La "trêve de Noël" de 1914

Trêve de Noël

Le vrai sens du message de Benoît XVI pour la journée mondiale de la paix 2013, illustré par Roberto De Mattei (19/12/2012)

Cf. La paix n'est pas une utopie: elle est possible

 
 

La "trêve de Noël" de 1914

Roberto de Mattei
http://www.corrispondenzaromana.it
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La spirale de violence qui s'est développée au XXe siècle a eu son premier laboratoire de masse dans la Première Guerre mondiale, un conflit qui marque l'histoire, non seulement pour l'extension planétaire, et le nombre effrayant de victimes, au moins neuf millions, mais surtout en raison de la nouveauté et de l'intensité de la haine qu'elle a accumulée dans les tranchées ennemies. Pourtant, même cette guerre a connu ses épisodes d'humanité. Le plus extraordinaire fut peut-être celui qui s'est passé dans la partie nord du front occidental, à la veille de Noël de la première année de la guerre.

Au mois de Décembre 1914, dans les tranchées des Flandres, on se bat furieusement entre anglais et allemands. Les troupes adverses, immobilisés dans les tranchées, sont à moins de 60 mètres. Les soldats sont plongés dans la boue, avec de l'eau dûe à la pluie battante, qui leur monte jusqu'aux genoux, entourés par les corps des camarades tués, s'attendant à tout moment qu'un obusier d'artillerie tombe sur eux. La veille de Noël, la pluie avait cessé et dans le silence de la nuit éclairée par la blanche clarté de la lune, quelque part sur le front, s'éleva, inattendu, le chant d'un soldat allemand. Une autre voix suivit, puis un autre, jusqu'à ce que, des lignes allemandes, on entende une mélodie résonner dans le paysage glacé de la Flandre. C'étaient les notes de «Stille Nacht, heilige Nacht». Le chant de Noël se répandit comme une vague. Tout aussi inattendue, des tranchées britanniques répondirent les notes de «The First Nowell the Angels did say», le vieux cantique de Noël anglais.

Puis les Anglais et les Allemands entonnèrent ensemble le chant latin «Adeste Fideles».
Un carabinier de la London Rifle Brigade a rappelé dans son journal son émotion à la vue des deux armées hostiles chantant le même chant au milieu de la guerre.
Et puis, de petites lumières sont apparues sur les parapets des tranchées allemandes: c'étaient des arbres de Noël ornés de bougies allumées, qui ont commencé à briller le long de la ligne de front, à perte de vue. Quelqu'un s'est avancé sur le terrain découvert, agitant des mouchoirs blancs et des paquets de cigarettes. D'autres sont sortis de leurs tranchées, du côté opposé. Les officiers se sont rencontrés à mi-chemin. On a échangé des cigarettes, de l'eau de vie, du thé, du chocolat. Puis tous sont retournés à leurs places après avoir promis que durant toute la journée de Noël il n'y aurait pas de tirs. Cette promesse était entendue comme une solennelle parole d'honneur. La trêve s'étendit à d'autres parties du front et permit le déroulement de cérémonies funéraires, où les soldats des deux camps pleurèrent leurs compagnons morts.

Ces événements sont racontés dans deux livres, celui de Michael Jürgs, "La petite paix dans la Grande Guerre" , et celui d'Antonio Besana, "La Trêve de Noël de 1914" (ndt: des livres qui ne me semblent pas traduits en français) et décrits dans un bon film, disponible en DVD, «Joyeux Noël» de Christian Carion, qui raconte même l'histoire d'un match de football qui eut lieu entre les soldats écossais et saxons.

La Trêve de Noël se termina de la même manière qu'elle avait commencé. Les officiers se saluèrent, et quelques coups de feu en l'air donnèrent le signal de la reprise des hostilités. L'événement avait pourtant été si exceptionnel qu'il suscita l'inquiétude des commandements des armées respectives qui, les années suivantes ordonnèrent des bombardements d'artillerie juste à la veille de Noël pour s'assurer qu'il ne s'était pas produit de pause dans les combats.
Aujourd'hui, cet incident semble être un ultime sursaut de civilisation dans un monde qui devenait de plus en plus inhumain, et où les armées combattantes étaient incitées par la propagande haineuse contre l'ennemi. Mais ces armées avaient en commun les racines chrétiennes et la foi dans cette miraculeuse nuit de Noël, deux mille ans plus tôt, qu'aujourd'hui, beaucoup, au nom du religieusement correct, voudraient effacer de la mémoire. Cet événement porte toujours en lui un message de paix véritable, pas de pacifisme.

La veille de Noël le chant des anges annonce: «Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté», mais ces mots sont précédés par d'autres: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux».
En effet, l'Église catholique a toujours invoqué la paix, mais elle l'a fait en rappelant que les véritables causes de la guerre sont spirituelles et morales et viennent de l'abandon de la loi de Dieu dans la vie politique et sociale, nationale et internationale.

Quand la terre lève les yeux vers Dieu, quand les hommes reconnaissent dans l'Enfant de Bethléem leur Roi et Sauveur, quand la société humaine chante, comme celle des anges, la gloire de Dieu, il peut y avoir la paix sur la terre pour les hommes de bonne volonté. Quand au contraire la société veut s'émanciper de l'ordre naturel et chrétien, pour se laisser engloutir par le relativisme, la paix s'éloigne et la lumière du monde inévitablement s'éteint.
C'est cela, au fond, la signification du message de Benoît XVI pour le Nouvel An 2013.