La lettre de Jeannine du 26 novembre

Toute l'actualité de ces derniers jours, de la parution du livre du Pape au "mini-Consistoire" en passant par la visite à la maison de retraite du Janicule - rien n'échappe au regard attentif de Jeannine. Qui nous régale en plus avec humour de quelques coups de griffes bien sentis adressés aux medias. (27/11/2012)

Chère Béatrice,

(…)
Je suis ces jours-ci les retransmissions sur le CTV avec commentaire en français. Les explications fournies sont discrètes et permettent d'avoir quelques détails sur le Saint-Père. Une personne mal voyante ou non-voyante peut suivre pas à pas le déroulement de la cérémonie. Vous nous apportez des précisions fort utiles qui sortent agréablement du style compassé des journalistes habituels dont je lis les parutions (La Croix et le Figaro). Le Parisien, que je ne lis pas, fait même du démarchage à domicile. Je vois ses " unes " à Monoprix où il est en vente, à côté des paniers: titres toujours très accrocheurs.

L'actualité nous offre, en cette période, de multiples sujets qui confortent mon opinion sur la condition humaine et la bêtise qui y est liée. Dans ce climat délétère qui s'installe partout, impossible pour moi de relever le moindre détail qui puisse me faire espérer une quelconque embellie.

Je vous l'ai déjà dit: les médias français ont choisi comme image de marque la nullité crasse. Tout ne peut pas les intéresser, je le comprends mais il faut avoir le courage de ne pas parler de ce que l'on ignore. Le nouveau livre de notre Pape a été une véritable aubaine : pouvoir "bouffer du Pape" (je crois que c'est une expression du Cardinal Vingt-Trois) sans avoir un gros pavé à survoler, sortir quelques mots et en faire le gros titre accrocheur d'un article (Jean-Marie Guénois), dire que les cardinaux ont été créés lors d'une messe pontificale le 24 novembre (J-M G, j'ai réagi et il a répondu), les mêmes lieux communs utilisés, même les journalistes qui se targuent d'une certaine notoriété n'échappent pas à ce nivellement par le bas et je trouve cela lamentable. J'ai acheté le livre de notre Pape, plus exactement mon mari me l'a offert dès le 21. Il n'est pas croyant mais fort intelligent et respectueux des autres; malgré les années qui passent les livres restent les fidèles compagnons de cette tête bien pleine.

Le « grand reporter » de Paris-Match ne me manque pas. L'écouter sur Europe 1 (cf. L'enfance de Jésus: honte aux journaux français! ) ne m'apporterait rien d'autre que de me mettre en colère et faire monter ma tension. Elle a adopté une ligne de conduite à l'égard du Saint-Père que je trouve inqualifiable, mais il ne faut rien attendre d'autre de sa part. Son créneau est la méchanceté pure au service de ce qui me paraît être une rancœur personnelle à alimenter, une espèce de règlement de comptes. Je me demande quelle peut être la matière du livre qu'elle est en train d'écrire ; un sujet inépuisable, Vatileaks : j'espère qu'elle apporte des oranges à Paolo Gabriele, et puis comme Benoît XVI l'avait dit à sa sortie de l'hôpital d'Aoste le 17 juillet 2009 : « il n'y a pas grand-chose à écrire mais on peut toujours inventer ». J'allais oublier : le collège des cardinaux s'étant enrichi de 22 unités en 2012, cela lui aura fourni l'occasion de tendre son micro à ceux qui lui auront livré leurs regrets, leurs critiques, s'ils sont assez naïfs pour en faire leur porte-parole afin de mettre à mal la gouvernance du Saint-Père. La dernière vague me paraît moins accessible mais par l'intermédiaire des papiers écrits par les collègues on peut broder. Elle a choisi la dérision, le mensonge, la calomnie, l'éreintement; pour se faire reconnaître, elle a pris un chemin que je trouve méprisable mais qui est malheureusement très porteur à notre époque. Elle jette ses paroles en pâture comme de la poudre aux yeux pour masquer son ignorance totale: comment peut-on avoir l'audace de comparer Benoît XVI aux médias qui ont besoin de faire "le buzz"!!

La politique est un sujet qui ne me passionne pas et ce ne sont pas les guignols qui s'agitent sur la scène actuellement qui me feront changer d'avis : des marionnettes qui font trois petits tours et puis s'en vont. J'ignore ce qui se passe dans les autres pays mais la France offre un spectacle décevant et je trouve cela regrettable; apparemment le ridicule est toujours attractif et il a un gros avantage : il ne tue pas. J'avoue regretter cet avantage.

Mgr Georg Gänswein revient sur le devant de la scène (cf. Don Georg reste aux côtés du Pape). Ce n'est pas la première fois que son départ est annoncé. Cet homme élégant, discret, ferme, tient le cap mais doit avoir de solides ennemis; sa fidélité au Saint-Père, ses prises de position abruptes lorsqu'il le juge nécessaire, sa discrétion, sa protection rapprochée ne doivent pas lui attirer que des sympathies. J'apprécie infiniment Benoît XVI et l'intérêt affectueux que je lui porte ne faiblit pas avec le temps mais je resterais sans voix si j'apprenais qu'il accorde à son secrétaire un pouvoir excessif analogue à celui donné par son prédécesseur à l'actuel cardinal Dziwisz lorsqu'il était son double (merci de m'avoir appris cela via Sandro Magister - chiesa.espresso.repubblica.it). Chaque chose à sa place: le secrétaire ne travaille pas pour le cardinal Ratzinger devenu par la grâce de Dieu le Pape Benoît XVI mais pour le successeur de Pierre donc pour Dieu avant tout, nuance importante. Si Jean-Paul II vivait avec table ouverte, béatifications distribuées comme des bons points, promotions ultra-rapides, amitiés plus que fidèles au point de protéger des personnalités douteuses, il n'en va pas de même avec l'actuel Souverain Pontife et j'apprécie. Les deux secrétaires ont intérêt à préparer leur avenir car il n'y aura pas de faveurs pour eux. Depuis samedi Mgr Gänswein est dans la procession d'entrée, derrière le Saint-Père, dans la même tenue et a à sa gauche le remplaçant provisoire ou définitif (je ne sais) de Mgr Harvey dont le poste est vacant. Le nom de ce nouveau proche de Benoît XVI finira bien par être publié. Revenons à Vatileaks, on peut toujours trouver une raison pour parler d'une personne surtout dans le climat nauséabond qui a régné pendant plusieurs mois au Vatican.

* * *

Dans un article paru dans le Figaro du 29 septembre 2012 J-M Guénois dit que tout s'est joué le lundi 21 mai dans une pièce de l'appartement de Benoît XVI. Son secrétaire particulier, Georg Gänswein, a réuni la « famille pontificale » : son secrétariat particulier, les religieuses qui sont à son service ( ce sont des laïques consacrées, erreur de qualification) et son majordome, Paolo Gabriele. Mgr Gänswein, 56 ans, est allemand. Il a toute la confiance de Benoît XVI qui l'a autorisé à tenir cette réunion en son absence. Visage très sombre le fidèle secrétaire interroge donc, un à un, les membres de ce premier cercle demandant si quelqu'un a transmis au journaliste Nuzzi de tels documents. Réponses négatives, Gänswein se tourne vers Paolo Gabriele. Son regard n'est plus celui de la confiance, alors qu'ils semblaient complices, quand on les voyait sur la papamobile lors des audiences du mercredi place Saint-Pierre. Il sort son atout-maître : « Deux lettres » publiées n'ont pu sortir du bureau du Pape autrement que par le majordome? Interloqué d'être si rapidement découvert, Paolo Gabriele commence par nier de « façon décisive et absolue »> confie Mgr Georg Gänswein. Il s'emporte même. Comment lance-t-il à son supérieur direct, une telle accusation a-t-elle pu naître « dans la tête »du secrétaire personnel du Pape? Deux jours plus tard, Paolo Gabriele apparaît une dernière fois, lors de l'audience générale du Pape. Il est ensuite arrêté par la gendarmerie vaticane. Interrogé, il reconnaîtra les faits. Il écrira même au Pape pour demander pardon.

J’ai recopié une partie de l'article que j'ai en entier, tout cela pour justifier mon étonnement lorsque j'ai lu que Mgr Gänswein était enlisé dans l'affaire Vatileaks et qu'il ne jouissait plus de la confiance de Benoît XVI. Certains détails me semblent invérifiables et je me pose la question : qui a raconté cette confrontation? (1) Cependant et compte-tenu de l'arrestation du mercredi suivant je penche pour une part de vérité.

Ce mini-consistoire m'a beaucoup plu car j'y ai retrouvé un Benoît XVI heureux, souriant. Rien d'étonnant à cela puisque c'est lui qui l'a décidé, annoncé (on n'est jamais si bien servi que par soi-même et la collégialité n'a pas toujours que des bons côtés) et donc qui l'a organisé en fonction de ses vœux. Les critiques qui ont suivi celui de février ont été entendues et le Saint-Père a prouvé qu'il en tenait compte. Décision approuvée ou pas, je ne sais mais il est resté fidèle à ce qu'il avait décidé en reportant même la création de Mgr Müller, son concitoyen et proche, préfet de la CDF, titre qui correspond à un siège cardinalice. Pour lui foi et charisme se conjuguent harmonieusement avec la raison pour permettre d'être en accord avec soi-même. La couleur rouge du cardinalat n'est pas un avancement de grade mais un lien encore plus fort avec le successeur de Pierre pour l'aider, le conseiller et il n'a pas omis de rappeler que tous les sacrifices demandés peuvent aller jusqu'au sacrifice suprême: celui du sang pour l'Eglise, ce qui était très approprié pour quatre des nouveaux. Je crois que même après ces années on retrouve le "jeune" pape qui avait dit oui mais avait l'intention de se réserver quelques petits espaces de liberté afin de pouvoir réaliser des intentions personnelles. Il continue d'écrire avec bonheur pour lui et pour le lecteur. Ses discours sont toujours aussi bien construits et le professeur nous prend par la main pour le suivre tout au long de l'évolution de sa pensée. Sous une apparente simplicité il faut s'imprégner de ses paroles, les textes sont fouillés, bourrés de références et les qualificatifs élogieux qui accompagnent les appréciations sur ses publications, ses homélies, ses catéchèses contribuent à donner encore plus d'ampleur au personnage.

Le mois de novembre a été un mois bien rempli. J'avais pensé que ce serait une période plus calme et je m'étais lourdement trompée. Visites de personnalités, audiences à des groupes et discours, visites Ad Limina, invitation le 14 novembre à la maison de retraite romaine. Cet intermède a été un vrai bonheur. Je reprends les paroles de Frédéric Mounier parlant de Benoît XVI « arrivé avec les traits tirés il est reparti rayonnant ». C'est vrai qu'il était touchant de voir cet homme âgé si à l'aise avec ses contemporains, simple, attentif, patient, souriant avec un visage plein de bonté, s'adaptant à l'état de la personne rencontrée, laissant ses mains à celles qui les cherchaient, mangeant avec ses hôtes une tranche de gâteau, le tout avec un naturel superbe.
Toujours beaucoup de fidèles présents aux audiences avec le même enthousiasme, pour les Angélus la place Saint-Pierre, même sous la pluie, est pleine de vie, de cris de joie, de visages radieux levés vers cette fenêtre si lointaine.
Le mini-consistoire s'est déroulé avec un Pape souriant, visiblement ravi par cette foule dense, cette présence amicale, chaleureuse, qui venait de loin mais savait honorer celui qui leur avait fait un magnifique cadeau en leur créant un cardinal. Je ne sais pas ce que cela représenterait pour la France mais je pense que la ferveur ne serait pas identique. Samedi 24 : une heure de simplicité, une réunion presque familiale, de la joie, beaucoup d'émotion, un Saint-Père très paternel pour entourer son jeune cardinal, très disponible, attentif et pour terminer: l'image finale de Benoît XVI en tenue de pasteur remontant la nef vers la sortie, sans personne devant lui dans l'allée centrale et ses proches le suivant. Il est rare de l'avoir en premier plan très éloigné, personnellement je ne me souvenais pas l'avoir déjà vu ainsi photographié. J'ai aimé, il m'a paru que l'ampleur de la basilique était en parfaite adéquation avec la grandeur de l'homme qui regagnait ses appartements et qui me faisait penser au capitaine à l'avant de son bateau.
Dimanche 25 : ambiance différente, grande célébration pour la fête du Christ-Roi avec six concélébrants: les nouveaux cardinaux. Le Saint-Père est toujours très souriant et salue en remontant vers le maître-autel. J'ai apprécié les paroles de remerciement du cardinal Harvey (Consistoire: le Cardinal Harvey au Pape) : pleines de chaleur exprimée avec réserve, si vraies ( la théologie à genoux), si sincères. Il ne levait pas la tête pour s'adresser au Pape mais ses yeux se relevaient sans cesse pour le regarder. Les paroles étaient préparées mais elles n'étaient pas dites du bout des lèvres. J'ai aimé les applaudissements nombreux qui l'ont interrompu pendant son allocution samedi; visage détendu, souriant il attendait patiemment pour continuer et laissait les fidèles présents exprimer leur joie, leur reconnaissance. Lorsqu'il remontait la nef dimanche pour se retirer avant l'Angélus le commentateur du CTV faisait remarquer que si les places étaient vides dans les travées c'est que tous les fidèles avec appareils photos, caméras, tablettes, téléphones étaient regroupés au bord de l'allée centrale pour emporter une photo de son sourire, de son visage serein, de sa personne, un souvenir de cette célébration si porteuse de joie. Pour le Pape à sa fenêtre la foule était toujours là place Saint-Pierre sous un ciel bleu sans nuage. Pour clôturer ce week-end l'audience accordée ce lundi 26 aux cardinaux et aux personnes venues les accompagner, les encourager, a été un temps entre parenthèses, la fin d'une fête de famille. Un Benoît XVI égal à lui-même, accueillant, simple, disponible pour les personnes qui lui étaient présentées, humble dans son attitude sans effets de voix ni grands gestes : tout ce que j'aime. Pendant que tout ce monde parlait il saluait, bras grands ouverts, et regagnait ses appartements.

Je vais arrêter cette lettre. Comme vous pouvez le constater notre Pape est toujours au cœur de mon attention. Je suis aussi les visites Ad Limina des évêques français car elles recèlent des appréciations inattendues de la part des évêques et surtout elles sont l'occasion de discours du Pape qui le placent bien loin du panzerkardinal, du préfet rigide de la CDF que les médias ont véhiculé à travers le monde. Moi je savais cela depuis longtemps mais certains prélats paraissaient éprouver une certaine appréhension comme des petits garçons ayant peur de se faire réprimander, ridicule.

Je vous souhaite une bonne fin de soirée.

Jeannine

Note

(1) Le récit est exact.

Je reprends ci-dessous un article que j’avais publié il y a maintenant plus de 3 mois : Vatileaks: vers le dénouement? (14/8/2012)

Le bureau de presse du Vatican venait de rendre public (lundi 13 août) le texte intégral de l'acte d'accusation du majordome du Pape, Paolo Gabriele. Ce texte figure en italien sur le site du Saint-Siège (http://press.catholica.va/), et j’en avais résumé les grandes lignes, sans le traduire, mais je signalais effectivement « la réunion dramatique de la famille Pontificale (le Pape n'était évidemment pas présent, mais informé), le 21 mai, où le valet a été confondu par le Secrétaire ».

Voir également Vatileaks: vers le dénouement? (II) et Vatileaks: vers le dénouement? (III)