L'outrage de Venise et le crucifix de Vienne

Un article de Roberto de Mattei, dans "Corrispondenza romana": il compare les réactions au film anti-Mahomet à celles (ou plutôt à leur abscence) suscitées par un film abominablement blasphématoire projeté à la Mostra de Venise (19/9/2012, mise à jour ultérieure)

« Aujourd'hui, le crucifix est réduit à un instrument de plaisir sordide dans une société hédoniste qui s'auto-détruit en se livrant à l'islam».

>>> Cf. Mostra de Venise, moteur

1. Au moment où les medias frémissent d'une excitation obscène en attendant que les ultimes provocations d'un torchon satirique inommable (littéralement!) provoquent en France l'effet prévisible, soi-disant au nom de la liberté d'expression, Roberto de Mattei compare les réactions au film anti-Mahomet à celles (ou plutôt à leur absence) suscitées par un film abominablement blasphématoire projeté à la Mostra de Venise, dont il avait été question ici.

2. En 1988, interrogé par la télévision suisse romande (TSR) sur le film de Scorsese 'La dernière tentation du Christ', le Cardinal Ratzinger répondait (video ici: http://beatriceweb.eu/Blog06/downloads/tsr88.wmv ):

Non, je ne l'ai pas vu, et je ne veux pas donner un jugement sur une chose que je ne connais pas, seulement peut-être des observations plus générales. La première, c'est de transmettre un roman dans un film. Kazantzaki était un grand chercheur de l'absolu avec un profond désir de Dieu, et dans un roman on peut profondément exprimer une réflexion avec toutes les nuances de l'âme. Dans le film, il y a une dominance de l'image qui peut détruire l'essentiel de cette chose. Deuxième point, il me semble que le respect de la conscience des hommes, des hommes religieux, et du sacré, est aussi une des conditions de la liberté. Je ne sais pas si on a violé cette liberté, mais il me semble que ce n'est pas une atteinte contre la liberté de l'art de parler du respect nécessaire du sacré aussi dans l'art d'aujourd'hui.

On est très loin ici d'une quelconque expression artistique (quelle dégringolade, passer de Scorsese au "copte" Nakoula Bassley, ou à 'Ulrich Seidl !). Mais la deuxième partie du propos est parfaitement actuelle.
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Texte en italien: http://www.corrispondenzaromana.it/loltraggio-di-venezia-e-il-crocifisso-di-vienna/
Ma traduction.

L'outrage de Venise et le Crucifix de Vienne
Roberto de Mattei
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Il est difficile d'imaginer un attentat contre la foi chrétienne plus blasphématoire et provocateur que celui auquel on a eu droit à la Mostra de Venise le 31 Août avec la projection du film Paradise faith, d'Ulrich Seidl , un film dont le point culminant est une séquence dans laquelle la protagoniste, l'actrice Maria Hoffstatter, s'adonne à l'auto-érotisme en utilisant un crucifix comme instrument. Il est inutile d'entrer dans les détails, qui sont abominables, mais il sera bon de se rappeler que pour un chrétien, il n'y a pas de symbole plus sacré que la croix, qui représente Jésus-Christ, Dieu fait homme, mort sur la Croix pour racheter les péchés des hommes. La foi chrétienne tout entière se résume dans la prédication du Christ crucifié.

Le scandale de Venise n'est pas un incident isolé, mais s'inscrit dans un cadre de christianophobie galopante. La pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage de Dieu , mise en scène à Milan en Janvier (et à Paris l'an dernier, comme on s'en souvient), a ouvert le bal pour cette année.
Le Festival du Film de Venise, cependant, est une caisse de résonance beaucoup plus ample, une vitrine internationale, qui a vu accourir les journalistes de pointe du monde entier, référant sans aucune indignation la projection du film blasphématoire, qui a eu un prix spécial du jury.

Le Saint-Siège, le 12 Septembre, est intervenu avec une déclaration au ton ferme: « Le respect profond pour les croyances, les textes, les grands personnages et les symboles des différentes religions est une condition essentielle pour la coexistence pacifique entre les peuples» a déclaré le père Federico Lombardi, le porte-parole de la Salle de presse du Vatican, qui ne se référait toutefois pas au blasphème de Venise, mais à un autre film, Innocence of muslims , produit en Amérique et considéré comme aux origines des violentes manifestations en Libye et dans d'autres pays arabes.
«Les très graves conséquences des insultes et des provocations injustifiées à la sensibilité des croyants musulmans - a écrit dans une note le Père Lombardi - sont une fois de plus évidentes ces jours-ci, par les réactions qu'elles suscitent, y compris avec des résultats tragiques, qui à leur tour renforcent les tensions et la haine, décléchant une violence totalement inacceptable» .

Ce qui s'est passé en Libye n'aurait pas été prévu depuis des mois par Al-Qaïda en haine de l'Occident, mais aurait été le résultat inévitable des « insultes et des provocations injustifiées à la sensibilité des croyants musulmans». Mais pourquoi les insultes et les provocations à la sensibilité des croyants catholiques comme ceux de la Mostra de Venise ne sont-elles pas définies comme des «injustifiés»? Uniquement parce qu'elles ne provoquent pas de conséquences, ni graves, ni même modestes?

Très peu de gens ont mentionné que ce qui s'est passé dans la ville de Benghazi, est la conséquence non pas du film inepte anti-Mahomet, mais de la politique franco-américaine de cession du Moyen-Orient à l'Islam, qui, par un retour de histoire, a eu son moment principal dans le soutien apporté par l'OTAN aux fondamentalistes de Benghazi contre Kadhafi. Et si le monde entier a protesté contre le film anti-islamique, qui pour l'instant est semi-clandestin, et ne sera probablement jamais projeté, personne n'a protesté contre le film anti-catholique, qui a eu droit à tous les feux de la rampe et est destiné à une large circulation sans aucune opposition.

Le vrai problème aujourd'hui est le suivant. Il n'y a pas seulement la persécution des chrétiens en terre d'islam, il y a aussi la christianophobie en Occident. Mais par-dessus tout, il y a la reddition et la complicité de l'Occident face à cette christianophobie. L'automutilation des milieux ecclésiastiques fait malheureusement partie de ce système de complicité.

Le bienheureux Marco d'Aviano (http://www.vatican.va/news_services/liturgy/saints/ns_lit_doc_20030427_d-aviano_fr.html ) sur les collines de Kahlenberg, dominant Vienne, brandissait le crucifix comme un instrument de lutte et de victoire, pour inciter les combattants chrétiens à libérer la ville occupée par les musulmans. Aujourd'hui, le crucifix est réduit à un instrument de plaisir sordide dans une société hédoniste qui s'auto-détruit en se livrant à l'islam.