Le flirt dangereux de François Hollande

... avec l'euthanasie. Comme il n'est pas stupide, et très conseillé, il n'a pas prononcé le mot, lors de sa visite d'hier à la maison notre-Dame du Lac, de Rueil Malmaison, qui est spécialisée dans les soins dits palliatifs. Mais ses propos inspirent un vrai malaise. Surtout lorsqu'il improvise: "Faut-il, peut-on aller plus loin? ... C'est un débat noble, digne, qui fait qu'une société avance, et qu'elle maîtrise et les temps, et les consciences". (18/7/2012)

Une société qui avance

Le discours oral déborde légèrement du texte publié sur le site de la Présidence de la République (video complète ici, extrait ci-dessus découpé à partir de 15') , et les quelques mots rajoutés, même avec un phrasé hésitant, sont très significatifs.

Pour faire passer l'idée, il est évidemment très habile de mettre l'accent sur les soins palliatifs (qui pourrait ne pas être d'accord?), soulignant les cas extrêmes de souffrance physique , qu'il convient de soulager (les mêmes artifices dialectiques avaient justifié l'avortement), et de rendre hommage au personnel dévoué et compétent qui travaille dans les unités spécialisées (idem).
Mais dénoncer par anticipation ceux qui se livreraient à la "caricature" revient à discréditer toute opposition - dès lors qu'elle émanerait de milieux réputés "intégristes"; et imposer de "laisser la parole aux personnes autorisées et sereines, qui se dévouent dans les unités de soins palliatifs", comme je l'ai lu quelque part sur internet, donne à ces personnes, aussi méritantes qu'elles soient, une légitimité morale qu'elles ne peuvent pas avoir plus que moi, ou M. Hollande, pour trancher cette question, en plus de faire peser sur elles une responsabilité écrasante, qui ne peut leur revenir. Elles ont au contraire, plus que quiconque, besoin d'être éclairées, pour résister aux sirènes qui leur murmurent "vous serez (nous serons) comme des dieux".

Voici donc ce qu'a dit le Président, et en gras, ce qui a été rajouté au dernier moment:

Faut-il, peut-on aller plus loin?
...
C'est un débat noble, digne,
qui fait qu'une société avance, et qu'elle maîtrise et les temps, et les consciences.


Extrait du discours:
http://www.elysee.fr/president/...
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Nous devons aussi aborder le sujet le plus douloureux qui soit qui est celui du droit à mourir dans la dignité. J'allais dire du droit à vivre dans la dignité. Car c'est le droit fondamental qui est celui de permettre à chacune et à chacun de vivre pleinement sa vie. J'entends et je respecte les consciences et les voix, venues notamment des autorités spirituelles qui affirment ce principe essentiel, respectable, selon lequel tout instant de vie mérite d'être vécu.
Mais quiconque a vu un proche mourir dans de terribles souffrances physiques, morales, saura de quoi je parle. Il arrive parfois un moment où le souffle de la vie ne semble plus exprimer que le souhait de mourir. Ce n'est pas à la collectivité de décider de ce moment, de le définir ou de le déterminer. Mais c'est à elle de reconnaître qu'il existe. Lorsqu'il n'y a plus aucune issue, lorsque la douleur est trop forte, la seule question qui se pose est de savoir après combien de souffrances, combien de temps d'épreuves, la mort surviendra.

La loi dite « Léonetti » du 22 avril 2005 autorise déjà et c'est un grand progrès, toute personne malade à refuser un traitement dont elle estime qu'il est devenu déraisonnable. Elle donne aussi au médecin le droit d'interrompre ou de ne pas entreprendre les traitements qu'il estime inutiles. Il n'y a donc plus en France au moment où je parle de légitimation de l'acharnement thérapeutique. Et il faut que tous les malades et toutes les familles le sachent : ce droit existe. Et nous ferons tout ce qu'il sera possible de faire pour rendre aussi clair que possible les droits qui sont déjà prévus dans nos lois. De la même manière, nous devons appliquer tous les éléments de cette législation dite « Léonetti » et notamment les soins palliatifs. Car plus nombreux seront les lits de soins palliatifs, plus diverse sera l'offre de soins, meilleure sera accompagnée la vie.

Faut-il, peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l'abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager des patients aux prises avec une douleur irréversible ? Et qui appelle un acte médical assumé au terme d'une décision partagée et réfléchie ? Poser cette question, c'est ouvrir une perspective qui elle-même entraîne un débat. Et les questions sont multiples :
A quel moment l'issue peut-elle être considérée comme fatale ?
Comment évaluer le caractère insupportable d'une douleur ?
Comment recueillir le consentement d'un patient ? Et s'il ne peut être obtenu, sur quel autre fondement peut-on prendre cette décision
?
Le débat mérite d'être engagé. Il doit se faire dans l'apaisement, en refusant les caricatures, les polémiques et les batailles. C'est un débat noble et digne (qui fait qu'ne société maîtrise et le temps, et les consciences).

Un travail de réflexion, d'information, de concertation sera donc conduit et j'ai confié la mission de mener ce travail au Professeur Didier SICARD, ici présent, Président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique (ndlr: Voici son ordre de mission: www.elysee.fr/....pdf ).
A partir des propositions qu'il me présentera, le Comité consultatif national d'éthique sera saisi et pourra délibérer dans le cadre de ses attributions et de ses missions.

Voilà Mesdames et Messieurs le message que j'étais venu porter. C'est-à-dire d'abord celui de la reconnaissance d'un travail qui est mené dans des institutions comme celle-ci, des maisons comme les vôtres. Travail qui est assumé par des professionnels de grande qualité, des personnels dévoués, dignes, qui méritent toute la considération de la Nation.

L'éditorial du Monde d'hier, auquel j'ai eu accès grâce au site Fine Settimana (et que j'ai donc re-traduit en français!) posait - pour une fois -la bonne question:

Au-delà des cas médicaux les plus extrêmes, c'est vraiment un débat éthique de fond qui est posé.
La commission Sicard pourra difficilement éviter une réflexion sur la demande qui vient de la société, qui s'exprime toujours plus sur l'euthanasie. Sous la double impulsion du vieillissement et de l'individualisme contemporain, le désir de choisir le moment de sa propre mort devient une revendication de plus en plus diffuse dans les sociétés occidentales. La mort est de moins en moins perçue comme ce moment ontologique qui échappe à l'individu. La société doit-elle organiser cette volonté de contrôler sa propre vie jusqu'à la fin? Ou doit-elle laisser la responsabilité à l'individu?

* * *

Pour conclure, je donne une fois de plus la parole au saint-Père.

Visitant, le 18 septembre 2010, une maison d'accueil pour personnes âgées, à Londres (cf. site du Vatican), il a dit
La vie est un don unique, à chaque stade, de la conception jusqu’à la mort naturelle, et c’est Dieu seul qui donne et qui reprend.