Lorette: un récit fourmillant d'anecdotes

Celui de Giacomo Galeazzi, envoyé spécial de La Stampa (5/10/2012)

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Benoît XVI prie à Lorette

Nous avons vu hier au sanctuaire de Lorette, non sans une pointe d'inquiètude, le Saint-Père sur la "pedana" ou appuyé sur sa canne.
Le récit de Giacomo Galeazzi, présent sur place, relativise les images. Certes, le Pape a du mal à marcher, par moments (nous devons nous habituer à penser à lui comme à un homme de 85 ans, on a trop souvent tendance à l'oublier, quand on l'écoute!) , mais il était malgré tout en forme, et de bonne humeur. Les bains de foule et l'affection des gens simples, dissipent pour lui les miasmes du Vatican (que j'attribue moins à la Curie qu'aux journalistes qui l'épient).

Article en italien: http://vaticaninsider.lastampa.it/homepage/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/benedetto-xvi-benedict-xvi-benedicto-xvi-18661/
Ma traduction.

Le Pape: «De Lorette, nous devons communiquer que Dieu existe et qu'il nous aime»
Le souverain pontife dans la petite ville des Marches, entre bain de foule et plaisanteries hors-protocole. «Dans la Sainte Maison, nous nous sentons à la maison»

Giacomo Galeazzi

Hier (mercredi 3 octobre), à l'audience générale, place Saint-Pierre, il avait tonné contre les «experts» qui dénaturent la foi (1), aujourd'hui à Lorette, il a réclamé une Église qui se retrousse les manches, qui ne se referme pas sur elle-même, mais dialogue avec la société contemporaine et soit présente et missionnaire dans les rues du monde auprès des vraies gens.
Tons johanniques (ndt: allusion à Jean XXIII) et élans conciliaires témoignant de la racine commune entre le pape qui appela le Concile Vatican II et son successeur qui, aux assises historiques commencées un demi siècle plus tôt, fut un théologien de pointe. Mais surtout, comme le Pape l'a dit avec un sourire, «nous nous sentons à la maison». Et la distance avec les poisons et les soupçons de la Curie a tout de suite semblé immense.

« Sortir du Vatican fait du bien au Pape», résume un religieux devant la Sainte Maison. Et en effet, Benoît XVI avait semblé plutôt fatigué et éprouvé à son arrivée au sanctuaire, où il est entré sur la pedana (plate-forme mobile) et s'appuyant sur une canne. Aux motifs de tension de ces derniers jours (samedi est prévu le jugement dans le procès de son ancien majordome Paolo Gabriele) s'est ajoutée, ce matin, la légère indisposition causée par le déplacement en hélicoptère. Déjà dans d'autres circonstances, par exemple le transfert de Paris à Lourdes, en plein milieu d'une violente tempête, le mal de l'air avait provoqué un léger malaise, mais cette fois encore, le Pape a visiblement récupéré son énergie au cours de la visite .

Et la deuxième partie du pèlerinage à Lorette a été un «crescendo» entre bains de foule et plaisanteries hors protocole avec les nombreux fidèles qui se sont rassemblés autour de lui dans cette période difficile pour le Saint-Siège. Une manière populaire et spontanée de l'Église sur le terrain, pour exprimer de la chaleur et exprimer au Pape sa participation la plus convaincue à sa courageuse mission de purification et de guérison. De façon significative, le Pape a voulu à ses côtés son vicaire pour la Cité du Vatican, Angelo Comastri, qui ici, à Lorette, a longtemps été délégué, et qui était mardi sous les feux des projecteurs des médias, parce qu'il avait été mis en cause par le «corbeau» comme son confident dans le réseau des «suggestions» que ce dernier a décrit à l'intérieur du Saint-Siège.

Sur les collines des Marches, dans la ceinture de fidèles accourus pour le saluer, le climat est tout autre, et l'atmosphère n'a rien à voir avec les vents malveillants de la Curie. «Nous devons invoquer la Vierge pour nous aider à offrir au monde la vérité que Dieu existe, et qu'il nous aime », a dit Benoît XVI aux évêques et cardinaux des Marches qui l'accompagnaient dans son pèlerinage marial: le secrétaire d'État Tarcisio Bertone, le vicaire de la Cité du Vatican et archevêque émérite de la Prélature de Lorette, Angelo Comastri, l'archevêque de Bologne Carlo Caffarra, le Président du Conseil Pontifical pour les Migrants, Antonio Maria Veglio, et le président émérite de l'Académie pour la vie, Elio Sgreccia. Il a ajouté: «A Lorette, dans la maison de Marie, nous nous sentons tous à la maison et j'ai demandé une protection pour le Synode et l'Année de la Foi».

Joseph Ratzinger semblait de bonne humeur. «Confirmant une tradition désormais bien établie, à présent, le Pape se retire pour se reposer, mais vous pouvez continuer à bavarder et vous divertir, et peut-être prendre le café»: ainsi a-t-il pris congé des évêques de la région des Marches et des personnalité de la suite, à la fin du repas pris au Centre Jean-Paul II de Lorette. L'ambiance dans la salle, comme en témoigne la réplique du pontife était très festive. A table, ciauscolo (saucisson typique des Marches), olive ascolane (olives farcies, produit de la province d'Ascoli Piceno, dans les Marches), passatelli in brodo (bouillon avec des pâtes), viande grillée et haricots. Pour finir, encore, des gâteaux secs de l'antique Pâtisserie Picchio (www.pasticceriapicchio.com/picchio). Et pour ceux qui buvaient du vin, il y avait du Rosso Conero (vin rouge de la Province d'Ancône, http://it.wikipedia.org/wiki/Rosso_Conero ).

Pendant ce temps, ses paroles au sanctuaire ont rapidement fait le tour d'une région dans une profonde crise économique, comme en témoignent les délégations de travailleurs qui ont perdu leur emploi. «Dans la crise actuelle, qui affecte non seulement l'économie, mais les différents secteurs de la société», le pape a invité à donner la priorité à la «solidarité sur l'égoïsme» et à ne pas oublier les problèmes des nombreuses familles qui se tournent vers l'avenir avec inquiétude, les désirs des jeunes», «les souffrances de ceux qui attendent des gestes et des choix de solidarité et d'amour».
L'invitation faite par le pape à Lorette, de garder à l'esprit dans la crise économique actuelle, les valeurs de solidarité et les difficultés des familles et des jeunes, tient certainement compte des chiffres sur le chômage dans la région publiés par l'ISTAT (l'équivalent italien de l'INSEE) en Septembre dernier. Le taux de chômage dans la région des Marches, en Septembre était de 8,2%, soit 2,4 points de plus que la même période l'an dernier. Parmi les jeunes de moins de 25 ans, il atteint 23,5%. En Italie, la situation est encore plus grave: le taux général atteint 10,05% avec un pic de 34,3% chez les moins de 30 ans (ndt: depuis le départ forcé de Silvio Berlusconi, nos medias sont devenus très discrets sur la siruation économique de nous voisins italiens, qui est pourtant loin de s'être améliorée... et curieusement, on n'entend plus parler de grandes manifestations de protestation...).

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(1) Par conséquent, ce n’est pas l’individu – prêtre ou fidèle – ni le groupe que la liturgie célèbre, mais elle est avant tout une action de Dieu à travers l’Eglise, qui a son histoire, sa riche tradition et sa créativité. Cette universalité et cette ouverture qui est propre à toute la liturgie est l’une des raisons pour laquelle elle ne peut pas être imaginée ou modifiée par une communauté ou par des experts, mais doit être fidèle aux formes de l’Eglise universelle. (audience du 3 octobre)

Le verbe "tonner" est carrément inaproprié!