La lettre de Jeannine du 15 juillet

"Un survol du temps de repos de notre Pape (18/7/2012)

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Chère Béatrice,



Je reviens brièvement sur l'apparition de Greg Burke (le "spin doctor"). Sur le plan de la communication la situation du Vatican est inconfortable. Je pense que ce poste nécessite beaucoup de détachement, feint ou réel, une bonne dose d'autorité et non d'autoritarisme pour faire passer les améliorations qui doivent être apportées. Je souhaite que son rôle soit reconnu à défaut d'être bien accepté.

Depuis le début des affaires, plusieurs choses m'ont irritée, surtout lorsque les communiqués publiés s'épanchaient sur le sort de "Paoleto" si cher au cœur des Romains pendant que Benoît XVI était accusé de mauvaise gouvernance, comme si le pape avait dans ses fonctions de fouiller la sacoche de toute personne qui l'approche...
Quelle est la part de vérité dans tout cela? On ne le saura jamais. Cette période de grande turbulence a entraîné des manifestations de soutien. Même s'il accueille toujours avec une certaine réserve toute la joie et l'affection qui montent vers lui, je crois que Benoît XVI admet maintenant qu’une certaine fraction lui en revient personnellement et c'est aussi cette part bruyante, enthousiaste, démonstrative, colorée qui le pousse à remercier chaleureusement pour tous les appuis qu'il reçoit.

J'ai apprécié la lettre du 2 juillet au cardinal Bertone; je pensais qu'elle allait être abondamment commentée mais je n'ai rien trouvé. C'est ne rien connaître à l'homme Joseph Ratzinger que d'avoir tout concentré, à tort ou à raison, sur son premier ministre, personnage auquel il est lié par de longues années de collaboration et d'avoir fait de ce dernier un bouc émissaire. Ces intervenants, persuadés d'avoir déclenché un tsunami dont le Saint-Père ne se relèverait pas, ont tout fait, involontairement, pour que le Pape fasse, à une date qu'il a jugé être opportune, une mise au point dans un langage délicat, précis, ferme et sans équivoque. Sous une apparence douce, conciliante, Benoît XVI est tout à fait capable de clore une polémique qui lui déplaît. A travers ses paroles, lors de ses interventions, il est aisé de relever, pour qui veut bien comprendre, sous une politesse exquise, ses mises au point toujours très bien ciblées. Il ne demande rien d'extraordinaire aux journalistes : faire leur métier correctement et être dans une certaine mesure, eux aussi, des coopérateurs de la vérité; ce qui devrait être naturel mais se révèle au-dessus de leurs forces!!.

Le 2 juillet était le jour des précisions puisque Mgr Müller était nommé Préfet de la CDF succédant au cardinal Levada .
Je suis presque inquiète pour la santé de Hans Küng : entre la lettre au cardinal Bertone et la nomination du nouveau préfet je crains qu'il déclare une jaunisse due à un très fort déplaisir; pas de souci, il s'en remettra." Un allemand de plus" ai-je lu je ne sais plus où et en plus un futur cardinal, tout pour plaire!! Depuis mercredi je cherche désespérément les traces d'une curie germanisée!! Après son élection il fallait bien que le nouveau Pape se nomme un successeur et il a choisi le cardinal Levada mais ce dernier n'a jamais eu une position exposée, équivalente à celle du cardinal Ratzinger sous Jean-Paul II et je pense qu'il en ira de même avec le nouveau venu. Le cardinal Ratzinger devenu ami avec Mgr Levada suite à un voyage aux Etats-Unis s'est souvenu de lui pour ce poste à pourvoir. Pour cette position importante et compte-tenu des rencontres fréquentes qu'elle induit, le nouveau Pape choisit un collaborateur dont il apprécie les qualités exigées par la fonction mais avec lequel il sait avoir des affinités, ce qui est bien normal. Benoît XVI connaît le nouveau préfet depuis longtemps et sait à quoi s'en tenir à son sujet. L'amitié, pour lui, est un sentiment très important qui, dans le cadre d'une collaboration directe, se construit sur la base d'un temps de fréquentation et d'une sérieuse évaluation.

Depuis le 3 juillet notre Pape a retrouvé sa résidence d'été après une période troublée qui ne paraît pas l'avoir trop affecté. Les vacances ont fait l'objet d'un bref bulletin avec les dates des activités prévues, point final. Je me souviens d'années où Benoît XVI lui-même parlait de son besoin de repos et d'isolement " vous me verrez peu mais nous serons unis par la prière". Voici un avis tout personnel mais je crois qu'au fond de lui il a été interpelé par les allusions incessantes à sa démission et surtout par le reproche : l'Eglise n'est plus gouvernée. Cela lui fait mal mais il a bien précisé sa position : c'est moi le patron. Notre Saint-Père n'est pas un pur esprit et il me plaît de le voir plus incisif (c’est très relatif). Cet été Benoît XVI n'est pas calfeutré à l'abri des regards. Lorsqu'il était en montagne des précautions maximales étaient prises pour l'isoler, entraînant des commentaires désobligeants, mais, en promenade, il ne fuyait pas les adultes et enfants rencontrés et engageait la conversation; un peu paradoxal me semble-t-il. A l'arrivée, mardi, l'évêque d'Albano affichait un sourire ravi et l'hélicoptère était très attendu. C'est un Benoît XVI serein qui est apparu. A Castel Gandolfo de nombreuses personnes le guettaient à sa fenêtre pour le voir et entendre les paroles qu'il allait prononcer. La petite cité retrouve son hôte prestigieux mais si effacé qui s'installe dans son autre maison, plus chère à son cœur je pense. Je me souviens de ses paroles lorsqu'il visitait la ferme et désignait les ruminants paisibles, objets de tant de soins, sous le qualificatif de " vaches heureuses ", c'était au début du pontificat et cela paraît bien éloigné.

Le 8 juillet on renoue avec les traditionnels Angélus dans la petite cour du palais apostolique. Grande affluence, foule chaleureuse, enthousiaste, vivats, applaudissements, chants. visages radieux levés vers le balcon car il est là tout près, presque à portée de main. Souriant, patient, il s'arrête pour écouter les jeunes grecs qui chantent pour lui, les félicite et les remercie. Des Français présents se manifestent et chaque groupe participe à l'ambiance chaleureuse avec drapeaux, gestes d'affection, musique. Dans cette cour quelques visages paraissent marquer un certain étonnement devant tant d'affection, tant de joie, pour cet homme âgé, à la voix douce, au sourire plein de bonté, qui les accueille, laisse venir à lui cette chaleur réconfortante mais qui veille à ne pas devenir le centre de ce moment de partage; c'est un peu raté; qu'il le veuille ou non il est aimé et on le lui fait savoir. J’apprécie particulièrement ses paroles aux germanophones bien que je ne les comprenne pas. Il est intéressant de bien le suivre car lorsqu'il leur parle, sa voix, ses gestes de mains, un léger haussement d'épaules (comme ce matin-là) pour souligner peut-être une évidence, un début de sourire, tout cela rend le dialogue encore plus proche, plus spontané. Ils doivent avoir l'impression d'être chez eux avec lui. Les religieuses sont toujours un public extraordinaire, très décomplexé.

Dès le lendemain, 9 juillet, comme annoncé, visite du souvenir au centre Ad Gentes de Nemi. Attendu par trois responsables il arrive en voiture. Le lieu est connu de lui mais c'est avec son habituel temps d'observation qu'il salue le premier de ses hôtes tous très souriants puis il se dirige vers la chapelle et l'on a une photo surprenante avec un angle de prise tel que les présents sont des géants qui entrent dans un espace au plafond fort haut; nouvel angle et l'on revient dans le monde normal où il est attendu, photographié et le sourire est présent. Agenouillé pour un temps de recueillement on retrouve son habituelle silhouette dans une attitude sobre. Paroles d'accueil puis réponse de Benoît XVI, debout. Il improvise et c'est le théologien qui parle d'années écoulées depuis bien longtemps et qui dit être heureux de pouvoir les évoquer ici. Devant la belle statue de la Vierge à l'Enfant qui lui est présentée son sourire est heureux; comment ne pas remarquer la douceur du sourire et des mains de notre Pape qui se tendent vers les visages radieux de ceux qui lui présentent la jolie réalisation. Une jeune femme très souriante lui remet une corbeille de produits, accroupie et la soulevant vers lui en geste d'offrande. Fort heureusement des mains charitables viennent au secours du Pape et de la gracieuse personne dont Benoît XVI signe le front avec toujours autant de douceur, de délicatesse. Et c'est la grande photo de groupe avant de serrer des mains; difficile de croire que cet homme affable, humble, qui se laisse accaparer par ceux qu'il est venu voir est le chef de plus de un milliard de catholiques. Avant de regagner sa voiture il admire le paysage depuis une terrasse, un cadre magnifique avec de la verdure, des fleurs, de l'espace, le lac, du silence habité par Dieu et ses hôtes, tout ce qu'il aime. Un bref intermède riche en valeur spirituelle et affective qui va contribuer à son repos. Avant de remonter en voiture il salue longuement les responsables et les personnes qui sont dans les bâtiments ou sur des terrasses ; il aurait pu rester bien plus longtemps car les personnes présentes étaient très empressées pour le voir, toucher sa main, lui dire un mot.

Le 11 juillet c'est la fête à Castel Gandolfo car Benoît XVI reçoit des invités prestigieux dans le palais et se voit offrir un concert dirigé par le Maestro Daniel Barenboïm dans la petite cour. Avant d'assister au concert Benoît XVI a reçu ses hôtes : le président de la République Italienne et son épouse et ils ont marché dans le jardin du Moro, sous les ombrages, avec la vue sur le lac; une promenade bucolique pleine de simplicité mais qui permettait de mesurer combien l'entente, l'amitié étaient bien réelles entre les trois personnes. Faut-il noter qu'autour de la table à l'abri des hauts arbres il y avait aussi le cardinal Bertone, simple question de protocole, je ne sais. Une fois installés pour le concert le Saint-Père ne s'est pas trouvé isolé comme certaines fois. En effet il avait à sa gauche le couple présidentiel et la proximité était palpable. Les attitudes étaient spontanées, des paroles étaient échangées avec simplicité et notre Pape était à l'aise, détendu. La perspective de ce temps voué à la musique ne pouvait que le réjouir de par le choix des œuvres interprétées, par la valeur du chef d'orchestre, le cadre de cette fête. Voir Daniel Barenboïm diriger est un vrai bonheur. Je laissais mes yeux se remplir des gros plans sur les musiciens, admirative devant la beauté des instruments, leur variété, le jeu parfaitement réglé de tous ces exécutants si différents de par leurs origines, leurs sensibilités mais tous réunis dans un même amour de la musique et n'ayant qu'un but: l'excellence de l’exécution sous la baguette magique du maître. Les longs applaudissements et le visage souriant de notre Saint-Père en cours de concert lorsqu'il apparaissait, son commentaire toujours très pointu, ses remerciements chaleureux, debout, en fin de soirée, les mains longuement serrées du maestro et de ses musiciens, tout ce contexte montre à quel point tout était réussi. Pour couronner cette rencontre fruit d'une belle amitié, il a partagé avec ses invités un dîner privé. J'aime les photos où l'on voit Benoît XVI et le président Napolitano, côte à côte, tous les deux avec classe, distinction. Je ne sais rien du personnage politique mais ce que j'ai compris c'est que cet homme doit posséder de réelles qualités de cœur pour être lié à Daniel Barenboïm et à notre Pape et cette amitié me rend heureuse pour Benoît XVI car elle n'a de rapport ni avec son pays ni avec le milieu dans lequel il évolue; je la trouve donc très spontanée.

Pour terminer la série des apparitions publiques du Saint-Père avant une période plus calme de repos et de travail, il reste la messe du 15 juillet à Frascati, petite ville où il vient presque en voisin ainsi que le dit le commentateur de KTO.
C'est un joli cadeau que fait Benoît XVI à cette région qui n'a pas vu un pape depuis 32 ans et qui sous l'impulsion de son " petit " évêque, ainsi que Mgr Martinelli se qualifie, a tout préparé avec soin, affection, pour que le Pape se sente attendu, entouré, soutenu, aimé et la réussite est totale.
Après avoir parcouru les rues de la ville en papamobile vitres baissées, souriant, bénissant, il arrive sur la place : applaudissements," Tu es Petrus" par la chorale à l'intérieur de la cathédrale ; détendu, souriant, bras grands ouverts il laisse venir à lui la joie des fidèles. Des personnes lui sont présentées et le majordome leur remet des chapelets. Moi qui n'avais jamais remarqué l'autre je me surprends à repérer le nouveau que je note dans la procession derrière le Saint-Père avec le docteur.
Lors des balayages de la foule par la caméra il est facile de noter une nombreuse présence d’autorités civiles de la région et même de Rome. Il ne faut pas oublier la forte participation religieuse, l'évêque d'Albano, des religieuses, beaucoup de prêtres pour se joindre à cette visite tant souhaitée. La décoration florale en jaune et blanc, les si jolies maisons aux couleurs chaudes et aux balcons ornés de drapeaux du Vatican, au sol, les armes du Pape en format XXL tout parle d' attente fortement espérée, de grande joie, de véritable fête de la foi autour de celui qui vient les renforcer avec des mots simples, directs, accessibles à tous. Il les comprend et c'est en union profonde avec eux que la célébration va se dérouler.
Accueilli par les paroles fort chaleureuses de bienvenue du Maire il se voit remettre les clés de la ville et son secrétaire donne un chapelet à l'édile. L'évêque accueille à son tour celui qu'il est si heureux de voir dans cette jolie ville devant cette cathédrale-basilique magnifique à la façade très travaillée. Il retrouve celui qu'il connaît depuis plus de 20 ans suite à une collaboration fort appréciée au sein de la CDF. Etrange de constater à quel point les avis divergent sur un seul et même personnage : panzercardinal pour les uns pendant que, pour les autres, il est hautement apprécié pour la solidité de son jugement, l'étendue de ses connaissances, la clarté et la sûreté de ses avis, son affabilité, sa capacité de mettre à l'aise son interlocuteur sans jamais l'écraser de sa supériorité intellectuelle bien réelle pourtant.
La corbeille qui contient les collectes et qui est remise à Benoît XVI est un geste qui lui va droit au cœur de même que la prière écrite par Mgr Martinelli pour cette visite et récitée avec les fidèles debout. L'accolade est chaleureuse et le Saint-Père offre un calice. Pendant toutes ces paroles notre Pape, assis, écoute attentivement mais n'hésite pas, avec un sourire avenant et en se tournant vers la foule, à applaudir lorsqu'il le juge approprié ; lorsque les souvenirs d'un passé commun sont évoqués il y a peut-être en plus un peu d'émotion.
Pour se préparer le Saint-Père regagne l'église, un court moment d'adoration avant de revêtir ses vêtements liturgiques. La caméra fait des incursions dans la cathédrale pour montrer la chorale avec trois rangs complets d'enfants entre autres exécutants. La musique est belle, douce, en parfait accord avec la célébration à l'extérieur dans le recueillement. Comme d'habitude Benoît XVI chante avec les autres. Près du Saint-Père son cérémoniaire veille au bon déroulement avec des gestes prévenants, pleins de délicatesse ; j'aime cette grande silhouette bienveillante, attentive aux côtés de notre Pape. C'est lui qui, à la consécration, remet délicatement en place la tenue afin que la célébration liturgique reste bien ordonnée comme Benoît XVI le souhaite ; sans calotte la coiffure de la magnifique chevelure blanche est loin d'être un chef d'œuvre mais cela n'affecte en rien l'élégance du célébrant. Impossible de ne pas parler de la procession des offrandes et de la participation de Mgr Marini pour permettre aux couples avec enfants de n'avoir personne à l'écart du Pape.
De lui, que noter : sourire, écoute patiente, bienveillante, douceur de la caresse sur la tête du bébé qui dort, de la main qui signe les fronts penchés vers lui ; c'est le célébrant qui, pour un court moment redevient le père attentif à ses enfants, tous ces mots échangés ne sont pas oubliés et vont nourrir la prière du Saint-Père. Il y a des photos magnifiques, des gros plans sur Benoît XVI, un sur le moment où il bénit celui qui va lire l'Evangile du jour, un autre en fin de célébration, pendant le temps de recueillement. La fin de la messe voit son départ ; très applaudi il salue en souriant les participants et les prêtres présents. Domenico Giani est à sa droite et on aperçoit son secrétaire avec un visage ravi ; Benoît XVI rentre dans la cathédrale toujours sous les applaudissements. Il va rejoindre Castel Gandolfo pour l'Angélus. Messe simple mais intense par l'émotion, le recueillement, la riche homélie du Saint-Père, un merveilleux souvenir pour ceux qui ont eux la grâce d'y participer. Il y a bien longtemps lorsque j'ai choisi l'anglais et l'espagnol, je ne pouvais pas savoir que, plus tard, un pape me ferait regretter de ne pas avoir opté pour l'allemand et l'italien.

L'Angélus débute avec du retard ce qui permet à Benoît XVI de s'excuser avec humour en constatant que les personnes présentes ne lui tiennent pas rigueur pour ce temps d'attente. L'évêque d'Albano est arrivé dans la cour du palais et près de lui un des porte-parole si souriant des Italiens ; l’assistance est nombreuse, très chaleureuse, expansive et guette "la" fenêtre pour laisser exploser sa joie de l'avoir, de le voir, souriant, amusé, bras levés grands ouverts, attendant pour prendre la parole. Il parle de Saint Bonaventure, une longue et ancienne fréquentation de Joseph Ratzinger. C'est le dimanche des souvenirs.

Jusqu'à la fin juillet notre Pape devrait retrouver un rythme plus calme pour se reposer en travaillant, en lisant, sa façon à lui de récupérer. Bien sûr il est tenu au courant de tout et reçoit les visites qu'il juge importantes mais le Vatican est éloigné et les rumeurs parviennent assourdies. Cependant je suis persuadée que certains courriers entraîneront de nombreux articles et des réactions virulentes malgré la période estivale. A partir du 1er août nous retrouverons les catéchèses du mercredi sur place et les Angélus le dimanche, c'est ce qui est annoncé. La messe du 15 août est également sans déplacement. Je la suivrai sur l'ordinateur puisqu'elle n'est pas retransmise par KTO. Il doit avoir à cœur de travailler sur son livre et il y a des échéances importantes à préparer ; cependant je souhaiterais vivement qu'il se repose. J'ai noté pour le 3 août une éventuelle rencontre avec des groupes folkloriques de Bavière et pour lui, j'espère, la visite de son frère.

Je vous embrasse affectueusement.

Jeannine