Galilée: c'est l'Eglise qui avait raison

Il y a tout juste 20 ans, le 2 novembre 1992 – sous Jean-Paul II - Galilée était "réhabilité" par l'Eglise. Paul Badde lui consacre un long article dans le quotidien Die Welt. Traduction intégrale, et dossier (15/11/2012)

Voir ici le discours de JPII devant l'Académie Pontificale des Sciences, le 31 octobre 1992. (1)

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Rino Cammilleri dans sa chronique «Antidote» le 15 Janvier 2008: «ce n'était pas l'Eglise qui s'était mêlée de science, mais Galilée qui avait voulu faire le théologien»

«Galilée est devenu depuis longtemps un mythe, qui n'a plus grand chose à voir avec la réalité. ...
L'inquisition avait raison avec son jugement contre Galilée et non l'inverse. Ce constat n'est pas nouveau. Le Cardinal Robert Bellarmin, l'adversaire au plus haut point miséricordieux de Galilée dans l'inquisition, était en effet déjà habité au XVIIème siècle par
l'idéal moderne de la science du XXIème siècle, qui dit que chaque affirmation scientifique ne peut être formulée que comme hypothèse.»
(Paul Badde)

Illustrations ci-dessous: Die Welt

Il a été à de multiples occasions question de l'affaire Galilée, dans mon site (cf. http:// http://tinyurl.com/bmekzox)

L'attitude de l'Eglise est bien résumée par ce qu'en disait le cardinal Ratzinger à Peter Seewald dans "Le sel de la Terre":

[..] on avait adopté le principe de laisser l'affaire se perdre par prescription. Personne ne ressentait le besoin de procéder expressément à une réhabilitation.
C'est seulement à l'époque des Lumières que le cas de Galilée est devenu l'exemple typique du conflit entre l'Église et la science. Ce conflit a son poids historique, mais il n'était pas tout d'abord chargé d'une telle tension nerveuse, au point de devenir quasiment mythique.
Les Lumières ont essayé d'en faire un symptôme de la manière dont l'Église se comporte envers la science. Ainsi, le cas de Galilée s'est stylisé jusqu'à symboliser le caractère désuet de l'Église et son hostilité à la science. Peu à peu, on en est venu à penser : ce n'est pas un simple événement appartenant au passé, cela continue à tarauder les esprits et il faut que ce soit encore une fois explicitement réglé.
(beatriceweb.eu/Blog06)

La façon dont le monde monderne façonné par les medias persiste à percevoir l'Eglise à travers l'affaire Galilée trouve son expression culminante dans l'épisode de la visite manquée de Benoît XVI à l'Université romaine de la Sapienza, en janvier 2008 [2] (dossier ici: benoit-et-moi.fr/2008-I/):

Le jeudi 17 janvier 2008, Benoît XVI est invité par le recteur de l’université romaine La Sapienza. Il doit prononcer une allocution et visiter la chapelle qui vient d’être restaurée .
Une soixantaine de professeurs signent un appel contre cette venue qu’ils qualifient d’« incongrue ».
Le prétexte invoqué est une phrase d'un discours prononcé par lui en 1990, comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Traitant de la crise de confiance dans la science et de la science en elle-même, le futur pape avait évoqué le changement d'attitude de l'Église sur la question Galilée. Or la phrase contestée : « Le procès contre Galilée fut juste et raisonnable », était une citation du philosophe Paul Feyerabend!!
Un peu plus tard, devant les pressions, et la lâcheté du gouvernement Prodi, prétendant qu'il n'était pas en mesure d'assurer sa sécurité, le Pape renonce à s'y rendre en personne, mais son discours sera quand même lu, et salué partout comme l'un de ses plus brillants, Sandro Magister le qualifiant de "suite au formidable discours de Ratisbonne, sur les questions ultimes de la foi et de la raison" (texte du discours ici).

     

Un article de Corrispndenza Romana

«L'affaire Galilée»: le journal allemand «Die Welt» donne raison à l'Eglise
Mauro Faverzani
http://www.corrispondenzaromana.it
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L' «affaire Galilée» est de retour après l'article du journaliste Paul Badde publié dans le quotidien allemand «Die Welt». Un article qui retourne et renverse la «vulgate» sur le sujet, arguant combien le fait de donner tort à l'Eglise est objectivement impossible. Pour deux raisons: «Tout d'abord - écrit Badde - parce Galilée est devenu depuis longtemps un mythe, sans qu'il y avait une vraie raison. Deuxièmement, parce que dans ce procès, c'est l'Inquisition qui a eu raison et non l'inverse».

Le journaliste constate qu'aujourd'hui, dans cette affaire, ce sont, paradoxalement, les intellectuels athées, et même «mangiapreti» (ndt,traduit en termes familiers: «bouffeurs de curé») qui donnent main forte à l'Eglise , depuis le philosophe marxiste Ernst Bloch jusqu'au sceptique agnostique Paul Feyerabend, qui en 1976 écrivait dans son essai «Contre la méthode requise» ( traduction plus fidèle au titre original en allemand que le titre italien, dit l'article de Corrispondenza Romana: en français, c'est «Contre la méthode, Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance»): « L'Eglise dans l'affaire Galilée, s'en est tenue à la raison bien plus que Galilée lui-même, puisqu'elle a également tenu compte des conséquences éthiques et sociales dérivant des enseignements du savant. Le verdict fut raisonnable et juste, et sa révision dictée uniquement par la logique de l'opportunisme politique». C'est là une étape importante peu connue et rarement citée textuellement, mais qui se révèle paradigmique. Et elle fait la paire avec ce qu'a écrit Rino Cammilleri dans sa chronique «Antidote» le 15 Janvier 2008, quand il faisait remarquer que «ce n'était pas l'Eglise qui s'était mêlée de science, mais Galilée qui avait voulu faire le théologien ».

Sans entrer dans les détails, puisque cela a déjà été traité - et avec rigueur scientifique - ailleurs, il est bon de rappeler que la «condamnation» s'est en réalité réduite à la récitation de sept psaumes de pénitence chaque semaine pendant trois ans, un devoir que l'accusé - avec le consentement de l'Eglise - délégua volontiers à sa fille religieuse, sœur Marie-Celeste. Pas de prison, donc, pas de torture, pas d'isolent pas de censure, au point que le travail considéré comme son chef-d'œuvre scientifiques, «Discours et démonstrations mathématiques autour de deux nouvelles sciences», a été publié cinq ans après la sentence.

La vérité est dans les paroles du médiéviste français, Léo Moulin (1906-1996), [3] qui dans son livre «L'Inquisition sous l'Inquisition» a déclaré: « Écoutez-moi, vieil incrédule qui s'y connaît: le chef-d'œuvre de la propagande antichrétienne est d'avoir réussi à créer chez les chrétiens, les catholiques en particulier, une mauvaise conscience. A force d'insister, de la Réforme à nos jours, ils ont réussi à vous convaincre que vous étiez responsables de la quasi-totalité les maux du monde. Ils vous ont paralysé dans l'autocritique masochiste. Et vous, si souvent ignorants de votre passé, vous avez fini par y croire. Moi, en revanche agnostique, mais historiien qui essaie d'être objectif, je vous dis que vous devez réagir, au nom de la Vérité. Souvent, en effet, ce n'est pas vrai. Et s'il y avait quelque chose vrai, il est également vrai que, dans un bilan de vingt siècles de christianisme, les lumières dépassent de loin les ombres» .

Que ce soient les laïcs et les non-croyants qui doivent convaincre les catholiques, c'est le comble ...

     

L'article de Paul Badde (Die Welt)

(Merci à ma nièce Françoise D. qui a bien voulu se charger de la traduction)

Galilée – trop zélé, sans scrupules, "ensauvagé".
http://www.welt.de

Aujourd'hui encore, nous célébrons Galilée comme un martyre de la moderne liberté d'esprit. Pourtant de nombreux chercheurs font un lien entre le savant florentin et la construction de la bombe atomique.
Paul Badde
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Cela avait duré longtemps jusqu'à ce que la Sainte Inquisition condamne Galilée à se démentir. C'est seulement le 22 juin 1633 qu'il a dû renier son «hérésie» selon laquelle le soleil est le centre fixe de l'univers (ce qui selon lui se laissait aussi prouver empiriquement par exemple par le phénomène des marées).

Que le soleil au contraire se lève le matin à l'est et se couche le soir à l'ouest – donc bouge, et ne reste pas immobile! -, cela, chaque enfant le voit encore aujourd'hui. C'est pourquoi à l'époque aussi, beaucoup de grands esprits considéraient cela comme le plus vraisemblable, parce que c'était justement tellement évident. Mais ce n'était pas de cela dont il s'agissait dans le célèbre procès de Galilée.

Nicolas Copernic avait déjà posé, en 1507 à Ermland près de la mer Baltique, l'hypothèse que «la terre ne tourne pas autour du soleil, mais inversement» et d'autres choses semblables. Cette affirmation permettait d'expliquer beaucoup de phénomènes mieux que la vieille hypothèse de Ptolémée, pour qui le terre se tenait au centre de l'univers (ce à quoi les apparences portent vraiment à croire).

Quoi qu'il en soit, dès 1561, on enseignait dans la Salamanque espagnole déjà aussi bien l'une que l'autre de ces visions du monde. Mais on ne pouvait à l'époque, ni même en 1633, prouver scientifiquement ni l'une ni l'autre. L'inquisition somma Galilée d'être lui aussi un peu plus critique et plus sceptique envers ses propres thèse jusqu'à ce qu'on puisse apporter une telle preuve scientifique.

«Ce fou veut renverser l'astronomie»
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De cela, le savant extravagant ne voulait pas entendre parler. Ce que la Bible disait sur ce sujet et quelles conséquences sa découverte renversante pourrait avoir pour les gens simples ne le préoccupaient pas davantage. L'arrogance de Copernic, qui avait avant Galilée affirmé des lubies analogues, avait déjà offusqué Luther et Calvin. «Ce fou veut renverser tout l'art de l'astronomie» avait jugé le Dr Luther, l'astronome d'Ermland.

Et maintenant, un siècle plus tard, à Rome, le pape Urbain VIII faisait encore preuve de mansuétude à l'égard de son bizarre élève, Galilée (tout simplement parce qu'il lui était sympathique). C'est seulement le 22 juin 1633 que le pontife l'obligea enfin à rétracter ses erreurs en public devant l'inquisition, dans la salle des actes du cloître Santa Maria Sopra Minerva derrière le Panthéon. Et c'était déjà là tout 'le cas Galilée'.

Mais cela a duré bien plus longtemps que ce procès jusqu'à ce que l'Église catholique ouvre à nouveau le dossier et qu'elle réhabilite formellement Galilée le 2 novembre 1992 – il y a tout juste 20 ans – sous Jean-Paul II. Depuis il devrait même recevoir une statue au Vatican, dit-on. Jusqu'à présent personne n'en a encore rien vu.

Le jugement n'a pas été signé
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Le Vatican prit à nouveau de la distance par rapport à la condamnation portée par l'inquisition papale en publiant en novembre 2008 une édition critique et historique des actes du procès. L'évêque Sergio Pagano, préfet des archives secrètes du Vatican, a supervisé l'ouvrage de 550 pages qui contient beaucoup de nouveaux documents. On peut y lire que Urbain VIII n'a même pas signé le jugement contre Galilée. En outre le Pape et la Ccurie n'auraient pas été d'un seul et même avis avec l'inquisition.

En bref, il y aurait eu des «erreurs» et le pape Benoît XVI lui-même a maintenant célébré devant le monde entier le goût pour la recherche de Galilée, que le cardinal secrétaire d'état Tarcisio Bertone présenta soudain comme un «homme de foi» «qui considérait la nature comme un livre dont l'auteur est Dieu» et dont l'esprit nous apprend «comment on va au ciel, et non comment le ciel bouge». L'archevêque Ravasi tint même une messe pour les défunts en l'honneur du pauvre pécheur Galilée.

Malgré tout – le Vatican ne se débarrasse pas si facilement du cas Galilée. Et cela pour deux raisons.
Premièrement, Galilée est devenu depuis longtemps un mythe, qui n'a plus grand chose à voir avec la réalité. Deuxièmement, l'inquisition avait raison avec son jugement contre Galilée et non l'inverse. Ce constat n'est pas nouveau. Le Cardinal Robert Bellarmin, l'adversaire au plus haut point miséricordieux de Galilée dans l'inquisition, était en effet déjà habité au XVIIème siècle par l'idéal moderne de la science du XXIème siècle, qui dit que chaque affirmation scientifique ne peut être formulée que comme hypothèse.

Dans chaque pensée la vérité pure
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Karl Popper n'a parfait la formulation de cette maxime qu'en 1934 dans sa «Logique de la recherche». Galilée au contraire ne voulait à son époque rien entendre de tout cela. Il ne voyait dans chaque idée qui lui traversait le cerveau rien que la vérité pure pour tous les temps, aussi abstruse soit-elle. Jamais il n'aurait considéré ses connaissances comme des hypothèses.

C'est pour cela que le physicien francais Pierre Duhem constata dès 1908 que dans le procès contre Galilée la «logique scientifique» était du côté de l'inquisition et non du côté de Galilée, quand il a dit: «Admettons que les hypothèses de Copernic puissent expliquer tous les phénomènes connus, alors on pourrait en conclure qu'il est possible qu'elles soient vraies, mais en aucun cas qu'il est nécessaire qu'elles soient vraies.

Pour qu'elles soient nécessairement vraies, il nous faudrait prouver qu'aucun autre système n'est pensable qui expliquerait aussi bien (ou mieux) les phénomènes. Cette dernière preuve n'a jamais été apporté». Jusqu'à ce que Einstein découvre la théorie de la relativité, comme nous devons ajouter aujourd'hui.

Curieusement, ce sont, du moins à notre époque, avant tout des scientifiques athées ou agnostiques qui se placent solidairement au côté de l'église dans sa dispute de jadis avec Galilée - du philosophe marxiste Ernst Bloch au sceptique agnostique Paul Feyerabend, qui écrivit en 1976 dans son écrit polémique «Contre l'obligation de méthode»: «L'église du temps de Galilée tenait bien plus à la raison que Galilée lui-même, et elle envisageait aussi les conséquences éthiques et sociales des théories de Galilée. Son jugement contre Galilée était rationnel et juste, et sa révision ne se justifie que par des raisons politiques opportunistes».

«Péché originel des sciences naturelles modernes»
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Carl Friedrich von Weizsäcker alla encore plus loin en reconnaissant comme conséquence concréte de l'attitude de Galilée un chemin direct vers le développement de la bombe atomique. Bertolt Brecht exprima en 1938 un jugement semblable: «Le crime de Galilée peut être considéré comme péché originel des sciences naturelles modernes. La bombe atomique est, aussi bien comme phénomène technique que comme phénomène social, le produit final classique de sa performance scientifique et de son échec social.»

Mais tout cela n'aide en rien. Critiquer Galilée, c'est peine perdue. Il est devenu la vache sacrée de la modernité, même si l'inquisition autorisa en 1741 l'impression de ses oeuvres intégrales, sans censure, à la demande du pape Benoît XIV.

Mais parce que Joseph Ratzinger osa, dans un discours à Parme en 1990, rappeler les mots du philosophe autrichien Feyerabend sur Galilée cités au-dessus, un réseau d'étudiants hyperventilés ensemble avec 67 professeurs d'université refusèrent, quelques 30 ans plus tard (en janvier 2008), une «visite inappropriée» de Benoît XVI à l'université romaine de Sapienza, fondée en 1303 par son prédécesseur Boniface VIII. Le pape avait voulu tenir là un discours contre la peine de mort (ndlr: ??? Paul Badde n'a manifestement pas lu ce discours). Il annula sa visite à cause de l'hystérie autour du cas Galilée.

Génie du marketing paranoïaque
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Le cas Galilée est donc un tabou sacré de la modernité, et il ne faut pas moins qu'un chien effronté comme le détenteur du prix Kisch, Hans Conrad Zander, de Suisse, pour oser le nommer «sans scrupules, arrogant, mégalomane», mais aussi «un génie du marketing paranoiaque».

Le Suisse, tout aussi drôle que posé et réfléchi, parle aujourd'hui encore avec effervescence de cette «tête de Janus qui fait époque». Le «champion de l'émancipation pour la science de l'esclavage ecclésial et martyr de la liberté d'esprit moderne», cela est, vu de face, «le beau visage de la figure-culte Galilée».

Vu de dos au contraire, il a porté «la face la plus laide de toutes les faces académiques: un scientifique qui, d'une facon bien trop zélée et sans scrupules, met son savoir et sa technique au service des tyrans politiques. L'archétype du scientifique ensauvagé s'appelle Galilée.»

À notre époque, encore une fois, c'est l'église romaine qui porte un jugement plus miséricordieux, par exemple le cardinal Brandmüller, qui considère le «croyant catholique » comme un «érudit vaniteux, convaincu au plus haut point de sa valeur, qui est parfois allé trop loin et qui sans aucun doute ne se gênait pas pour nuire à ses collègues et concurrents.»

La prison à la meilleure cuisine de Rome
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Sa condamnation est malgré tout «bien fondée». D'abord parce qu'il s'est procuré d'une manière déloyale la permission d'imprimer son «Dialogue». Ensuite parce qu'il refusa d'obéir à l'injonction du Saint-Office de soutenir sa théorie de l'héliocentrisme comme une hypothèse astronomique, physique, et non justement comme une description exacte de la réalité cosmique.

«C'est exactement en cela que l'inquisition sacrée de l'époque a anticipé alors déjà le point de vue en théorie scientifique qui est celui de la physique théorique la plus moderne aujourd'hui – l'inquisition et non Galilée. C'était le coeur de la dispute. D'un point de vue scientifique, c'est l'inquisition qui avait raison – et Galilée lui avait raison avec son explication de la Bible!»

Mais en fait la véritable importance scientifique de Galilée a moins à voir avec ses observations astronomiques qu'avec son oeuvre tardive sur la mécanique, qu'il avait commencé dans son prétendu «cachot» dans le palais du Saint-Office, qui bénéficiait de la meilleure cuisine de Rome – et qu'il a terminé après avoir été condamné par l'inquisition. Que la terre bouge quand même – sa phrase prétendument la plus célèbre («Eppur si muove») - , personne jamais ne l'a entendu la murmurer.

De nos jours la Nasa a nommé «Galilée» la sonde spatiale qu'elle a lancée dans l'espace en 1989 et qu'elle a fait entrer dans le champ de pesanteur de Jupiter, où elle est tombée et s'est consumée. Le cas Galilée reste l'ironie de l'Histoire des idées de la planète bleue.

     

Notes

[1] DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II AUX PARTICIPANTS À LA SESSION PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES
Samedi, 31 octobre 1992 (http://www.vatican.va)

¤ Comme la plupart de ses adversaires, Galilée ne fait pas de distinction entre ce qu’est l’approche scientifique des phénomènes naturels et la réflexion sur la nature, d’ordre philosophique, qu’elle appelle généralement. C’est pourquoi il a refusé la suggestion qui lui était faite de présenter comme une hypothèse le système de Copernic, tant qu’il n’était pas confirmé par des preuves irréfutables. C’était pourtant là une exigence de la méthode expérimentale dont il fut le génial initiateur.
...

¤ En vertu de sa mission propre, l’Église a le devoir d’être attentive aux incidences pastorales de sa parole. Qu’il soit clair, avant tout, que cette parole doit correspondre à la vérité. Mais il s’agit de savoir comment prendre en considération une donnée scientifique nouvelle quand elle semble contredire des vérités de foi.

¤ En réalité, Robert Bellarmin, qui avait perçu le véritable enjeu du débat, estimait pour sa part que, devant d’éventuelles preuves scientifiques de l’orbitation de la terre autour du soleil, on devait «interpréter avec une grande circonspection» tout passage de la Bible qui semble affirmer que la terre est immobile et «dire que nous ne comprenons pas, plutôt que d’affirmer que ce qui est démontré est faux». Avant lui, c’était déjà la même sagesse et le même respect de la Parole divine qui inspiraient saint Augustin lorsqu’il écrivait: «S’il arrive que l’autorité des Saintes Écritures soit mise en opposition avec une raison manifeste et certaine, cela veut dire que celui qui [interprète l’Écriture] ne la comprend pas correctement. Ce n’est pas le sens de l’Écriture qui s’oppose à la vérité, mais le sens qu’il a voulu lui donner. Ce qui s’oppose à l’Écriture ce n’est pas ce qui est en elle, mais ce qu’il y a mis lui-même, croyant que cela constituait son sens».

¤ À partir du siècle des Lumières et jusqu’à nos jours, le cas Galilée a constitué une sorte de mythe, dans lequel l’image que l’on s’était forgée des événements était passablement éloignée de la réalité. Dans cette perspective, le cas Galilée était le symbole du prétendu refus par l’Église du progrès scientifique, ou bien de l’obscurantisme «dogmatique» opposé à la libre recherche de la vérité. Ce mythe a joué un rôle culturel considérable; il a contribué à ancrer de nombreux scientifiques de bonne foi dans l’idée qu’il y avait incompatibilité entre, d’un côté, l’esprit de la science et son éthique de recherche et, de l’autre, la foi chrétienne. Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d’une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d’affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé.

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[2] La visite manquée à la Sapienza:
Voici comment Andrea Tornielli présentait le pétard mouillé (http://benoit-et-moi.fr/2008-I) :

"Les enseignants de physique de la Sapienza de Rome ont fait savoir par la presse - plus précisément, La Repubblica - la contrariété qu'ils éprouvaient à cause de la visite du Pape prévue de longue date, et fixée au 17 janvier.
Ils se prétendent humiliés, au prétexte que Joseph Ratzinger serait un ennemi de la science, et à l'appui de leur thèse, ils citent une conférence donnée par le cardinal à Parme en 1990, lui attribuant les affirmations provocatrices d'un philosophe agnostique et libertaire, Feyerabend, à propos de l'affaire Galilée, selon lesquelles à l'occasion du procés fait au savant, l'Eglise était davantage restée attachée à la raison que l'accusé.
Ces doctes chercheurs se sont basés, pour leur attaque, sur les données de Wikipedia et de Google, mais ils ont "oublié" de vérifier sur le texte original, pourtant publié en 1992.
Ils auraient pu s'apercevoir que le futur Pape ne faisait nullement siens les propos du philosophe.
Pauvre université italienne, quelle déchéance: "professori, professoroni, professorini", tous incapables de vérifier une citation!
...
Les mouvements étudiants ont décidé de l'accueillir avec une "frocessione" -c'est-à-dire une procession exaltant l'homosexualité-, et ils préparent des manifestations anticléricales, afin de faire savoir combien l'illustre invité est personna non grata.
Mais le plus inquiétant dans cette affaire, ce ne sont pas les manifestations des étudiants, mais leurs inspirateurs idéologiques, un nombre non négligeable d'enseignants, qui, depuis plusieurs jours se répandent dans les colonnes de la Republicca, pour exiger l'annulation de la visite.
Il s'agit des 67 signataires d'une pétition, s'estimant "humiliés et offensés" à 17 anées de distance (!!), pour des propos que le cardinal Ratzinger avait tenus en s'en dissociant expressément, puisqu'il concluait la citation en disant en substance l'exact contraire des propos qu'on lui prête mensongèrement: "il serait absurde de prétendre que l'Eglise aurait eu raison contre Galilée", et "la foi ne croît pas à partir du refus de la rationnalité".
Une autre affaire Ratisbonne, en somme, mais avec une explosion encore plus retardée!"
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Voir aussi l'article de Sandro Magister http://chiesa.espresso.repubblica.it

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[3] Sentiment de culpabilité - ou comment l'Occident pratique l'auto-dénigrement, laissant le champ libre aux attaques de ses ennemis.
Dans un livre de 1992, "Pensare la storia. Una lettura cattolica dell'avventura umana" Vittorio Messori relatait une rencontre avec l'écrivain belge Leo Moulin
(cf. Sentiment de culpabilité )
...

Moulin me recommande de répéter aux croyants sa conviction, mûrie au cours d'une vie d'étude et d'expérience :
« Croyez-en un vieil incrédule qui s'y connaît: le chef-d'oeuvre de la propagande antichrétienne est d'avoir réussi à créer chez les chrétiens, chez les catholiques surtout, une mauvaise conscience ; à leur instiller l'embarras, sinon la honte, pour leur histoire À force d'insister, de la Réforme jusqu'à aujourd'hui, ils ont réussi à vous convaincre que vous étiez les responsables de tous ou presque tous les maux du monde. Ils vous ont paralysés dans l'autocritique masochiste, pour neutraliser la critique de ceux qui ont pris votre place ».
Féministes, homosexuels, tiers-mondialistes et tiersmondistes, pacifistes, représentants de toutes les minorités, contestataires et mécontents de tous poils, scientifiques, humanistes, philosophes, écologistes, animalistes, moralistes laïques : « Vous avez laissé chacun d'eux vous présenter la note, souvent truquée, presque sans discuter. Il n'y a pas de problème ou d'erreur ou de souffrance de l'histoire qui n'aient été portée à votre débit. Et vous, souvent ignorants de votre passé, avez fini pour les croire, peut-être par leur donner main forte. Moi, au contraire (agnostique, mais historien qui cherche à être objectif) je vous dis que vous devez réagir, au nom de la vérité. Souvent, en effet, ce n'est pas vrai. Et si parfois il y a du vrai, il est aussi vrai que, dans un bilan de vingt siècles de christianisme, les lumières prévalent de loin sur les ombres. Et puis: pourquoi ne pas demander à votre tour des comptes à ceux qui vous présentent ainsi les leurs ? Auraient-ils été meilleurs, par hasard, les résultats qu'eux-mêmes ont obtenu par la suite ? C'est vraiment l'hopital qui se moque de la charité !».