La fatwa dont les medias ne parlent pas

L'attribution du film sur Mahomet (que les commentateurs se contentent de définir comme 'débile', sans chercher à aller plus loin) à des coptes est lourde de conséquences pour la communauté copte dans les pays musulmans. L'Evêque de l'Eglise orthodoxe copte d'Égypte y voit l'acte de Satan. Article dans Vatican Insider (25/9/2012)

Illustration ci-contre: coptes égyptiens (Vatican Insider)

En Egypte et aux Etats-Unis, la fatwa contre les coptes

Dans la polémique sur le film «blasphématoire», la communauté toute entière risque d'être lourdement impliquée. Pour Mgr Paul, évêque de l'Eglise orthodoxe copte d'Égypte, la vidéo est un «acte diabolique»
Raffaele Guerra
Vatican Insider (ma traduction)
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Nader Fawzy est ce militant canadien de la communauté copte orthodoxe accusé, avec Jacques Attalla, d'être l'auteur de «Innoncence of Muslims», le film amateur sur Mahomet qui, ces dernières semaines, a enflammé les communautés musulmanes, conduisant à l'assassinat de l'ambassadeur américain en Libye.
Rejetant toutes les accusations, Fawzy dit qu'il craint pour lui-même et pour sa famille, et a demandé une protection spéciale du gouvernement canadien. Sur lui, en effet, pèse la fatwa lancée par diverses autorités religieuses islamiques, sans parler du mandat d'arrêt lancé par le gouvernement égyptien contre plusieurs membres de la communauté copte orthodoxe aux États-Unis et au Canada, soupçonnés d'avoir pris part à la réalisation du film.

Pendant ce temps, la position de la communauté copte aux Etats-Unis est de plus en plus difficile: l'évêque Sérapion du diocèse de Los Angeles, Californie du Sud et Hawaï a condamné le film. Ici, c'est Nakoula Basseley qui se trouve dans la ligne de mire, étant identifié par les autorités fédérales des États-Unis comme l'un des auteurs. Basseley est un fidèle de la communauté copte orthodoxe de Bellflower, non loin de Los Angeles. L'évêque, dans plusieurs déclarations à l'agence Associated Press, a rejeté toutes les accusations d'implication de la communauté qu'il dirige, faisant toutefois allusion à des «responsabilités individuelles». Des déclarations de condamnation contre le film «incriminé» sont également venues de l'évêque Angaelos, chef de la communauté copte au Royaume-Uni.

Les cas de Fawzy et Basseley, cependant, ne sont pas isolés. En Egypte, en effet, la persécution s'intensifie de jour en jour. Le week-end dernier, le quotidien al-Masry al-Youm a rapporté le cas de sept familles coptes des villes de Rafah et Arish, dans la partie nord du désert du Sinaï. Selon le journal, des tracts auraient été distribués, fixant un ultimatum à l'expulsion de la communauté chrétienne, en menaçant de faire sauter leur propriété. Il y a quelque temps, au plus chaud de la protestation, la communauté copte s'est retrouvée devant la cathédrale du Caire pour protester contre le film, et la hiérarchie de l'Église, dans ce contexte, a déclaré vouloir poursuivre la protestation avec les musulmans.

Il ne fait aucun doute que la communauté copte orthodoxe se trouve, aujourd'hui, dans l'un des moments les plus difficiles de son histoire. Après la perte, en Mars, du pape Chenouda III, qui dirigeait l'Église depuis 1971, et qui en avait «accompagné» la diaspora, consacrant les premiers évêques pour l'Amérique du Sud, l'Australie et l'Italie, aujourd'hui, la communauté copte se trouve en plein dans la transition post-Moubarak.

Chenouda III, exilé, sous Sadate, dans le monastère de Saint Bishoy dans le désert de Nitrie, avait exprimé sa perplexité quant au résultat qui pourraient avoir des manifestations contre le «laïque» Moubarak, auxquelles, cependant, de nombreux jeunes coptes ont pris part. Du reste, la transition ne se révèle pas être favorable: qu'on se souvienne qu'en Octobre 2011, environ huit mois après la démission du président égyptien, plusieurs coptes ont été sauvagement assassinés par l'armée alors qu'ils protestaient contre l'attaque incendiaire d'une église.

Dans le pays, les affrontements entre chrétiens et musulmans se poursuivent et la diaspora semble être le sort de plus en plus certain pour les coptes orthodoxes. Pendant ce temps, dans l'Egypte «libérée» de Morsi, le leader des Frères musulmans, Bishoy Kamel, professeur copte, a été condamné à six ans de prison pour des caricatures sur Mahomet et le président. On n'avait pas vu une telle condamnation depuis le début du siècle dernier, sous les rois de la dynastie de Mehmet Ali.

Le film sur Mahomet, qui a déclenché de violentes protestations dans le monde musulman est «un acte diabolique» Il s'agit de la définition donnée par Mgr Paul, évêque de l'Eglise orthodoxe copte d'Égypte, selon laquelle «Satan utilise les hommes comme instrument pour offenser les religions».

Au cours d'une conférence de presse avec les responsables musulmans et salafistes, dans le cadre de l'Association de l'Égypte pour la Paix, Mgr Paul a invité à prendre ces événements avec une plus grande «objectivité», puisqu'après la sortie du film, on a vu les caricatures venir de France.

«Il ne faut pas trop s'attarder, parce que ces actes ne sont pas faits par des hommes mais par Satan, notre ennemi invisible», a-t-il observé.