Présence du diable aujourd'hui (II)

Second volet du dossier de Carlota. Le bouillon des déséquilibrés. (9/9/2012)

>>> Premier volet:
Présence du diable aujourd'hui (I)

Image ci-contre: Ilustration de l'anticléricalisme ordinaire en Espagne sous la République et bien avant le soulèvement franquiste - Image d'un journal satirique fondé à la fin du XIX à Valence en Espagne mais qui va devenir de plus en plus antimonarchique puis anticlérical.

Lorsqu’on parle du diable, en mal bien sûr, aujourd’hui on nous regard comme si l’on sortait du film « Les visiteurs ». Certes il ne faut pas voir caché derrière chaque arbre un petit personnage rouge, fourchu et malfaisant, mais il n’est cependant pas interdit de se poser des questions sur de nombreuses actions commises aujourd’hui du fait de l’inversion des valeurs. En refusant Dieu, effectivement nous semblons perdre notre libre arbitre, nous faisons bien mal fonctionner notre raison et nous en subissons les terribles conséquences même si nous nous refusons de l’admettre, tout cela au grand plaisir de celui qui n’existe pas!

Diable en action ou pas, il y a pourtant de nombreuses traces quotidiennes d’une influence mauvaise, qui montrent combien les hommes utilisent mal la liberté que même les incroyants (voire les adorateurs de Satan) revendiquent tant, qu’il s’agisse de hauts responsables ou de gamins « désœuvrés »…
Ainsi des faits même jugés sans gravité sont devenus fréquents, comme par exemple dans nos églises, des tabernacles profanés, des statues et des vitraux très anciens brisés, ce qui a, en plus, comme conséquences de faire fermer les églises la journée par précaution et d’empêcher de facto les croyants ou les non croyants d’y pénétrer pour des petits passages impromptus de quelques minutes mais qui peuvent être tellement bénéfiques: double gain pour le diable ! Et ne parlons pas des « visites récréatives» dans les cimetières (cf. www.estrepublicain.fr). Toutes ces pratiques semblent désormais tellement courantes que, comme disent les autorités (y compris parfois les prêtres des paroisses), il s’agit de vandalisme ou d’incivilité qui sont d’ailleurs souvent l’œuvre de « déséquilibrés », néanmoins toujours très attirés par ce qui en rapport avec la religion catholique. Ces déséquilibrés sont aussi très nombreux en Espagne, comme de bien entendu.

Le Père Jorge González Guadalix curé d’une paroisse du nord de Madrid, s’interroge sur le phénomène des « déséquilibrés » à partir d’un fait divers odieux récent.
(Carlota)

Le bouillon des déséquilibrés

par le Père Jorge González Guadalix
(original ici: berbellin.wordpress.com)

Je lis dans la presse ce matin qu’ « un déséquilibré a frappé à la tête avec son pied une sœur de 84 ans à Atocha » (a). Aussitôt je me suis rappelé qu’il y a quelque temps également un « déséquilibré » avait mis le feu à la sacristie de la Sainte Famille de Barcelone.

Il y a peu je parlais à un ami journaliste et je lui racontais que j’avais été insulté à différentes reprises dans la rue à cause de ma condition de prêtre (ndt le père Jorge, n’est pas en soutane, mais porte le col romain). Quelque déséquilibré a-t-il repris. Je suppose que oui. Déséquilibrés doivent l’être aussi les auteurs des profanations du Saint Sacrement à Madrid, la dernière je crois il y a quelques semaines dans la chapelle de l’Hôpital Ramón y Cajal (b). Des déséquilibrés, aussi, j’imagine ceux qui ont tenté de brûler des églises de la capitale ou ceux qui insultent des curés et des religieuses.

Ce ne sont pas des déséquilibres ou s’ils le sont, c’est de sortir d’un bouillon de culture de l’agression et des moqueries sur l’église qui finit pas déboucher sur ce que nous sommes en train de vivre.

C’est très facile à comprendre.
Imaginez qu'à mon entourage, il me prend l’envie de raconter qu’il semble que Monsieur Manolo est un sale type. Peu à peu je vais rajouter des détails de mon cru : qu’il crève les ballons des enfants, qu’il harcèle les mamans, qu’il passe son temps à arracher les plantes des voisins, qu’il insulte les gens, qu’il est agressif, qu’il a branché sa lumière sur le compteur commun de l’escalier, qu’il y en a qui disent qu’il s’occupe d’affaires de drogue, qu’il viole des femmes la nuit, et en plus qu’il a lancé un mauvais sort aux femmes prêtes à accoucher. Il n’y a pas à s’étonner que la presse un jour annonce que Monsieur Manolo se trouve dans un état grave, victime de l’agression d’un déséquilibré. Évidemment. Le déséquilibré c’est celui qui l’a visé avec ses deux coups de poing. Le bouillon de culture, c’est un "assistant" qui l'avait échauffé petit à petit.

C’est la même chose maintenant pour l’Église. Cela fait pas mal de temps que nous sommes victimes d’agressions, d’attaques, de demi-vérités. Que l’Eglise est la plus grande sangsue de l’État, qu’elle ne paie rien de rien, qu’il faut les voir les curés, les évêques, comme ils vivent, qu’avec la crise que nous avons, et l’Eglise qui ne pense qu’à elle, et tu te rends compte les trucs des curés et des enfants, et des bonnes sœurs qui volent des bébés, et le Vatican, je ne t’en parle pas. Eh bien, c’est normal que vienne un déséquilibré et qu’il dise : tiens, voilà pour eux.


À Madrid jusqu’à maintenant cela avait commencé par les insultes. Sont venues les profanations de tabernacles, j’ai en expérimentée une très douloureuse dans ma paroisse, et des chapelles (rappelez-vous celle de l’université cumplutense) (c) taguées, des tentatives d’incendies volontaires des églises, des insultes, des processions athées. Aujourd’hui nous avons le cas d'une religieuse de 84 ans, le résultat très grave de l’agressivité d’ « un déséquilibré ».

Et cela va croissant. Un jour au lieu d’un, ce seront plusieurs « déséquilibrés » et au lieu d’un coup de pied à une vieille religieuse, ils préféreront brûler un couvent avec toutes les religieuses dedans. Après l’on dira : des « déséquilibrés », des « exaltés », des gens qui n’ont pas toute leur tête. Oui. Mais ils sont sortis d’un bouillon de culture qui a été peu à peu alimenté avec toute la mauvaise graine.

Et cela n’est pas la première fois que cela nous arrive On jette de l’huile sur le feu, l’on traite l’église de tous les noms en omettant toute les bonnes choses qu’elle pourrait faire, et finalement c’est là qu’apparait un déséquilibré. Et qui a préparé le terrain pour qu’il apparaisse ? (d-e).

Notes de traduction

a) Le fait divers odieux (dont j’ai rassemblé les éléments à partir de plusieurs sources en particulier le journal ABC – original ici )

Le 5 septembre à 20H30 deux religieuses en habit se trouvaient près de la station de taxis de la gare madrilène d’Atocha, elles venaient attendre une consœur arrivant au TGV de Saragosse. Un Espagnol de 26 ans a alors frappé d’un coup de pied à tête l’une d’elles. Il s’agissait de la sœur Aurora Aparicio Carrascosa, âgée de près de 85 ans. Il semble que des compagnons de l’agresseur aient continué à insulter la victime gisant au sol et que même le présumé suspect a crié (sources policières) « Que la police m’arrête, c’est cela que je veux. Qu’ils me coffrent ! Elle, elle sait pourquoi je l’ai frappée ! Appelez la police ». Il s’agit d’un individu avec déjà quatre antécédents judiciaires. La pauvre religieuse qui est depuis de très nombreuses années à la retraite (congrégation enseignante) est actuellement dans un état grave mais stationnaire avec une mâchoire brisée et un traumatisme crânien. Elle ne connaît pas son agresseur.

Dans un article (original complet ici) Eulogio López le directeur et fondateur du plus ancien journal espagnol sur internet « hispanidad.com » a dénoncé, à chaud, évidemment cette odieuse agression, mais en employant a contrario une terrible mais révélatrice ironie. Il dit notamment dans son article : « L’histoire est très compréhensible […] Elles se déplaçaient avec leur habit [de religieuse], ce qui déjà révèle de l’envie de provoquer ». […] La réaction générale de la classe politique et des médias a été exemplaire: respectueux silence sur les faits. Pour les médias cela a été plus difficile parce qu’ils ont comme tâche de dire ce qui se passe. Alors on a eu recours à la prudente tactique qui consiste à parler d’un accès de folie. C’est pour cela qu’en aucun cas, j’insiste, en aucun cas, nous devons interpréter ce fait comme un symptôme d’anticléricalisme institutionnel ou populaire. Il s’agit d’un fait isolé qui n’a rien à voir avec l’atmosphère dominante. […] Et en tout cas, en considérant que l’attaquant état un homme et l’attaquée une femme, - oui, c’est démontré scientifiquement : les religieuses sont des femmes, quoique de catégorie inférieur, l’aversion pourra toujours grossir la liste des victimes de violence du genre (ndt en Espagne évidemment il faut le comprendre toujours homme contre femme, le genre n’est pas unisexe dans tous les cas !), un apport statistique d’un intérêt élevé. Oui, la religieuse a été attaquée d’un coup de pied à la mâchoire, une chose à réprouver : Mais c’est que ce sont des bonnes sœurs ! ».
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À la lecture des documents en ligne sur cet odieux fait divers, l’on ne peut effectivement par parler à la place des psychiatres mais ce qui est certain c’est qu’il a un déséquilibre manifeste des valeurs dans l’acte de cet homme jeune qui frappe une femme et en plus très âgée et qui veut se faire justice lui-même (puisque sa victime est sensée savoir pourquoi il l’a frappée). L’on peut bien admettre qu’une personne ait des troubles à caractère schizophrène, ce qui est, paraît-il de plus en plus fréquent du fait de l’usage devenu courant de la drogue, mais il n’empêche que cet homme de 26 ans n’a pas choisi comme victime un gros costaud de son âge…

b) Immense hôpital madrilène inauguré à la fin des années 70 et qui porte le nom de Dr Santiago Ramón y Cajal, prix Nobel espagnol en 1906 pour ses travaux sur la structure du système nerveux.

c) Chapelle de l’université de Madrid, où dans les derniers mois de l’ère zapatériste, - mars 2011, des étudiants et surtout des étudiantes dépoitraillées étaient entrés hurlant les habituels slogans obscènes soit disant pour défendre la femme, des tags blasphématoires orduriers et obsessionnellement à connotation sexuelle avaient aussi été écrits un peu partout.

d) Il n’est pas exclu que le Père Jorge González Guadalix fasse allusion aux persécutions religieuses de la Seconde République Espagnole (1931-1939).

e) Le Père Jorge López Teulón (archidiocèse de Tolède) que nous connaissons bien notamment pour son remarquable travail pour les causes de béatifications et canonisations des martyrs de son pays pendant la Guerre Civile espagnole a récemment mis en ligne sur son blogue (http://www.religionenlibertad.com/) l’ouvrage paru en espagnol du prêtre d’origine catalane Josep Gassiot Magret, en 1954, « Notes pour l’étude de la persécution religieuse en Espagne ». Le Père Gassiot donnait les caractéristiques générales des persécutions anticatholiques dans son pays, mais l’on peut retrouver des points communs avec bien d’autres situations plus ou moins récentes.