Justice de Dieu, justice des hommes

Réflexion de Carlota sur la sentence du procès Valiteaks. Et celle d'un blogueur espagnol ami, le père Fortea (7/10/2012)

>> Voir aussi:
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Procès Valileaks
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Vatileaks: pour en finir avec" Zorro" Gabriele

Le verdict est tombé hier: le "corbeau" a été condamné à 18 mois de prison.
Le Père Lombardi, sans doute pressé de questions par les journalistes a déclaré qu'une grâce du Saint-Père dans les prochains jours, est très vraisemblable (annonce pour le moins prématurée, et façon de forcer la main du Saint-Père, à qui revient quand même le dernier mot!!!).

La presse a parlé cette semaine d'"étrange procès", et de manque de clarté, insinuant que "certaines voix critiques y ont vu un camouflage destiné à contenir un scandale plus large. Durant l'instruction, Paolo Gabriele n'avait-il pas déclaré qu'il voulait combattre « le mal et la corruption » au Vatican ?". C'est oublier, au minimum, la nature de certains des documents qui ont été volés (cf. pour en finir avec" Zorro" Gabriele), et surtout, que l'accusé était le valet, et pas le Pape - et qu'à ce titre, il était impensable que viennent déballés publiquement, comme dans une vulgaire affaire de droit commun, des faits qui ne nous regardent en rien.
Les mêmes ont déploré que l'on n'ait pas eu de réponses à "toutes les questions que l'on se posait", notamment sur les motivations du valet, et ses "complices" éventuels (comprendre évidemment: au sein du Vatican, les autres sont intouchables, et de toutes façons inutiles au but recherché).

Aujourd'hui, la presse salue la clémence du verdict, mais certains persistent à pleurer sur le sort du malheureux domestique, mis au piloris médiatique (sic!) et détenu dans des conditions inhumaines dans les geôles du Vatican..

Carlota, et le Père Fortea, sont nettement moins indulgents que les journalistes...

Justice divine, justice des hommes
(Carlota)
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Même si l’on ne doit pas commenter une décision de justice, a fortiori celle d’un pays étranger, et d’un État unique au monde comme l’est le Vatican, l’on peut néanmoins se dire que le valet félon (et accessoirement voleur) qui était quotidiennement au service du Saint Père depuis six ans, a beaucoup de chance d’être jugé aujourd'hui, en la cité du Vatican, car ce qu’il a fait relève de la trahison d’État et à ce titre est passible de la punition que l'on réservait dans un passé pas si ancien (et encore aujourd'hui dans certains lieux) à ce genre de délit (1) ! Mais l’on est à une époque où une femme qui tue son enfant à la naissance peut être acquittée pour déni de grossesse, sans parler bien sûr de l’avortement remboursé à 100%... alors un valet qui, inspiré du Saint Esprit, par amour du Pape et pour le bien de l’Église, a pris quelques documents !

Finalement une petite peine est peut-être la meilleure des punitions. Sa faible importance réduit cet homme, qui se voulait un héros, à rien, ce qu’il est, y compris dans le châtiment reçu, et malgré les éventuels avantages que lui vaudra sa notoriété. Oh, certes la große presse de la médiacratie au service du mondialisme dont l’Église est le principal ennemi, va avoir du grain à moudre. Mais, peut-être que le valet félon, va échapper à cette terrible punition, celle d’être nominé, comme défenseur de la liberté d’expression, comme viennent de l’être les profanatrices de la cathédrale moscovite pour un prix « machin », pardon, le prix européen « Sakharov de la liberté de penser ». Enfin peut-être ? Car en matière de prix pour les services non rendus, re-pardon rendus, au bien commun, nos instances nationales et internationales nous réservent toujours des surprises.
Quant à la grâce que le Saint Père pourrait accorder au valet félon, cela ne se situe pas au même niveau. C’est le fait du prince. Je ne rentre même pas dans le domaine religieux de la repentance et de la rédemption.

Remarque pour ceux qui auraient déjà senti les fumées acres issues de la légende noire sur l’Inquisition: la faute du valet félon relevait, évidemment, d’un tribunal ordinaire de l’État du Vatican et non pas d’un tribunal ecclésiastique.

Le père Fortea dont l’on connaît le franc parler, lui, était plus indulgent que moi, il ne demandait pas la peine maximum, mais 10 ans de prison. Au-delà de l’affaire du valet félon, j’ai traduit ci-dessous son texte, car, in abrupto et dans un langage à l’emporte-pièce, il aborde des questions de société essentielles.

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En toute charité et en toute justice
Père Fortea
(original ici http://blogdelpadrefortea.blogspot.fr)
(L'article est antérieur au verdict)
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Il y a peu de jours, le jugement du maître d’hôtel du Pape a démarré. Le jugement du maître d’hôtel, pas un jugement contre le maître d’hôtel. Parce que la Justice ne se fait pas contre quelqu’un. La justice se fait au sujet de quelqu’un.

Plusieurs médias ont commencé à spéculer sur sa grâce, sur la repentance. Ma petite, humble et insignifiante opinion est que la Justice se fasse, ou dit autrement, qu’on ne le condamne, en aucun cas, à moins de cinq ans. Et je dis, en aucun cas, parce que si j’étais le juge, je le condamnerais à dix ans, pas un de moins. Dix ans sans liberté conditionnelle. D’abord pour avoir révélé les secrets d’un Chef d’État, deuxièmement pour le fait aggravant que ce Chef d’État est le Souverain Pontife, troisièmement pour avoir volé pas mal de choses de très grandes valeurs.

Il existe une chose qui est la responsabilité. On sait ce que l’on risque si l’on fait quelque chose, et même ainsi l’on accepte la contrepartie qu’entraîne le fait de faire quelque chose d’illégal si on est attrapé. Je considère, moi, que sur la balance de la Justice, ses actes signifient dix ans de peine. Et cela en supposant que tout ce qui a été volé sera rendu.

Et ne devrais-je pas être miséricordieux? Je devrais être miséricordieux. Mais le juge se sanctifie en étant, en faisant, la Justice. Si moi, dans un confessionnal, je veux me transformer en juge civil je fais quelque chose d’illicite. Si je juge veut se transformer en confesseur miséricordieux, il fait quelque chose d’illicite.

Certains diront que ce sera suffisant avec cinq ans de condamnation. Cinq ans, c’est le temps qu’étudie tout homme honnête pour travailler et gagner sa subsistance. Cinq ans de travail sans salaire. Que les actes de ce maître d’hôtel soient soldés simplement avec le temps qui est nécessaire pour une carrière universitaire, cela ne me paraît pas rendre la Justice. Une peine doit avoir le caractère d’une sanction. Cinq années seulement me paraissent, plus qu’une peine, une espèce de risque calculé. Si je m’en sors mal, je ne resterai que cinq ans en prison. Cela ne me semble aucunement une tragédie. J’insiste, cinq ans, semble bien mieux une espèce de paiement raisonnable en temps, si cela se termine mal pour moi. Et en sachant en plus que, en sortant, qu’il gagnera de l’argent en concédant des entretiens et en publiant pour le moins, un livre.

On ne peut éviter qu’il gagne de l’argent en instrumentalisant sa trahison. Mais si l’on peut punir une trahison, la punition doit aussi inclure le fait qu’ensuite il va s’enrichir d’avoir commis cet acte illicite. Rendre la Justice c’est punir le fait commis et les intérêts que va lui rapporter, indubitablement, son acte. Parce que la mesure de sa trahison, on peut la mesurer par le bénéfice que sa trahison va rapporter. Dans ce cas, comme dans d’autres, le post factum est inclus dans le delictum . La justice doit s’appliquer au délit qui inclut les conséquences évidentes qu’aura le délit.

Est-ce que je pense que le tribunal le condamnera à une peine comme celle que j’ai dite? Bien sûr que non. Ce tribunal le jugera avec les critères du politiquement correct de notre cher pays et autres similaires. Des pays bénins avec les délinquants et très durs avec tant d’innocents.

Paolo, le maître d’hôtel, peut être sûr d’une chose, il a beaucoup de chance que cela ne soit pas moi, son juge (*).

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(*) Je n’ai pas la dernière réaction du père Fortea ! Celle qu’il aura eu en apprenant la sentence des 3 ans réduits à 18 mois de prison, sans parler de l’éventuelle grâce papale. Je conclurai en disant que les voies du Seigneur sont impénétrables…Justice de Dieu, justice des hommes. (note de Carlota)

(1) Maria Antonietta Calabro écrit dans Il Corriere della Sera que parmi les documents volés non encore publiés, en plus des compte-rendus médicaux dont j'ai parlé, figurent des dépêches diplomatiques qui pourraient faire courir un risque vital à de nmbreux chrétiens dans le monde.