Mysterium iniquitatis. Le Katechon

"Le mystère de l'iniquité est déjà en place, mais il faut se débarasser de ceux qui jusqu'à présent, le retiennent". Carlota a traduit un article du blogueur espagnol José Manuel Prada, sur un concept énigmatique qui apparaît dans la lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens (23/9/2012)

Image ci-contre
Prédication et mort de l'Antechrist (vers 1499-1502) Luca Signorelli, Dôme d'Orvieto (
source)

>>> Il avait déjà été question du Katechon dans un billet du Père Scalese que j'avais traduit ici: benoit-et-moi.fr/2009/ .
Ce quelque chose ou quelqu'un, le katechon, justement, qui empêche la pleine manifestation de l'Antechrist est l'un des noeuds les plus énigmatiques des Ecritures.
C'était en novembre 2009, La Cour européenne des droits de l'homme venait de condamner l'Italie pour « violation de l'article 2 du Protocole n° 1 conjointement avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme»... La requérante était une femme d'origine finlandaise qui avait porté plainte en 2002 parce qu'il y avait des crucifix dans les salles de classe de ses enfants.

Il y aurait donc quelqu'un, ou quelque chose, qui empêche que s'accomplisse le mal absolu, et chaque nouvelle manifestation de ce mal nous ramène à ce concept.
Chaque jour, nous nous posons la question: qui est le Katechon?
Carlota m'écrit: c'est le Saint-Père!

Katechon
José Manuel de Prada
http://www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=24943
Traduction Carlota
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Dans l’un des passages les plus mystérieux des Écritures, Saint Paul rappelle aux Thessaloniciens que l’Antéchrist ne se déclarera pas tant que le « Katechon » (l’obstacle) ne sera pas enlevé. Toute la tradition exégétique postérieure, dès les premiers siècles, a été d’accord pour signaler que Saint Paul faisait référence à l’Empire Romain, ou, plus précisément, à la substance du principe d’autorité sur lequel se fondait l’organisation romaine, auquel mettrait fin Napoléon (ndt – l’auteur fait sans doute allusion aux conséquences de la Révolution française plus qu’à Napoléon lui-même) ou la chute de l’empire austro-hongrois, ou qui subsisterait encore, selon d’autres auteurs, par le biais de l’institution de la Papauté.
Dans cet article, nous ne prétendons pas nous enfoncer dans ce mystère, mais signaler l’étonnant paradoxe que les paroles de Saint Paul renferment : l’Empire Romain, qui combattait la diffusion de l’Évangile, était cependant signalé comme le « katechon » qui empêchait le déchainement des forces du mal les plus épouvantables ; c'est-à-dire qu'il existait un mal certain et bien réel, mais l’obstacle qui empêchait l’avènement d’un mal futur immensément plus grand était là aussi. Les chrétiens ont honoré l’enseignement de Saint Paul ; et l’Église en effet, s’est faite plus forte en tirant profit de l’organisation administrative de l’Empire Romain.

J’utilise cet enseignement de Saint Paul sur le « Katechon » parce que je pense qu’il illustre parfaitement le processus déclenché dans les pays musulmans.
Sans doute les tyranneaux qui gouvernaient en Irak, Égypte, Libye ou Syrie étaient-ils un mal certain et présent ; mais leur renversement est celui de l’obstacle qui empêchait l’avènement d’un mal futur immensément plus grand. Ces tyranneaux étaient le « katechon » qui faisait obstacle à la manifestation de l’islamisme déchaîné ; ils étaient sûrement cruels avec leurs sujets, et leur domination se fondait sur la corruption (à laquelle, évidemment, participaient splendidement les puissances occidentales) ; mais, sous leur férule, les démons qui maintenant se sont déchaînés restaient enchaînés. Ces derniers jours, on a prêté une grande attention médiatique à l’assassinat de l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye, et à l’assaut de diverses légations diplomatiques ; mais de tels évènements ne sont qu’une expression minimale de la fureur islamiste qui règne dans les pays du « printemps arabe », où les communautés chrétiennes sont soumises à une persécution martyrielle (face au silence coupable, assurément, des médias occidentaux).

Dans le gouvernement de Saddam Hussein, quelque ministre chrétien était parvenu à figurer; aujourd’hui, en Irak, les chrétiens sont victimes d’attentats qui sont de véritables hécatombes et ils sont condamnés à la « diaspora ». Sous le mandat de Kadhafi, on célébrait sans conditions le culte dans les édifices religieux chrétiens combles d’une multitude d’émigrants venus des pays transsahariens ; lors de la « libération » de la Lybie, ces émigrants chrétiens ont été frappés sans pitié à coup de machettes, sous la fausse excuse d’avoir collaboré avec le régime de Kadhafi. L’on peut, approximativement, prédire la même chose en Égypte, où les Coptes, même s’ils étaient traités comme des citoyens de seconde classe, pouvaient professer leur foi ; aujourd’hui ils sont réduits à la clandestinité, et assassinés sans danger. Et la même chose arrivera, - ou arrive déjà, dans ces zones du pays contrôlées par les rebelles en Syrie.

Le mal le plus grand qui maintenant apparaît dans les pays du dit « printemps arabe » n’aurait pu se manifester sans l’inestimable aide des puissances occidentales (*), avec des Etats-Unis à la tête, gouvernées par une meute de présumés chefs de la « démocratie ». Ce qui est en train de se passer ces jours-ci n’est que le commencement. Un « katechon » a été enlevé.

Commentaire de Carlota

Je comprends le texte de Juan Manuel de Prada, mais sans vouloir excuser la légèreté (ou le machiavélisme irresponsable) des grandes puissances occidentales, je crois qu’avec ou sans elles, l’ennemi de Dieu, et donc du genre humain, aurait trouvé des complices ici ou ailleurs, aujourd’hui ou un peu plus tard, et qu’actuellement et de nouveau il utilise au mieux les adeptes de l’islam comme le font les adversaires occidentaux, sans foi ni loi, du Christ. Certes, la chute provoquée des « tyranneaux », a rendu encore plus tragique la situation mais nous Occidentaux, globalement, n’étions-nous pas sur une très mauvaise pente depuis fort longtemps déjà ?

À relire certains textes des Écritures, entre l’apostasie actuelle de très nombreux chrétiens au sens large, et en particulier des catholiques issus de grands pays longtemps les plus fidèles à la Papauté, notamment l’Espagne, l’Italie, l’Autriche, et même de la France avec son immense renouveau missionnaire du XIXème siècle, et les situations apocalyptiques des fidèles du Christ qui paient de leur vie leur attachement à la Foi dans de très nombreux pays dans le monde (350 000 morts par an, 200 millions de chrétiens persécutés dans le monde), l’on ne peut être que terrifié. Jusqu’où cela va-t-il aller ? Nous pouvons d’autant plus être angoissés que les comportements (sauf rares exceptions) de nos autorités politiques (celles qui sensées être les défenseurs du bien commun, de leur peuple et du pays où il vit), sûres de succès immédiat et de l’impunité terrestre, s’acharnent, par idéologie et ambition voire lâcheté, à refuser les valeurs essentielles, les seules salvatrices et qui sont prônées sans cesse et avec sagesse par l’Église Catholique Universelle (même si l’on peut effectivement ne pas être chrétien et y adhérer néanmoins avec un minimum de bon sens et de réflexion).

Néanmoins, incorrigible dans l’espérance, même si je ne suis plus que pessimiste par rapport aux faits de la réalité quotidienne, je crois que si un katechon (obstacle donc) a sauté dans les pays musulmans, un autre a aussi sauté en Occident, et dans tous les domaines. Tout se déchaîne en même temps, que cela soit dans le système scolaire, la justice, la médecine, l’économie. Un reste de post-christianité sociétale subsistait depuis quelques décennies et nous faisait croire que rien n’avait changé, nous laissant dans une fausse quiétude, mais toutes ces apparences sont en train de s’écrouler de plus en plus vite. Nous vivions sur des héritages reconstruits sur les décombre de la Révolution Française, mais leurs soubassements n’étaient pas si solides que cela. Même l’affaire du journal satirique dont la liberté d’expression est soutenu par la faune d’artistes et politiques patentés du système, les mêmes qui empêchent ceux qui ne pensent pas comme eux de s’exprimer, montre que cette presse soi-disant rebelle mais qui pratique bien « officiellement » l’irrévérence, pour ne pas dire un autre mot, est à bout de souffle. « L’homme de la rue», sur ce pitoyable exemple notamment, se rend compte qu’un journal qui confond humour avec obscénité et liberté d’expression avec insulte et mépris envers la dignité humaine du prochain quel qu’il soit, pour vendre 200 000 exemplaires au lieu de 45 000 habituellement, c’est peut-être pousser un peu loin le bouchon. D’autant que ce même homme de la rue se demande s’il aura encore du travail demain, si son usine ne sera pas délocalisée, etc
Certes le mal est épouvantable, mais ce mal n’est-il pas une bête sauvage traquée qui donne de terribles coups de pattes ? Et pourquoi cet obstacle, ce katechon qui a sauté, ne permettrait-il pas, dans un terrible déchainement qui est loin sans doute d’avoir encore montré toute sa force, de réveiller les consciences. Ce serait un peu à l’image du type, pas si méchant que cela, mais de tempérament noceur, qui après une très mauvaise « gueule de bois », une de plus, découvre qu’il est vraiment à côté de la plaque…Et en nous réveillant, même encore à moitié sonné, nous avons une chance extraordinaire, celle d’avoir un vieux monsieur en blanc qui ne cesse de nous montrer l’unique chemin possible, en nous expliquant qui est le vrai ennemi à combattre, afin que le maximum de cœurs se convertissent, avec la grâce de Dieu, et malgré nos imperfections humaines.

À l’occasion de la visite institutionnelle à Rome d’évêques des diocèses de l’Ouest de la France, dont beaucoup semblent parfois bien démunis devant la sécularisation forcenée - voire convaincus ou vaincus , et préfèrent même l’accompagner - le cardinal Ricard, a déclaré (cf ici) : « L’évangélisation n’est pas qu’une joyeuse campagne de communication » [… c’est aussi] « un combat spirituel, un temps d’épreuve où l’on peut prendre des coups ». […il y a] « bien des façons de vivre le martyre, le martyre du sang, le martyre médiatique, le martyre devant l’opinion publique, le martyre du service de la communion dans une Eglise traversée par des tensions redoutables ». Paroles, paroles diront certains. Je n’étais peut-être pas aussi attentive aux paroles des évêques français il y a quelques années, mais il me semble que le ton est nouveau.

Pour conclure, je crois qu’il est assez aisé de voir d’une manière générale à qui profite tous ces évènements, des « tyranneaux » renversés aux soutiens de caricaturistes dont l’obscénité nous souille rien qu’à y penser et en faisant même abstraction de ce qui est caricaturé. Il profite à celui qui s’est, par orgueil, déclaré ennemi de Dieu et a refusé son amour. La Bible nous le désigne pourtant clairement comme le rappelle très bien le responsable du site de Notre Dame de Kabylie ici.