Histoire d'une conversion

"J'ai été un adolescent athée en Union Sovétique": le parcours étonnant de Vladimir, un jeune biélourusse de 39 ans qui a rencontré Dieu et est aujourd'hui curé de village en Espagne. Récit sur Relgion en Libertad, traduit par Carlota. (6/9/2012)

« Nous n’avons pas la vérité c’est elle qui nous a », a dit le saint-Père, s'adressant dimanche dernier à ses anciens élèves du Ratzinger Schüllerkreis.
En voici une belle illustration rapportée par Pablo J. Ginés sur Religión en Libertad.
Original ici http://www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=24657
Ma traduction ci-dessous (Carlota).

 

La conversion, à partir d’une messe dite dans des langues - dont le latin - qu’il ne comprenait pas

Est-il difficile à un adolescent de rencontrer Dieu? Et s’il a reçu et assumé une formation purement matérialiste ? Et si tout au collège, dans la société, discrédite la foi et empêche l’évangélisation ?

Ce qui l’a fait changer ce n’est aucune méthode d’évangélisation ni élaborée ni graduelle, ni un exemple de foi d’amis proches. Ce fut une seule messe, au sujet de laquelle personne ne lui avait rien explique, et en plus, dans des langues qu’il ne connaissait pas: le latin et le polonais. Mais ce n’était pas une messe quelconque : c’était une messe pascale, pleine de joie et de célébration.

Aujourd’hui Vladimir a 39 ans, il est curé de campagne en Espagne et explique sa conversion et ce qui l’a amené à Villardeciervos (ndt très beau et très ancien petit village de quelques 500 hts, non loin de la frontière portugaise dans sa pointe Nord-Est, capitale régional Zamora, province de Castille-Léon – voir ici http://www.escapadarural.com/pueblos/zamora_villardeciervos ).

En 1987, il restait à l’Union Soviétique quatre ans à vivre, mais à cette époque personne ne le soupçonnait. Depuis deux ans, le président Gorbachev parlait de « perestroika » (restructuration) mais cela semblait se limiter à quelques simples retouches économiques. L’article 227 du Code Pénal de la loi du 25 juillet 1962, qui parlait « d’attentat contre la personne sous l’apparence d’accomplissement de rite religieux » était encore appliqué, et on pouvait l’invoquer contre toute personne qui amenait à l’Église un mineur qui n’était pas son fils (la loi avait été pensée pour punir les curés, les catéchistes, les grand-mères et des parents religieux, etc.). La loi était en outre utilisée contre les organisations religieuses d’enfants, les camps religieux pour enfants ou contre les paroisses avec des enfants de chœur. Un enfant ne pouvait rentrer dans une église qu’accompagné de son père. Introduire des mineurs dans ces activités était puni jusqu’à 5 ans de prison ou d’un exil en Sibérie, avec ou sans confiscation des biens. Participer à ces groupes ou en parler était moins grave : seulement 3 ans de prison, de froid sibérien, ou un an de travaux forcés.

Au contraire, le matérialisme le plus déchaîné imprégnait tout l’enseignement scolaire, toujours d’état (ndt toute ressemblance avec l’enseignement en France, serait pure coïncidence). « En biologie nous étudions les étapes de l’évolution ou de la nutrition des plantes sans aucun espace pour le Mystère. La chimie m’enchantait, et mon professeur était vraiment bon, mais le monde qu’il nous présentait était simplement de la matière. On nous disait que Youri Gagarine, le premier cosmonaute, n’avait pas vu Dieu dans l’espace, ils insistaient pour dire que les explorateurs étaient arrivés jusqu’aux confins de la Terre sans voir Dieu. Il y avait un fond idéologique dans les cours », rappelle Hryhoryev.

Le jeune Vladimir était un jeune de 14 ans qui vivait dans la petite ville biélorusse de Miory, dix mille habitants fiers de la viande qu’ils exportaient à Moscou et Saint - Petersbourg (ndt Leningrad jusqu’en 1991). Vladimir s’était complètement approprié le matérialisme officiel. « Moi, comme les autres, je me moquais des enfants qui croyaient en Dieu. Je me payais leur tête. C’est pour cela qu’il n’y avait pas beaucoup d’enfants ouvertement religieux à l’école : ou bien c’était ceux que nous avions coincés, ou bien ceux qui étaient très courageux et ne le cachaient. Ils prenaient du retard en classe parce que tout le monde les traitait mal. Mon père me demandait de ne pas le faire, mais moi je ne l’écoutais pas ».

La famille de Vlamidir était spéciale. À la maison, on parlait le russe et non le biélorusse. Les documents soviétiques, qui donnaient l’origine ethnique, disaient que sa mère était biélorusse, tandis que ses cinq frères aînés figuraient comme polonais. Son père était russe et si on lui demandait, il admettait être orthodoxe. « Papa n’allait pas à l’Église ni ne priait et quand j’étais petit il me disait seulement : fils, tu dois suivre ta conscience », rapporte Vladimir. « Ma mère était catholique de rite latin, et de temps en temps quand elle pouvait, elle allait à l’église. Moi, bébé, on m’a baptisé catholique. Maman était retournée dans sa famille, et elle essayait de laisser un espace pour Dieu. Mes tantes étaient tertiaires franciscaines (ndr Ordre franciscain séculier – OFS, fondé par Saint François, avec des non religieux mariés, aujourd’hui environ 450 000 membres dans le monde) et moi, je ne parlais jamais de religion avec elles, précisément parce qu’elles étaient très croyantes, et en plus je les sentais pas bien parce qu’il me semblait qu’elles traitaient mieux mon petit frère, qui était moins turbulent que moi ».

[Pour en revenir à la messe de Pâques] Les deux jeunes se sont cachés derrières des piliers d’où l’on voyait tout. « De là nous avons vu, par exemple, quelques uns de nos professeurs. Donc quelques uns étaient croyants. D’autres, par contre, étaient là pour espionner ceux qui venaient à la messe de Pâques. Les gens chantaient en latin « Resurrexit ». Il y avait des représentations de la Passion et de la Résurrection. Je ne comprenais rien des chants qui étaient en polonais, ni de la messe, qui était en latin. Et le curé était un Lituanien qui faisait son prêche en russe dont il ne savait que quatre mots. Cependant tout était très beau. Et alors j’ai senti que Dieu existait ».

Vladimir tente de définir ce moment : « J’ai senti que c’était solennel. J’ai senti que les gens remerciaient et célébraient quelque chose de grand. J’ai senti que j’avais une foi très grande. J’ai senti que Dieu n’était pas comme on nous disait dans la propagande athée. J’ai vu que Dieu était bien au-delà de toutes les choses, bien au-delà de la pensée humaine, bien au-delà de la vie, de ce qui se voit. J’ai senti le surnaturel. Et je me suis mis à genoux et j’ai prié. J’étais déjà Sien pour toujours ».

- Qu’est-ce que tu fais? a dit son ami en le voyant à genoux, - si tu ne croies pas !
- Oui je crois, a répondu Vladimir
- Mais si tu ne connais pas les prières !
- Mais je prie avec mes propres mots, a-t-il répondu.

« J’ai eu cette expérience par moi-même, mon ami ne m’a en aucune manière conditionné. Et de fait lui, il n’y croyait pas, rappelle Vladimir.

Ce jeune de 14 ans a commencé à aller à la messe tous les dimanches. « J’y allais de moi-même, pas avec ma famille. Je voulais écouter Dieu, écouter l’Évangile et le prêche. Je m’en imprégnais et le méditait toute la semaine. J’en commentais les thèmes à mon ami. Le curé était un homme jeune, bon prêcheur et un amoureux de la vie et amoureux de Dieu. C’était un existentialiste, mais avec Dieu ; tout lui parlait de Dieu. Il prêchait depuis une chaire élevée, et moi toujours je pensais qu’il me regardait. Il était venu comme missionnaire, de Kaunas (ndt à une centaine de km à l’Est de Vilnius et environ 300 de Miory, près de Mink), et moi j’absorbais tout ce qu’il disait, comme une éponge, bien qu’il parlait très peu le russe ».

Après un an et demi, le curé l’a encouragé à se préparer pour la communion. « Je n’avais jamais ressenti le besoin de communion ; L’Évangile me comblait. Mais j’ai vu que c’était important. Ma mère me disait : communie et cela t’aidera au moment des examens. Mon curé m’a fait apprendre de très longues prières en russe, ma famille me les a apprises en polonais. Je me suis aussi confessé. Ce curé est un type fort, avec du caractère, tout d’un lutteur face au communisme, mais en confessant il était compatissant : dans la confession, avec lui, j’ai fait l’expérience de la miséricorde de Dieu. J’ai fait la première communion à 16 ans, avec le prie-dieu (ndt en 1989). Et je me suis senti léger comme si je volais. Cela a été comme si Dieu m’avait pris dans ses bras et m’avait rempli de confiance. J’ai senti qu’il m’enlevait mes soucis, et je suis rentré ainsi à la maison, léger, comme en volant ».

À 17 ans, après avoir surmonté différentes difficultés, Vladimir est entré au séminaire de Minsk ouvert depuis peu. Il a étudié avec des professeurs qui avaient donné un témoignage fort de leur foi, qui étaient passé par les prisons communistes et par le goulag. Cinq ans plus tard il a connu la Koinonia Jean-Baptiste, une communauté charismatique d’évangélisation (ndt créée en 1979, en Italie, voir ici http://www.koinoniagb.org/...), et et y a fait l’expérience d’un renouveau spirituel qui l’accompagne encore. Il a terminé ses études en Italie et en 2009 est arrivé à la communauté de la Koinonía (ndt voir le site espagnol ici http://www.koinoniajb.es ) à Villardeciervos (diocèse d’Astorga, province de Zamora – voir ici http:// http://www.diocesisastorga.es/ - la légende irait jusqu’à dire que c’est l’apôtre Saint Jacques le majeur qui aurait évangélisé la région, en fait le premier évêque est nommé aux environs de l’an 250, des siècles avant bien des régions de la Gaule encore romaine) où il s’occupe des paroisses de différents villages avec le père Corrado Sperotto, un Italien, et divers membres laïcs consacrés de la communauté.

« Je vois que Dieu peut convertir les gens, en Espagne comme en Biélorussie », affirme-t-il. Maintenant comme le curé lituanien qui l’a tant impressionné, lui aussi évangélise loin de son pays. « Ici aussi dans la province de Zamora, je vois le désir de conversion et de transformation. Il y a des gens qui viennent de notre centre pastoral depuis le Pays Basque, ou depuis Barcelone. Dieu continue à appeler, et je crois que le peuple espagnol reviendra à Dieu par le cœur et non pas seulement pas obligation ».