Le @pontifex du Pape

Les réserves de Carlota (qui explique ce que recouvre le nom choisi pour le compte "twitter" du Pape)... et le commentaire d'un blogueur espagnol notoire, Diego Contreras (6/12/2012)

J'essaie, par le biais de cette rubrique (@pontifex ) d'élargir au maximum la réflexion, car je ne suis pas encore bien sûre de ce qu'il faut attendre de cette initiative, ni si on doit s'en réjouir, ou la déplorer.
Pour l'instant, et en attente du premier "tweet", j'aime bien l'idée que le Pape vient faire un bout de chemin avec nous sur le Réseau... (cf. Le coeur des jeunes n'est pas virtuel).
Je laisse ici la parole à Carlota, plutôt sceptique. Comme moi, elle a besoin de place pour s'exprimer! Elle a aussi beaucoup d'arguments, dont on admettra qu'il est impossible de les faire tenir dans un "tweet".

     

Le @pontifex du Pape

I.- Le choix de l’adresse @pontifex

Evidemment le pontifex est un mot latin qui permettra à la planète catholique de ne pas avoir à supporter la langue de l’actuel mondialisme à la triste figure et aux conséquences pas vraiment heureuses, mais aussi de ne pas faire de jaloux. En effet le mot latin papa qui existe aussi (et qui était employé même avant le christianisme, dans le sens de père nourricier ou même de pédagogue), aurait pu être choisi d’autant qu’il est identique en italien, espagnol, portugais par exemple et donc directement compris par la majorité des catholiques au niveau mondial, même ceux qui ne pratiquent pas le latin. Mais comme il est rappelé plus bas, pontifex a une signification historique et spirituelle bien plus profonde

Un pont avec Dieu
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Bien que les spécialistes ne sont pas unanimes quant à l’étymologie du mot pontifex, pontificis, m., l’interprétation la plus généralisée est qu’il provient du substantif pons, pontis, m., qui signifie pont, auquel l’on aurait ajouter suffixe fex, dérivé du verbe facere qui signifie faire. Un « pontife » serait ainsi un homme qui « tend des ponts » entre Dieu et l’homme, qui facilite notre chemin vers le ciel.
En effet, et là est l’origine historique du concept, le Pontifex Maximus (cf notre Gaffiot: Pontifex maximus – Cicéron – De lege agraria, 2 -18 , traduit en français par le Grand Pontife) était dans la Rome Antique le président du collèges des pontifes, c'est-à-dire, des prêtres. Le nombre qui alla en augmentant et la mission qui leur avait été confiée était la Pax Deorum, la paix (des) avec les dieux, en conseillant les magistrats, en interprétant les oracles ou en présidant les funérailles. La charge était élective jusqu’à ce que Auguste (43 av.JC – 14 ap. JC), alors que naissait l’Empire, en finisse avec ce système. Lui-même fut donc le premier Pontifex Maximus, es-fonction comme empereur.

Privilège des empereurs
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Ce fut justement sous son mandat que naquit le Christ et que quatre siècles plus tard le vicaire du Christ sur la terre assuma la dénomination. La conversion de Constantin, l’édit de Milan en 313 qui donna la liberté à l’Église (plus précisément la liberté pour les chrétiens d’exercer leur culte) et la considération du christianisme comme religion officielle de l’Empire avec Théodose en 380 a enlevé tout sens au rôle religieux de l’Empereur. En 381 Gratien renonça au titre et il fut ainsi le dernier Pontifex Maximus de la Rome classique.

La Rome chrétienne avait un autre pont avec Dieu. Ce fut l’époque du Pape Saint Damase 1er (366-384) et désormais il n’y eu plus d’autre Pontifex Maximus que le Pape, bien que l’Annuaire Pontifical n’inclut pas ce titre parmi ceux qui correspondent à l’évêque de Rome.

(Une des sources de l’info : religionenlibertad.com)

II.- D’un usage amusant et pédagogique de ce moyen de communication
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Le Cardinal Ravasi a envoyé récemment un message par compte « twiter ».
Pour rester dans la pratique du latin, quelque peu ébauchée dans le paragraphe précédent (une pratique qui est de plus en plus et de nouveau appréciée à sa juste valeur, et pas que par les fidèles de la liturgie selon le motu proprio summorum pontificum, mais aussi pour les textes profanes et y compris en Chine et parmi les étudiants), je ne résiste pas au plaisir de citer le garritus (*) que le prélat a envoyé pour l’ouverture de l’Académie Pontificale de Latinité suite au motu proprio Latina lingua):
« Hodie una cum Ivano Dionigi novam aperiemus academiam pontificiam latinitatis a Benedicto conditam, hora XVII, via Conciliationis V »
Une manière amusante de se remettre au latin ou de s’y mettre à fond!
(Source de l’info : religionenlibertad.com)

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(*) Plutôt que d’employer le néologisme phonétique de facilité et vaguement latin de tuitum; j’ai essayé de trouver un mot plus authentiquement sur mon vieux Gaffiot pour traduire un gazouillis et je me suis orientée vers le verbe garrio et l’un de ses substantifs comme garritus-us-m, qui évoque aussi l’idée de bavardage. Affaire à suivre !

III.- Et de l’utilité d’un compte @pontifex pour le Saint Père
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À titre personnel, et peut-être aussi du fait d’anticorps ataviques que j’ai en moi (avec une double culture française et hispanique, cela aide !) contre le virus planétaire anglo-américain imposant sa langue, sa pseudo-culture, sa vision du monde, des bons et des méchants, je n’ai guère de sympathie pour tous les machins mis sur le marché soit disant pour rapprocher les hommes mais surtout pour les faire toujours plus consommer et leur mettre de nouvelles chaines (comme si pour vivre, à tout instant, il fallait envoyer des trucs à la terre entière. Où est l’intériorité, où est le temps du silence et de la réflexion ?).
Néanmoins, je ne suis pas contre les nouvelles technologies si elles me permettent certaines facilités, en sachant qu’en situations dégradées, ce qui nous paraissait un acquis définitif et indispensable, peut disparaître d’un coup, et nous vulnérabiliser encore plus. Bref le « twiter » et les « twitts » ne sont pas mes préoccupations premières et je ne m’intéresse que très médiocrement à cet outil possible de convivialité virtuelle factuelle et parfois factice des réseaux dits sociaux. Ces réseaux peuvent peut-être rapprocher des gens qui ne peuvent se voir mais peuvent également éloigner ceux qui se voient tous les jours. Aussi à l’annonce du compte « Twiter », je suis restée très dubitative sur cette nouvelle idée d’un « sous-fifre » du Vatican en veine de je ne sais quoi.
Cela ne m’empêche pas d’apprécier le choix de l’adresse @Pontifex qui rappelle l’importance de la mission du Successeur de Pierre, l’universalité intemporelle et neutre du latin et j’espère que les petits messages reçus permettront d’apporter au bon moment quelques lumières de la parole du Christ à ceux qui en ont besoin. La Providence s’exprime parfois de façon étonnante. Mais c’est aussi peut-être beaucoup de bruit pour rien, ou plutôt beaucoup de bruit médiatique qui involontairement a empêché l’essentiel d’être entendu ? À voir à l’usage.

Diego Contreras qui est un journaliste espagnol travaillant à Rome et qui tient un blogue consacré à l’Église dans la presse, s’est aussi posé la question de l’utilité d’un compte « twiter » pour le Pape (original ici www.laiglesiaenlaprensa.com). L'article date du 12 novembre dernier, soit bien avant l'emballement médiatique autour de la présence du Pape sur Twitter

Le Pape a-t-il besoin d’un compte Twitter?
Eh bien, je crois que non!
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Il y a quelques jours, durant un séminaire qui avait lieu à Rome, j’ai demandé à José Luis Orihuela (@jlori), l’un des plus grands experts en réseaux sociaux, comment il interprétait le fait qu’une entreprise comme Apple soit institutionnellement absente des réseaux sociaux. « Ils n’en ont pas besoin » m’a-t-il répondu, «leurs clients enthousiastes font le travail pour eux».
Cette phrase m’est revenue à quand j’ai lu le plan, - on ne dit pas au Vatican par qui il a été promu - qui précisait que le Pape aurait son compte sur Twiter.
Selon ces informations, les twitts apparaîtraient au compte-gouttes et reprendraient quelques phrases des documents du Pape, avec son approbation. Le premier est attendu peu avant la fin de l’année.
Comme le sujet est très discutable, je n’ai aucun inconvénient à admettre que l’idée ne m’enthousiasme pas. En outre je reconnais que cela me gêne un peu que l’on présente cela comme une expression de ce que le Vatican va, enfin, marcher au rythme de son temps…
L’argumentation de mon peu d’enthousiasme est simple : les réseaux sociaux sont des instruments de conversation, d’interaction ; par Twitter, il y a des personnes qui me suivent et que je suis, il y a un échange. Le compte du Pape ne sera pas ainsi: il se limitera à émettre quelques phrases, au moyen d’une mini-prédication. De la même façon il ne va pas dans le sens de faire « suivre » à quelqu’un, car logiquement il ne va pas interagir. Je laisse de côté l’usage abusif, ironique, offensif, etc., que l’on peut faire des « twitts » du Pape. Pour moi le plus significatif est qu’il pourrait s’être agi d’une présentation peu en adéquation avec le moyen de communication. On dira que c’est la même situation de compte « twiter » que celui du président Obama, etc… Ok, mais ça c’est du marketing politique. Le Pape c’est autre chose.
Par conséquent, qu’il y en ait beaucoup à se faire écho des mots du Pape, de ses interventions, propositions et suggestions, et qu’ils conversent sur ces thèmes sur la toile. Mais il n’est pas nécessaire d’y inclure le Pape. Cela étant dit, je reconnais aussi qu’il est possible que je me trompe, et que l’idée fonctionne parfaitement.

Nota en marge: […] le compte Twitter du Pape sera tenu par un fonctionnaire anonyme qui travaille au Vatican (enfin des fonctionnaires car il en faut pour chaque langue, ce qui serait normal, ou alors un seul pour le latin!). En outre, il s’exprimera à condition de maintenir l’anonymat. Bien que je suppose que ce que veut cette personne c’est éviter de se poser en protagoniste et au contraire de se maintenir dans un discret second plan, cela ne manque pas de pittoresque que cela soit une source anonyme qui offre une information sur quelque chose en relation, en définitive, avec la transparence de la communication…a conciencia

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IV.- Un petit sondage à propos du @pontifex
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Le portail « religión en libertad » a posé la question suivant le 5 décembre 2012: « Suivras-tu le Pape sur Twitter ? ». Je n’ai pas le nombre de participants mais cela a donné (pourcentages arrondis) (original ici http://www.religionenlibertad.com/encuesta.asp ):
44% : oui et je le re-twiterai consciencieusement
8% : non bien que j’en sois heureux
2% : oui, mais seulement quelques jours par curiosité
4% : non, cela me paraît inutile que le Pape twite.
42% : je n’ai pas de compte
On voit donc que chez ceux qui ont participé au sondage, près de la moitié a un compte et presque tous ceux qui ont un compte s’apprêtent à diffuser le message. C’est déjà une bonne chose donc.
Par contre dans les commentaires de ceux qui n’ont pas de compte, certains déclarent qu’ils n’ont pas de compte parce que on leur a dit trop de mal sur ce moyen de communication, un autre dit que le Pape n’a pas besoin d’un compte et enfin une personne déclare : « je vais prendre un compte pour suivre les messages du Pape».