L'Eglise face au phénomène des migrations

Le message du Pape pour la journée mondiale 2013 du migrant et du réfugié a été rendu public hier. Et des chiffres (30/10/2012)

Il est disponible en français sur le site du Saint-Siège: www.vatican.va/ .
Le risque est évidemment très grand qu'il soit instrumentalisé, et la tentation non moins grande d'en faire une lecture sélective dans le sens qui nous arrange, et donc de le transformer en "texte à trous".
Il vaut mieux le lire en entier avant de le voir commenté.

Ceci dit je voulais séparer les arguments qui peuvent opposer les pro aux anti immigrationistes, mais cela s'est révélé impossible, car ils sont étroitement imbriqués dans le texte.

     
  • Les flux migratoires sont « un phénomène qui impressionne en raison du nombre de personnes qu’il concerne, des problématiques sociale, économique, politique, culturelle et religieuse qu’il soulève, et à cause des défis dramatiques qu’il lance aux communautés nationales et à la communauté internationale » (Caritas in veritate, n. 62), car « tout migrant est une personne humaine qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables qui doivent être respectés par tous et en toute circonstance » (ibid).
  • L’Eglise n’oublie pas de mettre en évidence les aspects positifs, les potentialités bénéfiques et les ressources dont les migrations sont porteuses.
  • L’Eglise et les diverses réalités qui s’inspirent d’elle sont appelées, à l’égard des migrants et des réfugiés, à éviter le risque d’apporter une simple assistance, pour favoriser l’intégration authentique, dans une société où tous puissent être des membre actifs et responsables chacun du bien-être de l'autre, généreux pour garantir des apports originaux, avec un droit de citoyenneté à part entière et une participation aux mêmes droits et devoirs.
  • Il faut réaffirmer, de fait, que « la solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir » (Caritas in veritate, n. 43). Migrants et réfugiés, au milieu des difficultés, peuvent également faire l’expérience de relations nouvelles et hospitalières, qui les encouragent à contribuer au bien-être des pays d’arrivée, grâce à leurs compétences professionnelles, leur patrimoine socioculturel et, souvent aussi, grâce à leur témoignage de foi, qui donne une impulsion aux communautés de vieille tradition chrétienne, encourage à rencontrer le Christ et invite à connaître l’Eglise.
  • (...) chaque Etat a le droit de réguler les flux migratoires et de mettre en œuvre des politiques dictées par les exigences générales du bien commun, mais toujours en garantissant le respect de la dignité de chaque personne humaine.
  • Le droit de la personne à émigrer – comme le rappelle la Constitution conciliaire Gaudium et spes au n. 65 - est inscrit au nombre des droits humains fondamentaux, avec la faculté pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun pour une meilleure réalisation de ses capacités, de ses aspirations et de ses projets.
  • Dans le contexte sociopolitique actuel, cependant, avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre, répétant avec le Bienheureux Jean-Paul II que « le droit primordial de l’homme est de vivre dans sa patrie : droit qui ne devient toutefois effectif que si l’on tient constamment sous contrôle les facteurs qui poussent à l’émigration »
  • (...) alors que certains migrants atteignent une bonne position et vivent de façon digne, en s’intégrant correctement dans le milieu d’accueil, beaucoup d’autres vivent dans des conditions de marginalité et, parfois, d’exploitation et de privation de leurs droits humains fondamentaux, ou encore adoptent des comportements nuisibles à la société au sein de laquelle ils vivent.
  • Le chemin d’intégration comprend des droits et des devoirs, une attention et un soin envers les migrants pour qu’ils aient une vie digne, mais aussi, de la part des migrants, une attention aux valeurs qu’offre la société où ils s’insèrent.
  • (...) nous ne pouvons pas oublier la question de l'immigration clandestine, thème beaucoup plus brûlant dans les cas où celle-ci prend la forme d’un trafic et d’une exploitation des personnes, avec plus de risques pour les femmes et les enfants. De tels méfaits doivent être fermement condamnés et punis, alors qu’une gestion régulée des flux migratoires, qui ne peut se réduire à la fermeture hermétique des frontières, au renforcement des sanctions contre les personnes en situation irrégulière et à l'adoption de mesures visant à décourager les nouvelles entrées, pourrait au moins limiter pour de nombreux migrants les dangers de devenir victimes des trafics mentionnés.
  • Des interventions organiques et multilatérales pour le développement des pays de départ et des contre-mesures efficaces pour faire cesser le trafic des personnes sont en effet extrêmement opportunes, de même que des programmes organiques des flux d’entrée légale et une plus grande disponibilité à considérer les cas individuels qui requièrent des interventions de protection humanitaire, au-delà de l’asile politique
     

Des chiffres

A prendre évidemment avec prudence, car les statistiques sont très difficiles à établir, faute de données précises, et de critères valables pour tous les pays d'accueil. Par ailleurs, les chiffres ont le mérite de faire apparaître la grande variété des situations... et la spécificité de la France, telle que NOUS la constatons.
Le "camembert" ci-dessous est issu du site du Pew Research Forum.
L'énormité du phénomène engage forcément L'Eglise. Et la forte proportion de chrétiens parmi les migrants est une justification évidente de sa sollicitude.

* * *

Du blog personnel de Sandro Magister, Settimo Cielo
--------------------------
En présentant le message à la presse, le cardinal Antonio Maria Veglio, président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, a fourni une série de statistiques sur les migrations, très précises et parfois surprenantes, en citant ses sources, comme cela advient rarement dans le langage de la curie.

Voici le passages de son discours dans lequel il a fourni ces informations:


«Le phénomène de la migration impressionne par le grand nombre de personnes impliquées. Il suffit de regarder, par exemple, le rapport 2011 de l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM) dans lequel nous trouvons une estimation d'environ 214 millions de migrants internationaux, soit 3 pour cent de la population mondiale - en augmentation par rapport à 2005 (malgré les effets de la crise mondiale), où le calcul atteignait 191 millions. En plus des migrants internationaux, le rapport estime que le nombre de ceux qui sont internes était en 2010 d'environ 740 millions de personnes. Si l'on ajoute les deux chiffres, on constate que près d'un milliard de personnes, soit un septième de la population mondiale connaît aujourd'hui le sort de la migration ».

Et plus loin:
«Le Pew Research Center, dans son rapport de 2012 Faith on the move, met en relation les flux migratoires avec la foi professée par des migrants (ndt: ce point, qui serait très intéressant, n'est malheureusement pas développé par le prélat, il faut donc éplucher le rapport du Pew Research Center). Le rapport identifie les dix pays qui ont «accueilli» le plus grand nombre de migrants ces dernières années, qui sont les Etats-Unis d'Amérique, la Fédération de Russie, l'Allemagne, l'Arabie saoudite, le Canada, la France, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Inde et l'Ukraine. La première place dans cette liste revient aux États-Unis d'Amérique, un pays construit par divers flux migratoires, qui abrite aujourd'hui environ 43 millions de ressortissants étrangers. Ils représentent 13,5 pour cent de la population nationale, et parmi ceux-ci, 32 millions sont chrétiens, principalement en provenance du Mexique.»

Là s'arrête le discours lu aux journalistes . Mais en bas du texte imprimé distribué à l'occasion, le cardinal Vegliò a enrichi le tableau avec des informations plus détaillées:

...
«Parmi les dix premiers pays d'origine des migrants internationaux, le Mexique est le premier avec 12,93 millions de personnes ayant émigré. Dans les statistiques, le pays d'Amérique du Nord est suivi par l'Inde (11,81 millions d'habitants) et la Fédération de Russie (11,26 millions). La Chine, le Bangladesh et l'Ukraine suivent dans cette liste, avec des chiffres s'élevant à 8,44 millions, 6,48 et 6,45. La septième place revient aux territoires palestiniens avec 5,74 millions de migrants, puisque les statistiques de l'ONU classent en tant que migrants non seulement les réfugiés palestiniens, mais aussi leurs descendants. Les dernières places reviennent au Royaume-Uni avec 5 millions, aux Philippines, 4,63 millions et au Pakistan, 4,48 millions.
...
«La liste des dix premiers pays de destination inclut à la première place les Etats-Unis d'Amérique, avec 42,81 millions de personnes, suivie de la Fédération de Russie (12,27 millions), l'Allemagne (10,76 millions), l'Arabie saoudite (7,29 millions) et le Canada (7,2 millions). Il est à noter que les États-Unis accueillent quatre fois plus d'immigrants que la Russie, l'Allemagne, l'Arabie saoudite et le Canada réunis. Les cinq dernières places de la liste sont occupés par quatre pays européens, à savoir la France (6,68 millions), le Royaume-Uni (6,45 millions), l'Espagne (6,38 millions d'euros) et l'Ukraine (5,26 millions), tandis que l'Inde est la neuvième place avec 5,44 millions d'entrées. En additionnant tous ces chiffres, les dix nations de destination préférées accueillent 110 millions de migrants, un nombre supérieur de 50 pour cent au migrants internationaux dans le monde entier».