La lutte de Jacob avec Dieu, par Rembrandt

Le tableau de Rembrandt commenté par Serge Ceruti sur son site Images de la Bible nous remet opportunément en mémoire la catéchèse du Saint-Père du 25 mai 2011 (12/11/2012).

Dans un discours prononcé à l'issue de la projection d'un film réalisé pour le 500e anniversaire de la Chapelle Sixtine, le Saint-Père rappelait:
"Le langage de l'art est un langage parabolique, avec une ouverture particulière à l'universel: la «via Pulchritudinis» est un chemin capable de guider l'esprit et le cœur au Seigneur, de les élever à la hauteur de Dieu" (cf. Le chemin de la beauté , 26 octobre)

Le très beau site Images de la Bible, déjà présenté ici (cf. Comprendre l'iconographie chrétienne) est une illustration idéale de ces propos du Pape
Sa Newsletter n°2 nous parle du combat de Jacob, et du tableau de Rembrandt qui reproduit la scène décrite dans le Livre de la Genèse. En la recevant, je me suis évidemment souvenue de la catéchèse du Saint-Père du 25 mai 2011, dans laquelle il nous expliquait justement la lutte de Jacob avec Dieu au gué du Jabot.

Faisant le résumé en français, le Saint-Père expliquait alors:

Dans ma réflexion sur la prière, je m’arrête aujourd’hui sur l’expérience particulière de Jacob avec Dieu, relatée par le livre de la Genèse. Seul dans la nuit, le Patriarche est assailli à l’improviste par quelqu’un de mystérieux qu’il n’arrive pas à identifier à cause de l’obscurité. Jacob se défend vaillamment et demande le nom de son rival qui répond par la même question. En donnant son nom, Jacob se rend et devient paradoxalement vainqueur. L’être mystérieux lui donne alors un nouveau nom : Israël qui signifie : Dieu est fort, Dieu triomphe. Cette nouvelle identité témoigne de la victoire de Dieu, qui donne gratuitement la bénédiction à Jacob. La tradition spirituelle de l’Église a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance. C’est la longue nuit de la recherche de Dieu, de la lutte comme en un corps à corps symbolique, pour connaître son nom et voir son visage. Nuit de la prière et du désir de Dieu, qui culmine dans un abandon de soi à sa miséricorde. Chers amis, toute notre vie est comme cette longue nuit de combat et de prière, habitée par le désir de la bénédiction divine, qui, reçue avec humilité, nous change réellement et nous donne une nouvelle identité.

Le texte complet, dans ma traduction, est ici: benoit-et-moi.fr/2011-II
Et voici le commentaire de Serge Ceruti - qui renvoie par ailleurs à son site: www.imagesbible.com/
Ci-dessous, côte à côte, les trois tableaux cités, de gauche à droite: le Rembrandt, Paul Baudry et Delacroix.
En passant, je touve un peu sévère le jugement sur Baudry, mais évidemment, il est dur d'être comparé à un géant.

(Serge Ceruti)

J'ai vu cette peinture en 2010 à Berlin, à la Gemäldegalerie. C'est une huile de 137 x 116 cm qui saisit le spectateur. Le sujet n'est pas d'emblée reconnaissable, car le contexte si visible chez Delacroix est ici complètement évacué. L'ange est une figure féminine, vêtu de blanc, il a les bras largement ouverts. De Jacob on ne voit que le dos, il a un visage serein, les yeux clos, dort-il ? rêve-t-il ? est-il en extase ? ou au contraire tellement tendu par son effort ? L'ange et Jacob sont enlacés dans la lutte ? dans une relation qu'on pourrait voir comme une étreinte amoureuse entre un homme et une femme, mais aussi entre une mère et un fils. Le seul élément qui rappelle le combat est le mouvement de la jambe de l'ange contre la hanche de Jacob, c'est plutôt la fin du combat, le moment de la bénédiction. Jacob sort de l'épreuve grâce à la persistance de sa foi, la grâce de Dieu lui est accordée. Et nous ne sommes pas vraiment spectateurs, nous sommes placés derrière Jacob, invités à le suivre dans son mouvement, sa démarche, sa rencontre avec celui qui le provoque et auquel il résiste victorieusement. Toute la spiritualité de Rembrandt.

Il me fallait mettre une autre image en regard et j'ai choisi une oeuvre mineure, très académique mais dont la composition a quelques caractères communs avec celle de Rembrandt. L'angle de vue est comparable, l'ange est une vraie femme, le combat devient fusionnel mais l'accent est mis sur la force de Jacob qui prend l'ange comme un Romain enlève une Sabine. La dimension spirituelle a complètement disparu. Ce tableau est de Paul Baudry , un contemporain de Delacroix, il date de 1852 et son accrochage a déclenché un scandale, si bien que le peintre l'a gardé, et qu'il se trouve maintenant à la Roche/Yon sa ville natale.