La valeur permanente de Nostra Aetate

Le cardinal Kurt Koch sur la validité de «Nostra Aetate» et la question lefebvriste (8/11/2012)

Du 28 au 30 octobre dernier s'est tenu au Vatican la réunion plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme.

A cette occasion, le cardinal Koch, responsable, entre autre, des relations avec le judaïsme, s'est largement exprimé devant son auditoire juif, sur la déclaration Nostra Aetate... et sur la réintégration de la FSSPX.
Cela peut sembler une association incongrue, mais ce n'est pas vraiment une nouveauté, comme on en jugera en relisant cet article, racontant comment, déjà en mai dernier, le cardinal Koch avait dû "rassurer" le Président du Bundestag, au moment où les pourpalers entre le Saint-Siège et la Fraternité semblaient sur le point d'aboutir (cf. http://benoit-et-moi.fr/2012(II) ).

On peut donc aussi voir cela comme une démarche diplomatique indispensable, et de bon augure, dans le processus de régularisation du statut des lefebvristes.

Raffaella avait cité sur son blog un compte-rendu de l'Agence SIR. Je l'avais traduit, au cas où, mais pas publié, ayant constaté, en lisant le bulletin VIS, que la rencontre n'avait pas fait l'objet d'un message particulier du Saint-Père (à moins que cela ne m'ait échappé, auquel cas je rectifierais bien volontiers).

Aujourd'hui, c'est l'OR (Raffa cite l'article entier ici) qui publie "de larges extraits de l'exposé du cardinal Koch".
Je ressors donc ma traduction.
On verra qu'il est question du caractère contraignant de Nostra Aetate (le titre de l'OR est "La valeur permanente de Nostra Aetate"). Une déclaration du Concile dont on parle beaucoup mais que l'on cite rarement.
Le texte (pas très long) est donc à lire ici: www.vatican.va/archive
Mon amie américaine Teresa qui a elle aussi traduit l'article de SIR remarque à ce sujet:

Tout en réalisant que les remarques de Koch ont été prononcés lors d'une assemblée plénière spécifique sur les relations entre catholiques et juifs, il ne faut pas oublier que Nostra Aetate ne concerne pas seulement les relations avec le judaïsme, mais avec les autres religions non-chrétiennes: hindouisme, boudhisme, islam sont explicitement mentionnés. En effet, le titre complet est DÉCLARATION SUR LES RELATIONS DE L'ÉGLISE AVEC LES RELIGIONS NON CHRÉTIENNES.
Il ne faut pas non plus ignorer ce qui est le 'coeur' de la déclaration:

L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses.

     

La boussole du dialogue.
Le cardinal Kurt Koch sur la validité de «Nostra Aetate» et la question lefebvriste
(Texte en italien: paparatzinger5blograffaella.blogspot.it/ )
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« Par rapport aux Juifs, le Saint-Père m'a demandé de présenter la question de façon correcte: 'Nostra aetate' n'est en aucune façon remise en question par le Magistère de l'Eglise, comme le pape lui-même l'a démontré à maintes reprises dans ses discours, ses écrits et ses gestes personnels, envers le judaïsme; un rapprochement avec la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ne veut pas dire que les positions de ladite Fraternité soient acceptées ou appuyées».
La question lefebvriste est le point crucial abordé par le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, parlant il y a quelques jours lors de la réunion plénière de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, qui a eu lieu au Vatican du 28 au 30 Octobre. C'est la troisième fois (après les rencontres de 1982 et 2005) que la Commission organise une assemblée plénière à Rome réunissant les consultants et les délégués des Conférences épiscopales, responsables des relations avec le judaïsme. Parmi les questions abordées lors de la rencontre, un bilan sur les négociations menées, une vue d'ensemble des initiatives locales, la possibilité d'introduire une «Journée du judaïsme» au niveau des Conférences épiscopales individuelles, et la célébration du 50e anniversaire de «Nostra Aetate» qui aura lieu le 28 Octobre 2015.

La possible réadmission de la FSSPX .
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Dans le discours d'ouverture - rendu public le 6 novembre - le cardinal Kurt Koch, qui préside la Commission du Vatican pour les relations religieuses avec le judaïsme, consacre le premier paragraphe à la «question lefebvristes» afin de clarifier les doutes et les fausses interprétations générées par la «possibilité d'une réadmission de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X dans l'Eglise catholique romaine» et réaffirmer que la déclaration conciliaire «Nostra Aetate» est et reste «encore le document fondateur, la Magna Charta du dialogue de l'Eglise catholique avec le judaïsme» et «la boussole indispensable à tous les efforts visant à promouvoir le dialogue judéo-catholique». Le Cardinal précise: «La question de l'importance et de la validité de la déclaration du Concile "Nostra Aetate" a été soulevée, et pas seulement par les Juifs. Les Juifs craignaient qu'à travers un acte éventuel de réintégration d'un certain nombre de prêtres et de fidèles ayant des tendances anti-juives, lesquels rejettent fondamentalement "Nostra Aetate", l'Eglise catholique pourrait donner une nouvelle orientation au dialogue avec le judaïsme, ou du moins que l'importance pour toute l'Eglise de cette déclaration conciliaire pourrait être relativisée». «Du côté catholique aussi - a ajouté le cardinal Koch - on a parfois entendu des voix», selon lesquelles "Nostra Aetate" ferait partie des "Declarationes" qui auraient une importance mineure et dont le caractère contraignant pourrait être considéré comme plus limité par rapport à d'autres textes. Mais ce n'est pas le cas parce que «du point de vue du contenu» tous les textes du Concile «ne peuvent pas être séparés les uns des autres ou opposés», mais doivent être «vus et pris au sérieux dans leur interrelation».

"Nostra Aetate" et les Juifs (1)
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"Nostra Aetate" rappelle «le lien profond qui unit spirituellement le peuple de la Nouvelle Alliance à la lignée d'Abraham».
«Elle affirme de manière décisive qu'il faut éviter le mépris, l'avilissement et l'outrage envers le judaïsme et, plus encore, souligne explicitement les racines juives du christianisme. Elle discrédite également l'accusation de «déicide» qui, malheureusement, a été adressée en bloc aux Juifs en divers endroits au cours des siècles». Et dans la lutte contre toutes les formes d'antisémitisme, «les Juifs continuent à être réconfortés par l'espérance de trouver dans l'Eglise catholique un allié fiable dans la lutte contre l'antisémitisme, qui, dans le monde d'aujourd'hui n'a toujours pas été éradiqué».

Benoît XVI et les Juifs.
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Le cardinal Koch a également exprimé sa gratitude pour les efforts de dialogue entrepris par Benoît XVI «dès le début de son pontificat» pour «renforcer les relations avec les Juifs. Sur cela, il ne peut y avoir aucun doute». Et en rappelant les étapes les plus importantes de cette histoire d'"amitié" entre le pape et les juifs, le Cardinal commente: "Nous pouvons dire avec gratitude qu'aucun autre pape dans l'histoire n'a visité autant de synagogues que Benoît XVI». Le dialogues entrepris avec l'International Jewish Committee on Interreligious Consultations (IJCIC) et le Grand Rabbinat d'Israël a lui aussi contribué au cours des 40 dernières années à tisser des relations de sorte que «l'affrontement traditionnel est devenu une collaboration fructueuse, le bellicisme a été remplacé par la capacité à gérer positivement les conflits et la simple coexistence est devenue solide amitié. Les liens d'amitié tissés dans cette période se sont révélés résistants, de sorte qu'il a été possible de traiter même de questions controversées, sans le risque de causer des dommages permanents au dialogue».

     

Note

(1) Nostra Aetate:

La religion juive

Scrutant le mystère de l’Église, le saint Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament à la lignée d’Abraham.

L’Église du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, chez les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche, et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C’est pourquoi l’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l’antique Alliance, et qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les Gentils. L’Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un seul.

L’Église a toujours devant les yeux les paroles de l’apôtre Paul sur ceux de sa race « à qui appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, et de qui est né, selon la chair, le Christ » (Rm 9, 4-5), le Fils de la Vierge Marie. Elle rappelle aussi que les Apôtres, fondements et colonnes de l’Église, sont nés du peuple juif, ainsi qu’un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l’Évangile du Christ.

Selon le témoignage de l’Écriture Sainte, Jérusalem n’a pas reconnu le temps où elle fut visitée; les Juifs, en grande partie, n’acceptèrent pas l’Évangile, et même nombreux furent ceux qui s’opposèrent à sa diffusion. Néanmoins, selon l’Apôtre, les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance. Avec les prophètes et le même Apôtre, l’Église attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et « le serviront sous un même joug » (So 3, 9).

Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le saint Concile veut encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel. Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la Parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ.

En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs.

D’ailleurs, comme l’Église l’a toujours tenu et comme elle le tient encore, le Christ, en vertu de son immense amour, s’est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l’Église, dans sa prédication, est donc d’annoncer la croix du Christ comme signe de l’amour universel de Dieu et comme source de toute grâce.