L'Ecosse prête à légaliser le mariage gay

et le cardinal O'Brien, archevêque d'Edimbourg, monte vigoureusement au créneau, réclamant un referendum. A ce propos: dans son article, l'AFP commet une grave faute professionnelle en inversant les chiffres de la consultation publique, qui aurait donné deux tiers de oui en faveur du projet. Selon le Telegraph, c'est deux tiers de non! (5/8/2012)

Lu sur internet

Une note de l'AFP en date du 25 juillet, reproduite par Le Figaro.fr:

L’Écosse va autoriser le mariage gay
L'Ecosse projette d'introduire dans l'année une loi autorisant le mariage homosexuel, devenant ainsi la première province (sic) du Royaume-Uni à permettre les unions gay, ont annoncé aujourd'hui les autorités locales.
Le vice-premier ministre écossais Nicola Sturgeon a jugé que "c'était le bon choix", à l'issue d'une consultation publique où 65% des opinions exprimées (sur un total de 80.000 personnes interrogées) se sont prononcées en faveur du mariage homosexuel. Tous les grands partis politiques écossais se sont prononcés en faveur du mariage gay.

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L'information a été reprise sans contrôle par de nombreux sites francophones.
Or, le Telegraph lui apporte un démenti formel, puisqu'il inverse purement et simplement les chiffres annoncés par l'AFP (je ne traduis pas, c'est de l'anglais basique):

Gay marriage to be legalised in Scotland despite two thirds of people opposing change
...
The SNP (Scottish National Party, de centre gauche, actuellement au pouvoir) administration faces a backlash from religious leaders after the results of a public consultation, published to coincide with the announcement, showed
64 per cent of respondents opposed the change.
Only 36 per cent backed the move
but Miss Sturgeon argued that other surveys showed a majority are in favour. A record 77,000 people responded to the consultation, three times as many as gave their views on the independence referendum.

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J'ai du mal à croire qu'il s'agit d'une simple erreur de traduction. Si tout le reste est à l'avenant...
Le cardinal O'Brien a manifestement une autre approche que ses confrères français. Il en paie le prix fort, en terme de traitement médiatique.
Et en plus, à ce jour, le site de l'archidiocèse est piraté par des pubs sur le viagra...
On voit d'où viennent les attaques.

L'article de Corrispondenza Romana

Le cardinal O'Brien défie le pouvoir
http://www.corrispondenzaromana.it/il-cardinale-obrien-sfida-il-potere/
(De Gianfranco Amato )
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Keith Patrick O'Brien, cardinal de la Sainte Eglise romaine, archevêque de St. Andrews à Édimbourg, Président de la Conférence épiscopale d'Ecosse a une fois de plus prouvé qu'il existe. C'est un chrétien, avec la langue glabre (ndt: cela renvoie au titre du blog du Père Scalese: "Senza peli sulla lingua", mot-à-mot, "sans poil sur la langue", que l'on traduirait en français par "sans langue de bois") et hépatiquement bien fourni, quant au courage.
Sa dernière sortie téméraire, il l'a faite contre la proposition, de la part du gouvernement écossais, de légaliser le mariage entre personnes de même sexe.

Aujourd'hui, les homosexuels en Ecosse ont la possibilité de jouir des droits découlant du mariage à travers le civil partnership , les unions civiles légalement reconnues. La seule différence induite par la parité juridique totale entre mariage et civil partnership serait de pouvoir célébrer les unions aussi à l'église. Le mariage gay devant l'autel. Cette hypothèse, comme il est prévisible, enflamme le débat et oppose la majorité de l'opinion publique à l'élite politiquement correcte du gouvernement.

Pour cette raison, le cardinal O'Brien a jeté le gant au pouvoir, par une provocation insidieuse et difficile à affronter: organiser un référendum et donner la parole au peuple. Pour souligner la façon dont la question est perçue chez les gens, le cardinal a comparé les données de deux sondages publics. Le premier est celui relatif au mariage gay, auquel ont répondu 80.000 personnes, et le second, relatif à la possibilité d'un référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, auquel 26.000 ont répondu.

Sur la base de ces chiffres, le raisonnement du cardinal O'Brien ne fait pas un pli: si la consultation sur la légitimation du mariage homosexuel a reçu trois fois plus de réponses que le thème institutionnel sur l'indépendance - très sensible - cela signifie a fortiori, qu'il faut organiser un référendum sur la proposition du gouvernement sur le mariage gay. C'est pourquoi, selon le cardinal, un référendum sur la question serait d'«une importance cruciale», car objet d'«un intérêt public intense».

Jusque là, rien à redire, compte tenu de la physiologie des processus décisionnels démocratiques. À cet égard, la proposition de Son Eminence ne devrait pas être considérée comme scandaleuse. Ce qui est singulier et intéressant, en revanche, c'est le puissant tir de barrage qui s'est concentré contre le cardinal O'Brien, cible, une fois de plus, de critiques féroces, à la limite de l'hystérie. Cependant, cette fois, les habituels détracteurs n'ont pas réalisé qu'en offensant les propos de l'archevêque de St Andrews et d'Edimbourg, ils ont démontré qu'ils ne possédaient pas cette haute conception du sentiment démocratique, qui est de respecter la volonté du peuple.

Et pourtant, si les partisans du mariage gay sont tellement convaincus que celui-ci représente la nécessité d'adapter la société aux temps qui changent (ce changement que l'obscurantisme clérical de l'Eglise catholique ne parvient pas à percevoir), s'ils considèrent qu'il résulte d'une nécessité profonde de la communauté, s'ils croient qu'il répond à l'idem sentire de la majorité de l'opinion publique, ils devraient être les premier à ne pas s'opposer à la projection du référendum. Au contraire, ils en on peur. Voici donc, que, par exemple, The Equality Network, organisation LGBT qui soutient la proposition du gouvernement, parle de la possibilité d'organiser un référendum comme d'un "americanata" (américanerie?). Tom French, porte-parole de l'organisation, a en effet expliqué que l'initiative serait «peu écossaise, injuste, et un gaspillage colossal des fonds publics». Du reste, pour décider «il y a déjà le gouvernement»

Il est intéressant de noter cette idée des élites selon laquelle, quand le peuple est d'accord, il faut lui demander d'assumer sa décision sacrée et souveraine, et quand il est en désaccord, l'écouter signifie rendre vain le rôle du gouvernement, et le référendum devient une mascarade coûteuse. A ce point, il vaut la peine de citer un passage du discours prononcé à l'Université de Princeton en 1964 par Bernard Baruch, un politicien américain connu, entre autres choses, comme inventeur de l'expression «guerre froide» et pour un plan de désarmement nucléaire qui porte son nom: «Le rôle du gouvernement et sa relation avec l'individu est si radicalement changé qu'aujourd'huie son action pénètre presque chaque aspect de nos vies. Des forces politiques, économiques et ethniques que nous n'avons pas encore appris à comprendre ou à contrôler se sont développées. Si nous devons maîtriser ces forces, nous devons être certains que le gouvernement appartient au peuple, et non le peuple au gouvernement, et pour assurer un futur meilleur que le passé, il faut dune manière ou d'une autre apprendre les erreurs commises dans le passé».
Baruch ne se trompait vraiment pas.