- Chez nous, socialiste est un terme très différent de communiste. Vous semblez l'appliquer au paradigme soviétique comme synonyme de communiste.
«Non, le socialisme est la forme moins violente et progressive du communisme et le projet de l'Union européenne, qui est né à Maastricht en 1992, est socialiste. L'intention était celle de sauver le socialisme en Europe après la chute du mur de Berlin et la faillite attendue de l'État-providence en Occident. Les dépenses sociales augmentaient, et il n'y avait aucun moyen de les contrer ou de les arrêter.
Vous pouvez accorder des avantages aux gens, mais vous ne pouvez pas les leur enlever sans vous aliéner une grande partie de la population, sinon, vous n'êtes pas réélu. Ainsi, quand les leader de gauche se sont rendu compte qu'ils allaient dans le rouge, et que leurs innovations socialistes en Europe allaient à vau l'eau, ils ont décidé de créer cette administration de non élus, qui ne pouvaient pas être renvoyés chez eux.

- Une administration qui pourtant existait déjà!
«Avant Maastricht, il n'y avait pas l'Union européenne. Il y avait un marché commun, créé pour faciliter les échanges, la circulation des capitaux. C'est pourquoi personne n'a eu à dire pendant si longtemps. Mais au milieu des années quatre-vingt, au lieu d'une communauté économique, ils ont décidé de mettre en place un État. Avant Maastricht, on ne disait pas Union, on disait communauté. Et en public, on n'en parlait pas.

- Parmi vos prédictions pour l'UE-URSS il y avait aussi le goulag. Vous confirmez?
«Malheureusement, oui. L'UE est entrain de les créer lentement. Le politiquement correct qui est imposé non pas par la persuasion, mais par la répression. En Grande-Bretagne, le mois dernier, ils ont mis en prison pour incitation à la haine, "hate speech", un jeune de dix-neuf ans qui avait écrit quelque chose d'offensant sur Twitter au sujet d'un footballeur à la peau noire. Il a été condamné à un mois et demi de prison. Comme personne ne proteste, peu à peu ils élargissent le filet, et à la fin nous allons trouver le goulag. Et rappelons-nous que la police bénéficie d'une immunité, quelque chose qui n'était pas garanti, même pas au KGB!

- Barack Obama ne fait pas partie de tout cela?
«Pour l'instant, les Américains ne perçoivent pas l'Union européenne, ils ne voient pas où elle va. Mais en Amérique, il y a un projet parallèle spécifique, l'Union américaine. Si le processus inclut les Etats-Unis d'Amérique, quel espoir nous reste-t-il d'arrêter ce gouvernement mondial? Mais il échouera, car il est trop grand à gérer. Il est impossible de gouverner une entité aussi énorme. Et puis la résistance la plus répandue n'est pas ouverte, elle est passive. Le sabotage.

- De l'autre côté, il y a Poutine. Je sais que vous en avez une opinion tout à fait négative, mais les temps changent et ses liens étroits avec l'Église orthodoxe ont fait qu'il ya quelques semaines, la Russie a rejoint la majorité des autres nations en opposition aux Etats-Unis et aux pays d'Europe occidentale sur le thème de l'avortement. Ainsi, et ce n'est pas d'aujourd'hui, la Russie est un point de référence pour les églises et pour l'Eglise catholique.
«Si c'est pour cela, c'est la même chose pour les musulmans, qui font front commun avec l'Église sur ces questions à l'ONU, mais en obéissant à leur propre religion. Cela ne fait pas d'eux des "bons" car en dehors de ce sujet, ils s'opposent à nous comme ennemis. C'est l'un des paradoxes de ce monde.

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(1) Présentation de l'éditeur
" De la même manière que l'URSS, "union inaltérable de républiques libres" comme le proclamait l'hymne soviétique, fut créée jadis pour apporter le bonheur à l'humanité, une nouvelle Union hégémonique tente de voir le jour sur le continent européen. Comme son prédécesseur soviétique, elle affiche de vertueux principes de liberté, de progrès, de droits de l'homme. Et comme son prédécesseur soviétique, elle emploie les mêmes arguments spécieux pour assurer sa pérennité et discréditer toute critique. " Preuves à l'appui, cet ouvrage décapant nous explique comment, sous l'influence des idées et des dirigeants socialistes, la CEE s'est transformée, d'une simple union économique, en un nouveau monstre bureaucratique construit selon les mêmes principes qui ont fondé l'URSS.

Biographie de l'auteur
Vladimir Boukovsky, l'un des plus célèbres dissidents soviétiques, n'a pas cessé de lutter contre le totalitarisme. Aujourd'hui citoyen britannique, il poursuit ici son combat contre ce qu'il estime être l'une de ses formes les plus insidieuses. Il est notamment l'auteur de Et le vent reprend ses tours (1978), Cette lancinante douleur de la liberté (1981) et Jugement à Moscou (1995).