A propos des caricatures de Charlie Hebdo

Andrea Tornielli rapporte les propos d'un évêque nigérien, essayant de calmer des jeunes chrétiens en colère devant la destruction de leur église par des terroristes. Un témoignage qui s'adresse aux fanatiques de deux religions: les musulmans, et les laïcistes extrêmes (21/9/2012)

Image ci-contre ici: http://infos.fncv.com/post/2011/12/26/Nigeria-Attentats-de-No%C3%ABl-anti-chr%C3%A9tiens-d-une-secte-islamiste

Les caricatures de C.H. ont eu de larges échos dans la presse italienne, jusqu'à l'Osservatore Romano!
Que rajouter à ce qui a déjà été dit, sans d'un côté faire de la publicité à une ignoble publication (élevée au niveau de symbole presque sacré par une classe politique et médiatique totalement déconnectée de la réalité et d'une mauvaise foi ahurissante: imaginons ce qu'auraient été les réactions si au lieu de "Charlie-Heddo", les provocations étaient venues d'une feuille d'"extrême-droite" !!) et de l'autre mettre de l'huile sur le feu?

Certaines questions d'Andrea Tornielli frôlent l'angélisme (il ne peut sans doute pas faire autrement): mais le témoignage de ce prélat nigérian qui demande au Seigneur de lui "donner les mots" pour calmer des jeunes en colère devant la destruction de leur église par des terroristes pourrait "parler" aux deux bords de leur humanité commune que le Pape invoque si souvent.

Mon Dieu, donne-moi les mots
(http://2.andreatornielli.it/?p=4897 )
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Qu'est-ce qui peut pousser l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebbdo , dans ce moment caractérisé par l'explosion de colère de nombreux musulmans pour le film blasphématoire sur Mahomet, à publier des caricatures du Prophète de l'Islam? (ndt: je me demande si la tournure interrogative qui introduit la question est la bonne. Il serait en tout cas difficile de la changer sans franchir les bornes du politiquement correct... mais à coup sûr, l'argent n'est pas la seule réponse). Vous verrez qu'il y aura des gens, dans la France de la laïcité, qui parleront d'un acte de courage: la «liberté» de l'Occident ne se plie pas aux diktats de l'intégrisme religieux». Déjà en 2005, des caricatures de Mahomet avaient déclenché une révolte dans le monde musulman (ndt: il ne faut malheureusement pas oublier le discours de Ratisbonne, où ce n'était évidemment pas le "fric" qui était en jeu). Aujourd'hui, la manifestation française de «liberté de la satire» ne fera qu'aggraver encore plus une situation déjà préoccupante.

J'imagine déjà l'objection: pourquoi en Occident l'unique (grande) religion qui peut être «provoquée» est-elle la religion chrétienne - que l'on pense à certaines récentes expressions «artistiques» - tandis que d'autres, et en particulier celle musulmane ne peuvent pas être touchées en raison des conséquences graves auxquelles on s'exposerait?
La question, à mon avis, devrait être inversée.

Tout d'abord, en se demandant si, au nom de la laïcité, il n'est pas opportun de réfléchir davantage sur la nécessité de mieux respecter les symboles religieux des différentes confessions, au lieu de s'en servir pour des opérations planifiées autour d'une table de manière à devenir des cas médiatiques, et à obtenir visibilité et publicité.

Mais il y a quelque chose de plus. Quelque chose de plus important. Et c'est la responsabilité.
Est-il permis, au nom de la liberté de satire, de mettre en danger des vies humaines , de jeter de l'huile sur un feu qui ne semble pas s'éteindre? Dans la foulée des événements de Benghazi (mais avant que nous ayons eu connaissance de la mort de l'ambassadeur des Etats-Unis), le père Federico Lombardi, directeur du bureau de presse du Vatican déclarait: «Le profond respect pour les croyances, les textes, les grands personnages et les symboles des différentes religions est une condition essentielle pour la coexistence pacifique des peuples. Les conséquences extrêmement graves des offenses et des provocations injustifiées contre la sensibilité des croyants musulmans sont une fois de plus évidentes ces jours-ci, par les réactions qu'elles suscitent, y compris avec des résultats tragiques, qui à leur tour approfondissent les tensions et la haine, déchaînant une violence totalement inacceptable» (ndt: cf. L'outrage de Venise et le crucifix de Vienne ). Le lendemain, le porte-parole du Vatican est revenu sur le sujet, condamnant l'assassinat du diplomate américain: « Rien ne peut justifier les activités des organisations terroristes et la violence meurtrière».

Ignatius Kaigama, archevêque de Jos, au Nigeria, lors du Meeting de Rimini en Août dernier, a parlé de l'attentat perpétré par les fondamentalistes de Boko Haram dans l'église de Saint-Finbar, samedi 11 Mars 2012: «C'était pendant la messe et un kamikaze voulait entrer dans l'église avec une voiture pour se faire exploser. Un garçon de douze ans, à la porte, l'a arrêté et lui a posé des questions. La bombe a explosé. Même si c'était loin de l'église, l'impact a été si puissant que quinze personnes ont été tuées, une a été blessée et l'église a été détruite. J'ai rencontré beaucoup de jeunes en colère et prêts à se battre ... Je suis entré dans l'église. Entièrement détruite. Je me suis agenouillé devant les images sacrées qui avaient résisté: "Mon Dieu, donne-moi les mots" . Au bout de cinq minutes, il y a eu le silence, je me suis levé et je leur ai dit: "Je suis en colère aussi, encore plus que vous tous, mais si vous faites en sorte que l'irrationalité prévale, il y aura encore plus de gens tués. Je vous en prie au nom de Dieu, rentrez chez vous". Je crois que le Seigneur était de mon côté: ces jeune sont partis sans protester, sans autre violence. C'était un miracle. Nous allons continuer à espérer. Mais nous avons besoin de votre aide.»

Nous aimerions entendre davantage les chefs religieux musulmans qui, en cette circonstance, invitent à ne pas réagir par la violence contre les insultes à Mahomet . Mais cette phrase réaliste, authentiquement humaine et chrétienne de l'archevêque - "si vous faites en sorte que l'irrationalité prévale, il y aura encore plus de gens tués" - sonne comme un avertissement aussi pour ceux qui ont la responsabilité de ne pas aggraver une situation aux conséquences incalculables.