Pourquoi tant parler du cardinal Martini?

Et pourquoi les jeunes étaient-ils absents, à ses grandioses funérailles? Réflexions... (4/9/2012)

Certains de mes lecteurs ont pu s'étonner que j'accorde une telle place à la mort du cardinal Martini, figure après tout fort peu connue en France en dehors des cercles spécialisés, et auteur encore moins lu, même si La Procure a des étagères entières consacrées à ses oeuvres (et à celle de Hans Küng: la dernière fois que j'y suis allée, j'ai trouvé la place réservée à Joseph Razinger beaucoup plus réduite); des gens dont la culture religieuse se résume à quelques lieux communs pêchés sur Internet s'extasient sur "l'immense théologien"; personnellement, j'ai lu en tout et pour tout Conversation nocturne à Jérusalem, et cela ne m'a pas donné envie d'aller plus loin, même s'il y avait de beaux passages (cf. benoit-et-moi.fr/2010-I).

Donc, j'en ai beaucoup parlé - alors qu'il y a tant de sujets graves et passionnants, qui devraient requérir mon attention, mais d'autres sites amis en parlent mieux que moi.

Anti-Pape, ou anti-Ratzinger?

---------------------
Disons à titre de justification que ceci est un site consacré à Benoît XVI, et la personnalité de celui que les medias et les catholiques progressistes avaient décrété non pas tant "anti-Pape" (lui s'était qualifié, sans humilité excessive, d'"ante-pape", ce qui signifie tout autre chose) mais Anti-Ratzinger, y a aussi sa place. Ne serait-ce que pour savoir jusqu'où "ils" pouvaient aller dans le manque de respect au Saint-Père.
Et bien sûr, mon intérêt n'est pas sans rapport avec les délires de quelques officines roses en marge de l'Eglise.

Le cardinal Martini, une sorte d'Abbé Pierre italien
----------------------------

Les italiens ont vécu avec sa mort exactement ce que nous avons connu il y a 5 ans à la disparition de l'Abbé Pierre (et à un degré moindre, à celle de Soeur Emmanuelle). Même si les deux hommes sont très différents en apparence (d'un côté un savant éminent, devenu cardinal, de l'autre un homme d'action, et un prêtre en marge) le surdimensionnement médiatique a été exactement le même, le rôle attribué à eux aussi, et ce n'est pas un hasard si tous deux ont lâché une ultime provocation avec une "lettre posthume" (réelle ou fabriquée) dont j'ai parlé hier (cf. Document: le testament du Cardinal Martini).

Une unanimité de louanges lassante
----------------
Et bien sûr, même si les medias ont proclamé urbi et orbi que les italiens étaient unanimes dans l'hommage, cela commence à ne plus être vrai du tout. les langues se délient. Les excès des mêmes medias (qui ont fait des obsèques de Martini au Dôme de Milan pratiquement des funérailles nationales, retransmises en direct sur la 1ère chaîne de la RAI, dans un faste qui évoque davantage la liturgie pré-conciliaire que la pauvreté tant prônée par l'icône des progressistes) ont fini par lasser.
Je lis sur Il Giornale d'aujourd'hui:
"Fleuves de rhétorique pour une appropriation post-mortem. Martini élu anti-Pape par ceux qui ne vont pas à la messe... Opinionistes et journaux de la gauche caviar ont transformé le cardinal en un petit saint laïc".

Carlo Maria Lomartire, journaliste catholique, et même "martinien", dans un éditorial, toujours sur Il Giornale écrit:

Ils ont été jusqu'à réclamer que le pape vienne aux funérailles (ndt: cela a été effectivement évoqué sur Il Corriere, où le cardinal avait sa rubrique hebdomadaire). Requête tellement disproportionnée (il me semble qu'il n'est jamais arrivé qu'un Pape quitte Rome pour aller aux funérailles d'un évêque, aussi illustre soit-il), tellement excessive, qu'elle sonnait comme une provocation: En somme, l'impression est que d'un certain côté, on a voulu présenter Martini comme figure alternative au pape: le leader du catholicisme progressiste contre celui conservateur"....

Le meilleur, c'est la réflexion de mon amie Raffaella (qui a rendu ces pages possibles par une couverture exhaustive, et qui est particulièrement concernée comme milanaise et "ambrosienne"), qui réagit à un article de la Repubblica, signé Michele Serra.
J'ai traduit ici le plus "goûteux" (il ne faut surtout perdre de vue ce qu'est ce journal: la voix de l'anticléricalisme le plus dur, le pendant italien de "Libération"):
(http://www.finesettimana.org/pmwiki/uploads/Stampa201209/120904serra.pdf )

Pas de jeunes, aux funérailles de Martini
-------------------
Une multitude sereine et silencieuse - comme le sont les italiens dans les meilleurs moments - a salué carlo Maria Martini au Dôme, dans la cathédrale obscure et sur la place lumineuse (ndt: il y a deux degrés de lecture à ce contraste entre la lumière et l'obscurité!!), depuis toujours parvis (en italien "sagrato", référence au Sacré) et lieu civique par excellence (ndt: les musulmans viennent y prier!)
Ce furent des funérailles solennelles avec une foule énorme,
de presque pape, ou presque de pape, précédées d'un interminable hommage au cercueil, une queue qui a duré trois jours et trois nuits et qui a fait dire "tout Milan était là", et fait réfléchir sur la popularité d'un homme peu médiatique (!!!) et d'un intellectuel de haut vol...

La seule absence perceptible, à y regarder de plus près, était celle des jeunes. Pour trouver quelqu'un sous les 30 ans, à part les (rares) enfants que les parents tenaient par la main, il fallait aiguiser ses yeux.
Une société décidément vieillie ne suffit pas, à elle seule, à expliquer la fuite évidente, en un jour très significatif pour Milan, des jeunes milanais... Peut-être que pas même le Père Carlo Martini n'aurait su expliqué pourquoi, à ses funérailles, on voyait de tout, mais aucune trace des fils.

La Repubblica se réjouit donc, mine de rien, que l'Eglise soit moribonde, et qu'il n'y ait pas de jeunes.
Mais voici la magnifique réponse de Raffaella:

Une foule énorme de jeunes pour Benoît XVI, en juin, à Milan
---------------------
L'absence des jeunes? Pourquoi doit-elle surprendre? Ceux qui ont moins de 40 ans ne divisent pas l'Eglise entre progressistes et conservateurs, et ne suivent pas l'onde de masse des médias. Ils reconnaissent qu'il y a un seul pape, et que les "anti" ou "ante" papes, construits par les journaux, sont juste un fantasme. Un fantasme utile, durable, fascinant pour certains, mais malgré tout une invention.
Les jeunes à Milan, ils sont là, et comment! Ils sont la meilleure partie du diocèse ambrosien.
Ce n'est pas il y a trois ans, ou trente ans, que nous les avons vus, mais il y a seulement trois mois, au Stade Meazza, dans les rues de la capitale lombarde, et surtout à Bresso. Ils se sont pressés autour de Benoît XVI, ils l'ont attendu devant l'archevêché et ont écouté ses paroles d'unité et de compréhension. Les médias ne l'ont pas remarqué, mais en Juin, le diocèse ambrosien était en fête. Les deux millions de milanais et Ambrosiens qui ont accueilli le pape n'ont pas trouvé d'écho dans les journaux et à la télévision, mais ils étaient là, et ce fut un spectacle d'amour et de bonheur.
L'Eglise est jeune, a dit Benoît XVI le 24 Avril 2005. Et les jeunes ont compris le message. Il sont toujours présents, partout où il ya le pape