Le respect du téléspectateur: une leçon mexicaine?

Pedro Fernandez

La vedette de la telenovela mexicaine

A travers le cas d'un feuilleton télévisé dont les producteurs ont accepté de revoir le scenario de façon drastique parce qu'il heurtait les sentiments religieux des spectateurs, Carlota nous rappelle que ce sont ceux-ci, s'ils se mobilisent, qui ont le dernier mot, et aussi, que la foi des simples (qui fait chez nous cruellement défaut) ne s'en laisse pas conter... (14/10/2012)

>>> Voir aussi: Le vrai-faux prix d'"Ainsi soient-ils"

Ainsi soient-ils: le syndrome de Stockolm

Il y a une partie de l'Eglise, en France, qui développe vis-à-vis de ses bourreaux (pour le moment, seulement médiatiques, mais il se pourrait que l'on passe à autre chose de plus substantiel) une variante du syndrome de Stockolm.

Une nouvelle preuve est encore administrée à travers les réactions suscitées dans certains milieux catholiques par la diffusion de la série d'Arte Ainsi soient-ils.
Il suffit de comparer le résumé donné par le programme télé du Figaro (1) et la note lénifiante du Service national des jeunes et des vocations de la Conférence des évêques de France (2)
Le mot d'ordre, déjà expérimenté après le film Amen, le Piss Christ, la pièce de Castellucci, les insultes contre le Pape consécutives à la réintégration des évêques lefebvristes ou aux propos sur le préservatif, est toujours le même: pas de vagues! Répondre aux provocations par la douceur, en argumentant "de façon calme, posée, réfléchie, adaptée". (voir ici le blogue de JB Maillard qui s'en est fait une spécialité: www.jesusprems.com/2012/09/ainsi-soient-ils-faut-il-reagir/ )
En admettant - ce qui reste à prouver - que cette attitude soit dictée uniquement par le souci de suivre le précepte évangélique du "quand on te frappe la joue droite, tends la joue gauche", force est de constater, au vu des résultats, qu'elle est totalement contre-productive (autrement dit, l'indifférence serait infiniment préférable à cette bouillie buoniste), puisqu'on assiste manifestement à un crescendo dans la caricature et l'insulte. Continuez ainsi, chers amis catholiques. Vos ennemis (difficile d'utiliser un autre mot) cherchent à tester votre capacité de résistance. De cette façon, ils sont comblés, et ils auraient tort de s'arrêter.

A ces catholiques courtois et victimes volontaires, rappelons ces propos de Benoît XVI il y a tout juste cinq jours, lors de sa méditation d'ouverture du Synode:

Le chrétien ne doit pas être tiède. L'Apocalypse nous dit que c'est le plus grand danger pour un chrétien: qu'il ne dise pas non, mais un oui très tiède. Cette tiédeur, justement, discrédite le christianisme. La foi doit devenir en nous flamme de l'amour, une flamme qui réellement enflamme mon être, devient une grande passion de mon être, et ainsi enflamme le prochain. C'est la voie de l'évangélisation...

Et rappelons aussi ce que dit Jésus: Malheur à celui par qui le scandale arrive...

* * *

(1) vmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/divertissement/72035/ainsi-soient-ils-une-imposture.html
L'ancien meurtrier converti va finir, poings liés, avec deux balles dans le dos. Le jeune scout angélique avec une bonne dose de drogue dans le lit d'une rockeuse. Le jeune homme riche de bonne famille dans celui de la femme de son meilleur ami. Le jeune Noir dans la chambre de son ami séminariste.
Quant au niveau « supérieur »,
ce n'est pas le sexe mais le pouvoir brutal de prélats sans scrupule, l'appétit de l'argent, la déchéance alcoolique qui rongent prêtres, évêques et cardinaux.
La caricature à l'extrême et la puérilité du scénario atteignent leur paroxysme quand apparaît le pape : un débile en survie grâce aux camomilles d'une religieuse marâtre. Et ce n'est pas moralisme étroit que de critiquer sur ce plan cette série dont le moteur est précisément le scandale, une rupture, entre un idéal de vie fondé sur le renoncement au monde et ses trois tentations, sexe, pouvoir, argent.

(2) www.jeunes-vocations.catholique.fr/download/1-18378-0/note-du-snejv-sur-la-serie-ainsi-soient-ils.doc

 

Le respect du téléspectateur : une leçon mexicaine

Carlota
13/9/2012
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Sans vouloir comparer le feuilleton « Ainsi soient-ils » et les téléspectateurs d’Arte, avec « Cachito de cielo » (*), l’une des dernières « telenovelas » mexicaines et les centaines de millions de fans de ce genre de programme sur Televisa, le plus important conglomérat multimédia mexicain, qui émet au profit de tous les hispanophones d’Amérique, de l’Alaska à la Terre de Feu, je rapporte ici un fait car il montre peut-être la force de la foi et du bon sens des « simples » qui ne s’en laissent pas conter.

Mais d’abord quelques précisions :
« Telenovela » est la contraction des mots espagnols télévision et roman, et le terme générique d’un genre qui désigne des feuilletons sentimentaux et plus ou moins familiaux interminables (cf la version « Dallas » de l’autre côté de l’actuelle frontière avec les Etats-Unis). L’on y trouve comme protagonistes à côté des héros, des rôles secondaires joués par des anciennes vedettes de cinéma très célèbres. Dans la série qui nous occupe aujourd’hui, le personnage masculin principal est interprété par Pedro Fernández, un chanteur très connu (né en 1969 à Guadalajara) de par son répertoire « ranchero », mais qui fait également des chansons sentimentales version plus mondialo-sans-saveur.
Dans « Cachito de cielo » il devait jouer un jeune curé (cf. www.youtube.com/watch?v=kZuewPIIHkw).
Le feuilleton avait été annoncé dans la presse en ligne de tous les pays d’Amérique hispanique et le chanteur-acteur lui-même avait déclaré à The Associated Presse (plus ancienne agence de presse étatsunienne) que le père Eduardo Chávez (ndt peut-être l’un des postulateurs pour la cause de béatification de Juan Diego Cuauhtlatoatzin, le voyant de la Vierge de Guadalupe ?– pas d’autre précision dans l’article) lui avait exprimé son plaisir de le voir jouer un prêtre, même s’il s’agissait d’un prêtre quelque peu hors norme. Cette information avait été reprise plus ou moins fidèlement dans la toile hispanophone et par exemple sur un portail argentin l’on pouvait lire : « Pour la première fois de sa longue carrière Pedro Fernández se met en soutane et joue un prêtre dans une telenovela comique Cachito de Cielo et l’acteur-chanteur mexicain semble avoir conquis un nouveau soutien : le monsignor de l’archidiocèse de Los Angeles », tandis qu’était mis en référence un journal de Miami (Floride) en langue espagnole (ici) !

Or le scénario du feuilleton n’a pas plu au public. Et pourtant ce n’était pas, bien sûr, la première fois qu’il y avait des curés sur les petits et les grands écrans au Mexique.
Explications (en vo ici , ma traduction)

La productrice admet que Cachito de cielo a offensé la religion
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La productrice Giselle González a admis que Cachito de cielo, un feuilleton mexicain interprété dans les rôles principaux par Pedro Fernández et Maite Perroni, a offensé les sentiments religieux de beaucoup de catholiques, et à la demande du public, des changements drastiques au scénario de la série, dont la diffusion se termine le 20 novembre prochain, ont dû être réalisés.

« Nous avons toujours pris des risques dans les histoires que nous avons racontées et du fait que Cachito de cielo avait le ton d’une comédie, jamais nous n’aurions pensé que le public se sentirait attaqué, mais les spectateurs ont considéré que c’était un manque de respect envers les croyances religieuses ».

Erreur admise et corrigée
«Nous avons tenté de nous justifier par le fait qu'il s'agissait d'une comédie et une fiction, mais les gens ne l’ont pas accepté et nous avons corrigé l’erreur que nous avions commise, de ne pas avoir envisagé dès le début que cela pouvait arriver » a expliqué Giselle González lors de l’entretien avec l’agence de presse Notimex.

La productrice, reconnue pour son travail dans des succès de télévisions […] fait référence au feuilleton sentimental qui au début de la trame met en scène Renata (jouée par Maite Perroni) et Chava (joué par Pedro Fernández), donc un curé.

Le fiancé se réincarne en curé
En fait, Chava n’exerce pas comme curé en tant que tel, il joue Mane de la Parra dit Cachito qui, par erreur meurt dans un accident (ndt avant son mariage) et au Ciel ils décident de le renvoyer sur Terre, mais dans le corps d’un curé.

« Le but de cette entreprise (Televisa) n’a jamais été d’attaquer le public, mais de le divertir, nous avons donc choisi d’enlever l’habit de curé à Chava. Le Mexique est un peuple de catholiques et de fidèles fervents de la Vierge de Guadalupe, et tous nous ont dit que cette relation ne pouvait être possible et encore moins quand nous avons commencé la programmation du feuilleton à la suite de la Rose de Guadalupe (ndt autre telenovela). Ce n’était pas possible de montrer un curé qui essayait d’obtenir l’amour charnel d’une jeune fille ».

C’est le public qui commande
«Bien que l’argument du feuilleton n’était pas ce que les gens ont pensé, - il s’agissait d’une erreur du ciel sur le ton de la comédie - nous avons du corriger à temps car c’est le public qui commande et nous travaillons pour lui », a-t-elle admis. […]

Après les changements opérés, Giselle González a assuré que l’audience était restée satisfaisante, et même que le même que le taux d’audience avait progressé.

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(*) Cachito de cielo – petit morceau de ciel (le film nord-américain de 1940 «A Little Bit of Heaven » avec Robert Stack, le futur incorruptible du feuilleton bien connu, portait ce titre dans les pays hispaniques). Cachito [mío] peut aussi devenir un mot doux d’affection dans le sens de mon petit à moi (espagnol du Mexique).