Le cadeau posthume à L'Eglise du cardinal Martini

L'interviewe date du 8 août dernier, et a été publiée samedi 1er septembre sur Il Corriere, reprise par le Monde et le NYT! Il y parlerait d'une Eglise fatiguée, en retard de 200 ans. De quoi donner raison à ceux qui, comme Antonio Socci, persistent à voir en lui un diviseur. (2/9/2012)

>>> Cf. La mort du cardinal Martini

Cette dernière interviewe a été faite par le Père jésuite Georg Sporschill, avec lequel il a co-écrit "Conversation nocturme à Jérusalem", paru en français sous le titre "Le rêve de Jérusamem", cf. http://benoit-et-moi.fr/2010-I (1) .
Elle est reprise avec délectation par Le Monde qui titre Dans une interview posthume, le cardinal Carlo Maria Martini s'en prend à l'Eglise catholique .
Si le cardinal n'était pas mort peu après, elle n'aurait pas été publiée. Ou plus exactement, certains la gardaient sous le coude pour en faire un testament sprituel. Contre l'Eglise. Contre Benoît XVI.
Il Corriere précise: "Le cardinal a lu et approuvé le texte". Il savait donc.

Antonio Socci, rencontré à plusieurs reprises dans ces pages a des comptes personnels à régler avec l'icône des media.
C'est trop "italien", et trop "pointu" pour nous intéresser ici.
Mais il y a un certain réalisme dans cet article publié hier, que j'ai partiellement traduit (www.antoniosocci.com)

Je ne suis pas Martinien, je suis catholique
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En voyant l'océan de louanges démesurées du cardinal Martini sur les journaux d'hier, j'ai pensé au Sermon sur la montagne où Jésus avertit les siens ainsi: « Malheur à vous quand tous les hommes diront du bien de vous» (Luc 6, 24 - 26).
Les vrais disciples de Jésus sont en effet un signe de contradiction: «Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est sien, mais parce que vous n'êtes pas du monde (...) le monde vous hait. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi»(Jn 16, 18-20).
Puis Jésus indiqua à ses disciples cette béatitude: «Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent, et quand ils vous mettent au ban, et vous insultent et qu'on rejettera votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'homme. Réjouissez-vous ce jour-là et exultez, car voici que votre récompense sera grande dans les cieux »( Luc 6,20 à 23 ).

Une chose est certaine, Martini a toujours été porté en triomphe par les médias du monde entier depuis des décennies, et encensé par les plus anti-catholiques et plus hostiles à Jésus-Christ et à son Eglise.
Qu'est-ce à dire?

Vous objectez que cela ne dépend pas de sa volonté? Mais les faits disent que Martini a toujours cherché les applaudissements du monde, a toujours caressé le Pouvoir (celui de la mentalité dominante) dans le sens du poil, celui des modes idéologiques des journaux laïcs, obtenant les applaudissements et les éloges.
Il a été un invité régulier et honoré des salons médiatiques jusqu'à ses derniers jours.

Ou bien il vous semble qu'il a refusé l'exaltation instrumentale des médias qui pendant des années l'ont acclamé comme l'antipape, comme l'antithèse de Jean-Paul II puis Benoît XVI?
Pour moi, c'est non. Pourtant, il aurait pu le faire avec des mots fermes et clairs, comme l'a fait don Lorenzo Milani , lorsque la presse progressiste et la gauche intellectuelle et politique disaient: «il est des nôtres».

Lui répondait, indigné: «Mais comment, des vôtres! Je suis un prêtre et c'est tout». Quand ils essayaient de l'utiliser contre l'Église, il leur rétorquait brutalement, «dans quel sens est-ce que je pense comme vous? Mais en quoi?... Cette Église est celle qui possède les sacrements. L'absolution des péchés, ce n'est pas L'Espresso qui me la donne. La communion et la messe, c'est eux qui me les donnent? Ils doivent se rendre compte qu'ils ne sont pas en position de juger et de critiquer ces choses. Ils ne sont pas qualifiés pour juger».
Et encore: «Il m'a fallu 22 ans pour sortir de la classe sociale qui écrit et lit L'Espresso et Il Mondo. Ils doivent me snobber, dire que je suis naïf et démagogue, ne pas m' honorer comme l'un d'eux. Parce que je ne suis pas l'un d'eux... La seule chose qui importe, c'est Dieu...».

Ces merveilleuses paroles de Don Milani, nous aurions voulu les entendre du cardinal, mais nous ne les avons jamais entendues. Jamais. A la place, nous en avons entendu d'autres qui nous ont déconcertés, plongés dans la confusion, nous catholiques ordinaires. Paroles dans lesquelles il était le contrepoint ponctuel à l'enseignement des papes et de l'Eglise.
Au point qu'hier, la «Repubblica» a pu l'encenser en ces termes: «il n'a jamais condamné l'euthanasie», «du dialogue avec l'islam au "oui" au préservatif».
Tout ce que les modes idéologiques imposaient, trouvaient Martini ouvert au dialogue, "possibiliste": « ce n'est pas mal que deux personnes, y compris homosexuelless, aient de la stabilité et que l'Etat l'encourage», a-t-il dit.

Il est tout à fait légitime - pour quiconque - de professer ces idées. Mais pour un cardinal de l'Église catholique romaine? N'y a-t-il pas une contradiction flagrante? Qu'imposerait la loyauté?
Quand un cardinal affirme: «Je serais heureux d'être catholique, et tout aussi heureux que l'autre soit évangélique ou musulman», ne proclame-t-il pas l'équivalence de toutes les religions?
Qui se souvient de quelque vibrante déclaration de Martini en contradiction avec les idées du «politiquement correct»? Ou qui se souvient d'une dénonciation ardente en défense des chrétiens persécutés?
Moi, je ne m'en souviens pas. Il préférait discuter avec Scalfari (ndt: fondateur de la Repubblica, aujourd'hui à la retraite, cf. benoit-et-moi.fr/2009/) et - souligne ce dernier - «il n'a jamais rien fait pour me convertir». Je le crois. En fait, Scalfari était ravi de se sentir ainsi secondé dans ses caprices philosophiques.
Dans la deuxième lettre à Timothée, Saint Paul - enjoignant au disciple de prêcher la saine doctrine - prophétise: «Les jours viendront où ils ne supporteront pluss la saine doctrine, mais démangé par le désir d'entendre quelque chose, les hommes s'entoureront de maîtres au gré de leurs passions, refusant d'écouter la vérité, et se tourneront vers les fables» (Timothée 4, 3-4)
Dans sa dernière interviewe (1), critique avec l'Église, Martini se demandait où sont «les hommes qui brûlent», les gens «qui ont la foi comme le centurion, enthousiastes comme Jean-Baptiste, qui osent le nouveau comme Paul, qui sont fidèles comme Marie-Madeleine?».

Évidemment, il n'en voit pas parmi ses adeptes, mais il y en a beaucoup dans l'Eglise. Dommage qu'il les ait tant combattus (...)
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L'interviewe

(1) Il Corriere della Sera, 1er septembre.
Ma traduction ici: Document: le testament du Cardinal Martini