Les «discours de haine»

La haine, on le sait, est toujours à sens unique. Les tweets insultants contre le Pape et l'Eglise, eux, ne sont pas haine, mais simple liberté d'expression. Un article de Roberto de Mattei dénonce pourtant un délit créé pour réprimer la liberté d'expression - celle des chrétiens (12/12/2012)

     

A propos de l'arrivée du Pape sur Twitter, mon ami Yves Daoudal écrit:

Le pape sur le plus superficiel et le plus atomisé des réseaux dits sociaux... c'est quasiment une incitation à l'insulte envers le pape et l'Eglise.

Il n'a pas tout à fait tort. Mais la haine qui se déverse sur l'Eglise via le réseau, existe de toutes façons, Twitter ne lui sert que de vitrine. Et on ne pourra jamais savoir ce qui se serait passé si le Saint-Père s'était abstenu de "plonger".
Le vrai problème, c'est que cette haine, qui n'est pas que virtuelle, n'est pas considérée comme telle ceux qui décident de notre vie, bien au-delà des apparences de la démocratie. Ceux-là ont une autre définition de la "haine", et elle a des implications juridiques dont, comme par hasard, les chrétiens font presque exclusivement les frais.
Quant au Saint-Père, il ne fait rien d'autre que ce qu'il avait annoncé lors de la messe d'inauguration du Pontificat, un déjà lointain dimanche d'avril 2005:

Une des caractéristiques fondamentales du pasteur doit être d’aimer les hommes qui lui ont été confiés, comme les aime le Christ, au service duquel il se trouve. «Sois le pasteur de mes brebis», dit le Christ à Pierre, et à moi, en ce moment. Être le pasteur veut dire aimer, et aimer veut dire aussi être prêt à souffrir..
...
Aujourd’hui encore, l’Église et les successeurs des Apôtres sont invités à prendre le large sur l’océan de l’histoire et à jeter les filets, pour conquérir les hommes au Christ – à Dieu, au Christ, à la vraie vie.

     

Les «discours de haine»: un délit pour réprimer la liberté d'expression des chrétiens
http://www.corrispondenzaromana.it
Roberto de Mattei
(7/12/2012)
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La liberté d'expression est de plus en plus limitée pour les chrétiens en Europe. Même les pays ayant une longue tradition catholique ont commencé à inclure dans leur législation un nouveau type de crime, les «discours inspirés par la haine» (en anglais hate speeches), qui se réfèrent à la discrimination et l'hostilité envers une personne en raison de caractéristiques particulières, comme l'orientation sexuelle ou «l'identité de genre».

Dans douze États membres de l'Union européenne (Belgique, Danemark, Allemagne, Estonie, Espagne, France, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie et Suède) ainsi qu'en Irlande du Nord et au Royaume-Uni, il est considéré comme un délit d'inciter à la haine ou à la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle. Dans quatre États membres (Autriche, Bulgarie, Italie et Malte) les discours de haine sont considérés comme des délits s'ils sont exprimés par rapport à des groupes spécifiques, mais les homosexuels sont pas inclus parmi eux. Dans d'autres États membres, les discours inspirés par la haine contre les lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transgenres ne sont pas définis précisément comme un crime. Les lobbies relativistes voudraient une législation européenne uniforme, qui réprime toutes les formes de discrimination, y compris verbales. Le 24 mai 2012, le Parlement européen a adopté une résolution contre l'homophobie et la transphobie en Europe (avec 430 voix pour, 105 contre et 59 abstentions). Le texte «condamne fermement toutes les formes de discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre», et demande instamment aux États membres de veiller à la protection des personnes lesbiennes, gays et transgenres contre les discours homophobes, d'incitation à la haine et à la violence. Cette mesure vise à prévenir toute forme explicite de critique envers la condition homosexuelle ou transsexuelle. On commence ainsi à faire appliquer strictement la catégorie juridique de «non-discrimination», introduite par l'art. 21 du Traité de Nice, qui se reflète dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le principe n'est nouveau qu'en apparece: en réalité, ce n'est rien de plus que le vieux concept jacobin (ndt: au sens "issu de la révolution française", et pas dans l'hypocrite définition donnée chez nous!) de l'égalité absolue, relancé avec le nouveau langage et adapté à la sensibilité contemporaine. Il est en effet difficile de trouver un terme aussi ambigu que celui de discrimination. L'idée même de justice, qui, dans sa formulation traditionnelle, signifie donner à chacun ce qui lui est propre (suum cuique tribuere) implique une certaine forme de «discrimination». Toute loi est contrainte, d'une certaine façon, à «discriminer», par le fait même qu'elle établit ce qui est bien ou mal, autorisé ou interdit, favorisant les uns et s'opposant aux autres. La prétention de ne pas discriminer l'orientation sexuelle signifie appliquer un critère strictement égalitaire à tous les choix, quels qu'ils soient, ayant trait à la sexualité humaine. Un critère égalitaire cohérent mènera à protéger légalement toutes les formes de désordre moral, des unions homosexuelles à la pédophilie et à l'inceste, du moins quand ils sont entre personnes consentantes et excluent la violence explicite. En outre, toute critique publique d'un comportement jugé désordonné et immoral constitue une forme de «discrimination».
Il est donc prévu l'interdiction et la répression sévère de toute forme d'activité et d'expression qui implique la critique de l'homosexualisme et de l'abortisme. Un prêtre de sa chaire, ou un professeur de son bureau, ne pourront pas présenter la famille naturelle et chrétienne comme «supérieure» aux «unions de fait» hétérosexuelles ou homosexuelles, sans que cela soit une «discrimination» passible de sanctions criminelles. Une institution religieuse, une école privée, une association chrétienne, ne pourront pas éloigner des membres qui en leur sein diffuseraient ou pratiqueraient des comportement jugés immoraux, sans que cela soit une discrimination coupable. Tout cela au nom de la condamnation du «discours de haine». Mais la haine est-elle nécessairement une mauvaise chose?

L'amour et la haine sont les deux émotions qui animent la vie des hommes et des peuples. Méditant sur la chute de l'Empire romain, saint Augustin a exposé dans sa célèbre Cité de Dieu, la vision théologique de l'histoire chrétienne, selon laquelle l'amour et la haine guident l'histoire du monde: l'amour de soi jusqu'à la haine de Dieu et l'amour de Dieu jusqu'à la haine de soi. L'amour et la haine sont inséparables dans la vie. On ne peut pas aimer le bien sans haïr le mal, et on ne peut pas défendre et propager la vérité sans critiquer l'erreur. A moins de croire que la vérité et l'erreur ne sont que des opinions subjectives et interchangeables. Aujourd'hui, cependant, le Parlement européen, et de nombreux gouvernements nationaux ne reconnaissent comme légitime qu'une seule forme de haine, celle contre le christianisme. Jésus a dit: « Vous serez haïs de tous à cause de mon nom »(Mt 10, 16-23). A l'occasion de la Journée mondiale de la Paix, de Janvier 2011, Benoît XVI a dit que les chrétiens sont actuellement le groupe religieux qui souffre le plus de persécutions à cause de leur foi. Le 9 Novembre, l'Observatoire sur l'intolérance et la discrimination contre les chrétiens en Europe a envoyé àl'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), un rapport sur l'état de la liberté religieuse sur le continent. L'Observatoire a documenté au cours des six dernières années, plus de huit cents cas en Europe où la liberté des chrétiens d'exprimer publiquement leurs idées a été lourdement violé. Beaucoup de ces cas se rapportent à l'interdiction d'exprimer publiquement son opposition à l'avortement ou au «mariage» homosexuel.

La haine du nom chrétien accompagne depuis les premiers siècles la vie de l'Église. Aujourd'hui, la haine contre les chrétiens se manifeste sous forme de persécution violente et de discrimination, et avance sous le terme impropre, mais efficace, de christianophobie, qui, dans son sens étymologique, est la peur du christianisme. L'imposition de l'union contre nature entre des personnes de même sexe, l'introduction du délit d'«l'homophobie», qui interdit toute forme de défense de la famille naturelle, la tentative de supprimer l'objection de conscience juridique de ceux qui refusent de coopérer à des homicides comme l'avortement et l'euthanasie, la promotion du blasphème dans la publicité les films et les pièces de théâtre, sont des formes de haine et d'intolérance envers les principes et les institutions chrétiennes, créées par la dictature du relativisme aujourd'hui.
Tout cela ne peut être toléré. Les chrétiens ne resteront pas inertes