Mariage pour tous: la supercherie

... et le complexe des intellectuels de droite. J'ai pourtant lu un argumentaire convaincant (Camille Rameau), sur le site politiquement incorrect "Egalité & Réconciliation": " Sun Tzu, le général chinois qui connaissait son métier, a brillamment défini l’art de la guerre comme un art de la supercherie : c’est elle qui permet de gagner la bataille avant même qu’elle ne soit livrée, avant même que l’ennemi se sache en guerre". (17/11/2012)

* *

>>>
Le mariage et les enfants, biens de consommation?
>>> 3 réflexions sur le "mariage pour tous"

     

Des cathos honteux

On a pu constater ces jours-ci que sur le thème du "mariage pour tous", les sites dits "cathos", en quête de respectabilité médiatique, font la course à qui citera le plus les gays et les socialistes (sans parler des représentants des autres religions) qui sont leurs alliés - mais fragiles et éphémères, ô combien - contre le projet.
A croire qu'aucune idée pertinente n'est à attendre de la droite de conviction, ou de ce que le Professeur De Mattei nomme (comme il se qualifie lui-même) les catholiques intransigeants. Comme si ses théoriciens souffraient d'un manque de respectabilité natif, qui les rend définitivement inaptes à fournir un témoignage crédible, même dans ses propres rangs. Nouvelle illustration du fameux complexe d'infériorité face aux vrais intellectuels qui eux, on le sait, sont tous de gauche, et surtout, pas catholiques.

Je vais donc peut-être me singulariser, mais j'ai trouvé une analyse brillante sur le site (politiquement incorrect) d'Alain Soral, "Egalité & réconciliation".

Elle est signée d'un normalien (je suppose en Lettres) Camille Rameau.
L'auteur articule sa réflexion autour du mot du cardinal Vingt-Trois, "supercherie", un mot dont il n'est pas inutile de rappeller le sens - disons, la nuance qu'il implique par rapport à la simple tromperie, ou au mensonge - et qui résume très bien la nature de l'enjeu (ma seule réserve concerne la crédibilité accordée aux sondages: je n'en crois pas un mot).

Je me permets de la reproduire en entier ici.

     

Le « mariage pour tous » : une supercherie
par Camille Rameau, normalien.
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-mariage-pour-tous-une-supercherie-14891.html
__________________

On s’est beaucoup étonné de la déclaration de Mgr. André Vingt-Trois, samedi dernier à Lourdes, sur le mariage homosexuel qu’il a tout bonnement qualifié de « supercherie ».

Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié l’emploi de ce terme qui nous renseigne bien sur la nature du débat auquel on prétend nous soumettre. D’après le Littré, la supercherie est une « tromperie, faite avec finesse ». Chacun sait et, malheureusement, chacun sait bien souvent à ses dépens, que dans l’art de tromper, la finesse fait tout. D’où cette nuance, ténue mais décisive : tromper certes, mais « avec finesse », sous-entendu, avec toute la finesse possible.

Ainsi la supercherie n’est-elle pas une simple tromperie, mais le superlatif de la tromperie ; ce n’est pas la simple volonté de tromper, mais la volonté de tromper qui a su se donner tous les moyens, qui a su s’épargner tous les hasards pour aller inexorablement à son but. Dans la supercherie, il entre toujours une part suffisante d’ingéniosité et de malice pour garantir au trompeur, quoi qu’il advienne, un triomphe certain sur le trompé. Et je dis bien quoi qu’il advienne, parce que la supercherie, même découverte, est toujours découverte trop tard. Comme on dit, « le mal est fait ». La supercherie, c’est le mensonge qui devient un destin, un ressort de premier choix pour l’intrigue tragique. C’est pourquoi Littré, qui fait bien les choses, a choisi ce vers de Corneille pour illustrer sa définition : « Elle est si bien tissue / Qu’il faut manquer de sens pour douter de l’issue ». Et en effet, en ce qui concerne le texte de loi adopté par le Conseil des ministres, qui peut douter de l’issue ?

Je voudrais partir d’un fait tout récent pour illustrer ce que Corneille formule très bien. Dimanche, une élue PS du Nord, Mme Désirée Duhem a annoncé – et, semble-t-il, comme une bonne nouvelle – le mariage de deux femmes samedi prochain dans sa mairie. Elle a pris la liberté de demander « un peu d’indulgence au gouvernement » parce que la loi a pris du retard et que les deux jeunes femmes « avaient déjà loué une petite salle pour la fête ». Au cas où son argument n’était pas tout à fait convaincant, elle précise que ce couple lesbien a déjà subi des « discriminations par le passé » et « veut faire avancer les choses ». Tout cela peut nous chagriner, effectivement, mais il y a plus grave que d’avoir loué une salle trop en avance, plus grave encore que d’avoir été discriminé pour ses pratiques sexuelles, c’est de vivre dans un État où ce genre de mascarade devient, je ne dis même pas possible, mais envisageable, c’est de vivre dans un État où la solidité des institutions est menacée par le petit caprice d’une éplorée qui a un problème de salle des fêtes, c’est d’être citoyen d’un État qui n’hésite pas à sacrifier la notion même de loi devant la première hystérie progressiste venue.

Où est la tromperie ? La tromperie, ici, c’est de faire croire qu’un débat est possible alors même qu’on l’a clos, depuis longtemps, et que ceux qui ont été désignés pour le conduire ne cessent de faire preuve d’une malhonnêteté intellectuelle confondante. Sur une question comme celle-là, est-ce qu’on peut se satisfaire des propos de Mme Belkacem, qui nous affirme sans plaisanter que les Français se sont exprimés sur le sujet en votant pour François Hollande en mai dernier et qu’à partir de là, une réflexion supplémentaire serait un luxe dont on se passera bien volontiers ? La tromperie, c’est d’abord de confisquer le débat aux Français sur une question qui n’est même plus une question de société mais de civilisation.

On pourrait m’objecter qu’il est délicat de parler de tromperie si les Français sont d’accord. C’est vrai et, on ne manque pas de le rappeler, les Français sont majoritairement favorables à ce projet de loi. On nous présente régulièrement des sondages flatteurs comme autant de preuves indiscutables que le « mariage pour tous » a su séduire l’opinion française à son avantage.

Cependant, je ferai remarquer ceci : certes les Français sont d’accord – à 58%, dit-on – mais ils le sont sur un sujet pour lequel aucune discussion réelle n’est possible. Et c’est là que nous sommes trompés « avec finesse ». Pourquoi les Français sont-ils favorables à ce projet ? D’abord parce qu’on escroque notre accord en présentant cette loi comme un destin auquel il faut nous résigner, ensuite parce qu’on nous ment. On nous trompe délibérément en nous disant que le mariage est la reconnaissance par la société d’une relation amoureuse. Ce n’est pas vrai : le mariage, juridiquement et anthropologiquement, est l’union devant la société d’un homme et d’une femme en vue de la procréation pour protéger la filiation. Ce n’est pas seulement un contrat mais une institution, ce qui signifie que l’union conjugale n’est pas le résultat d’un désir individuel mais d’un besoin de la société, qui est la préservation de la famille.

À ce titre, il faut être suffisamment clair : la société n’a pas besoin de couples homosexuels, et pour fabriquer ce besoin, on voit bien que la seule solution, c’est de fabriquer des enfants. Je doute, pour ma part, que les Français soient favorables à la fabrication industrielle d’enfants et à la destruction irréversible des liens de filiation. On nous trompe en nous disant que la plupart des homosexuels veulent se marier et, là encore, ce n’est pas vrai. La plupart des homosexuels assument le choix d’une certaine marginalité et, avec bon sens, ils ne voient pas l’intérêt d’intégrer une norme pour la subvertir. Pourquoi ne pas dire que ces revendications, qu’on confond bien vite avec l’intérêt général, émanent de groupes de pression ultra-minoritaires qui ont d’abord pris en otage la communauté homosexuelle avant de braquer l’opinion française ? Mgr. Vingt-Trois n’a pas été mal inspiré de dire que le prétendu « mariage pour tous » est « le mariage de quelques-uns imposé à tous ».

Pour en revenir aux sondages, leur tendance récente souligne une baisse significative des opinions favorables au projet. On remarque, par exemple, que le nombre des partisans de l’homoparentalité n’est plus le même depuis que certains responsables politiques et religieux ont dénoncé le remplacement des mentions « père » et « mère » dans le livret de famille par les mentions « parent 1 » et « parent 2 ». Chacun, soudainement, semble mesurer ce qu’un tel changement engage pour lui-même, s’étonne d’une telle rupture et médite avec inquiétude sur ses promesses incertaines. On se demande, perplexe : suis-je un « parent 1 » ou un « parent 2 » ? Devant ce phénomène, qui ressemble à une timide prise de conscience, il est permis de poser la question : un travail de vérité peut-il mener à l’abandon de cette loi ?

J’en doute, malheureusement, tant le débat sur le « mariage pour tous » est verrouillé par le mensonge de son contenu, la précipitation déterminée des législateurs mais aussi, car c’est là la vraie finesse de cette tromperie, par la bêtise de ses défenseurs. Non pas qu’ils soient bêtes, entendons-nous. Mais, pour transformer l’insulte en compliment, disons qu’ils sont fins stratèges, car la bêtise, cette arme politique aussi efficace que surestimée, tient un rôle éminent dans la supercherie : elle est le meilleur moyen de prévenir ses failles, de colmater les brèches que viendrait percer un argument trop audacieux, trop imprudent. Et contre la bêtise il n’est rien à faire.

D’ailleurs, il est facile de constater, à chaque tentative de débat télévisé, qu’un argument intelligent contre le « mariage pour tous » se voit souvent récompensé, non pas d’un autre argument, ce serait la politesse, mais d’une moquerie pleine de suffisance ou d’une effusion de pathos censée clouer le bec.

Il y a, sans vouloir trop insister, de la part des défenseurs du « mariage pour tous », des arguments qu’ils se déshonorent d’avoir et auxquels on se déshonorerait de répondre : par exemple, quelqu’un a-t-il jamais cru à cet argument qu’un enfant serait tout aussi heureux dans un couple homosexuel parce que certains parents hétérosexuels boivent ? Voilà ce qu’en temps de crise, on appelle « argument ». Aussi, il me semble mesquin, autant qu’inutile, d’en dresser la liste pour y répondre. Habile tactique, donc, qui permet a Erwann Binet, rapporteur en chef du projet, de dire qu’« il n’y a pas beaucoup d’arguments contre cette loi ». Mais que voulez-vous qu’on réponde, par exemple, au très symptomatique « argumentaire » de Mme Duhem ? Chacun voit bien que sur ce sujet, il ne s’agit pas de discuter argument contre argument, mais de verrouiller le débat par la bêtise et les larmes faciles.

C’est pour cela que le mot du cardinal Vingt-Trois a déplu, il a brisé la chaîne. D’ailleurs, les beaux esprits n’ont pas tardé à lui rappeler qu’il n’avait pas de leçons de supercherie à donner. Face à l’argument, car c’en est un, on manie l’ironie comme on peut : on rappelle à l’Église qu’elle doit se taire dans un pays laïc, qu’elle doit vivre avec son temps, obtempérer, on lui rappelle à l’occasion – et avec quelle élégance ! – que Jésus aussi avait deux papas et ne s’en portait pas plus mal, on lui explique que si elle prétend défendre une religion de l’amour et de la tolérance elle n’a qu’à aimer, tolérer et se taire. Voilà. On croit s’en tirer avec une petite saillie voltairienne, on ricane cinq minutes, mais trois haussements d’épaule plus tard, on se retrouve quand même confronté à cette accusation, inhabituelle et violente : Supercherie ! Vous trompez les gens ! L’argument n’est pas moral, il n’est pas religieux : c’est un jugement politique qui prend au dépourvu. Et pourquoi vient-il de l’Eglise ? Je crois que c’est parce qu’elle croit encore en la vérité et qu’à ce titre elle peut dénoncer un mensonge.

Dénoncer une supercherie annonce un combat difficile. C’est, d’un seul geste, se déclarer en guerre et s’avouer presque vaincu, car l’ennemi, lui aussi d’un seul geste, a pris l’initiative en même temps que l’avantage. Sun Tzu, le général chinois qui connaissait son métier, a brillamment défini l’art de la guerre comme un art de la supercherie : c’est elle qui permet de gagner la bataille avant même qu’elle ne soit livrée, avant même que l’ennemi se sache en guerre. Se savoir en guerre, voilà chose faite. Reste, pourquoi pas, à la gagner. Rousseau, qui avait de l’imagination, se plaisait à rêver de la cuisante défaite d’une armée de chrétiens face à Sparte : « Les pieux chrétiens seront battus, écrasés, détruits, avant d’avoir eu le temps de se reconnaître, ou ne devront leur salut qu’au mépris que leur ennemi concevra pour eux. » Il ne s’imaginait certainement pas qu’il leur serait plus difficile encore, quelques siècles plus tard, de l’emporter face à une poignée de Béotiens.